Homélie septième dimanche de Pâque B: Une communauté guidé par le Saint Esprit et la Parole de Dieu

Première lecture : Ac 1,15-26
Psaume responsorial : 103(102)
Deuxième lecture : 1Jn 4,11-16
Evangile : Jn 17,11-19.

Puisque le Christ ressuscité n’est plus le Jésus des discours et des enseignements,
nombreuses sont les paroles qu’il avait prononcées avant sa Mort et que la liturgie place dans le contexte d’après Pâque. Par exemple, avant d’être arrêté pour être crucifié, Jésus avait prié le Père pour ses disciples, demandant pour eux, entre autres, la grâce de l’unité. C’est un extrait de cette prière qui est proposée dans l’Evangile de ce septième dimanche de Pâque, dans un contexte post pascal, entre l’Ascension et la Pentecôte. Ce qui m’intéresse ici, ce n’est pas de savoir si cette prière est exaucée ou non, mais de voir comment l’Eglise primitive donne l’exemple de cette unité dans la première lecture de ce jour. J’entreprends en quelque sorte d’ouvrir une petite fenêtre sur le cénacle, ce lieu où les Apôtres s’enferment par crainte des Juifs, pour voir comment bouillonne l’Eglise dans cette intime marmite réchauffée par l’Esprit
de Pentecôte.

Comme témoignage de vie, l’unité en question se vit dans une communauté, autour de Pierre comme seul chef, avec les Saintes Ecritures comme seul guide et le tout sous l’action de l’Esprit Saint comme éclairage de toutes les délibérations et décisions.

Une communauté. Les Actes des Apôtres fournissent les éléments de son contenu (cf. Ac 1,15) et son effectif qui est de cent vingt personnes environ (cf. Ac 1,13-14). L’unité de ce groupe est un défi que la communauté primitive relève de la belle manière sous l’autorité de Pierre.

Pierre, le seul chef. Pour qu’il y ait unité, il faut un seul chef, et ce chef, c’est Pierre.
Un chef non élu démocratiquement, mais nommé par Jésus, en sorte que, accepter son autorité, c’est faire un acte de foi au Christ. Conscient de sa responsabilité, Pierre prend une première initiative : faire élire quelqu’un pour compléter le rang des Douze d’où Juda avait fait défection par sa trahison et son suicide.

La procédure de cette élection aurait pu mettre à rude épreuve l’unité de la communauté.

En effet, on présente deux candidats. Comme on le sait des hommes, il n’en faut pas plus pour que l’unité commence à s’effriter, parce que les uns sont pour l’un, les autres pour l’autre, et c’est l’affrontement. Ce qui sauve le groupe de la division, c’est d’abord l’établissement transparent du critère du choix qui doit s’opérer au niveau des personnes qui ont accompagné les Apôtres durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, depuis son baptême par Jean jusqu’au jour où il nous a été enlevé. Sans nier le reste, ce critère réduit toute la vie de Jésus à son ministère public. On sait par ailleurs que même de ce ministère, le point focal, ce sont les événements relatifs à la Mort et la Résurrection du Christ.

Ce qui fait éviter ensuite la dérive de la division, c’est l’idée de prier, c’est-à-dire, de
recourir à l’arbitrage de Dieu avant de procéder au tirage au sort. Tirer au sort est une méthode archaïque connue aussi des païens. En effet, c’est par cette pratique qu’on repère Jonas comme la cause du déchaînement de la tempête (cf. Jon 1,7). Mais le tirage au sort semble sans menace pour le monothéisme juif : Saul est élu roi par tirage au sort (cf. 1 S 10,21) ; les Lévites manient légitimement Urim et Tummim pour indiquer le choix du sort (cf. Nb 27,21 ; Dt 33,8). On s’étonne seulement que cette pratique soit adoptée pour l’élection de Mathias, mais l’Eglise évoluera bien vite dans ce domaine et, l’envoi de Paul et de Barnabé en mission, c’est l’Esprit Saint qui intervient pour le décider au sein de l’Eglise d’Antioche (cf. Ac 13,2-3). C’est effectivement l’Esprit Saint qui, dans les Actes des Apôtres, réalise l’unité de la communauté en concentrant son attention sur la compréhension des Ecritures.

Les Ecritures, seul guide de la communauté. Dès que Pierre ouvre la bouche, voilà ce
qu’il dit : frères, il fallait que l’Ecriture s’accomplisse… Il est certain que Pierre n’est pas un des disciples d’Emmaüs, mais Jésus a su lui brûler le cœur en l’initiant à l’interprétation des Ecritures. D’ailleurs quand on entend Pierre dans d’autres discours, on se rend compte qu’il interprète toute la vie du Maître comme réalisation des Ecritures, et c’est dans ce même mouvement qu’il comprend l’accident que constitue Juda dans sa carrière. Lorsque nous parlons ici des Ecritures, il s’agit exclusivement des Ecritures juives, car ce qu’on appellera par la suite Nouveau Testament n’était pas encore constitué. La référence que Pierre fait aux Ecritures
juives laisse entendre que Dieu ne fait rien au hasard en général, mais que la carrière de Jésus entre particulièrement dans un vaste plan que Dieu réalise dans la révélation juive. Pierre ne se présente pas seulement comme un croyant juif, mais aussi il réalise l’unité du temps en partant du présent pour interpréter le passé et s’orienter vers le futur, muni de la lumière du Saint- Esprit.

Pour les personnes individuelles que nous sommes et pour les communautés que nous constituons, la démarche de Pierre peut beaucoup nous inspirer, et nous enseigner que être le seul chef – et il n’en faut qu’un seul – ne veut pas dire gouverner sans consulter la communauté.

C’est dans la mesure où le responsable est à l’écoute de la communauté qu’il se donne les chances de la guider selon le vouloir de Dieu. Et s’il veut accéder avec plus de précision à ce vouloir de Dieu, il doit se référer aux Saintes Ecritures et cultiver une écoute attentive de l’Esprit Saint qui est leur auteur. Ce que je dis là est valable pour nos foyers, nos services, nos chantiers et nos communautés.

Si vous vous étonnez que Pierre est le premier Pape de notre Eglise, sachez que cela ne peut être lié ni à son mérite ni à sa profession de pêcheur du lac en Galilée, mais au don de Dieu à travers l’Esprit. Qu’en tout et pour tout nous assiste l’Esprit de Pentecôte.