Première Lecture : Ex 34, 4b-6.8-9
Cantique : Dn 3, 52, 53, 54, 55, 56
Deuxième Lecture : _2 Co 13, 11-13
Évangile : Jn 3, 16-18
Je voudrais vous amener, par mes propos de ce jour, à considérer notre vie de foi.
N’est-il pas vrai que celle-ci est par trop basée sur ce que Dieu fait ou ne fait pas pour nous, sur comment il satisfait ou ne satisfait pas nos besoins, surtout sur combien il nous comble ou nous prive ? La preuve n’est-elle pas que quand tout va bien pour nous, c’est l’exubérance de
la foi, et quand tout va mal, c’est la crise ? Pour ne prendre qu’un exemple terriblement contemporain, combien, pendant la pandémie en cours, ne sont pas restés secoués dans leur foi, bien sûr, pour des raisons aussi graves que la perte d’un être cher, l’épreuve personnelle de la maladie même ou l’écroulement des finances ? Combien ne se demandent pas : “où donc est Dieu?”
En attirant ainsi votre attention, je n’entends pas formuler des critiques à l’endroit de quiconque. De fait, nous ne pouvons pas nous comporter autrement dans notre vie de foi, car nous sommes des nécessiteux et nous ne pouvons pas éprouver des besoins et être indifférents à la satisfaction, pas plus que nous ne réussissons toujours à être sereins face à celui qui refuse de nous satisfaire.
N’ayez donc pas peur qu’il en soit ainsi de votre vie de foi. En réalité, il en a été bien ainsi d’Israël. Pour Israël et pour longtemps, Yahvé, c’est le Dieu qui assure abondance de lait et de miel, qui lui donne victoire sur ses ennemis. C’est pourquoi les souvenirs les plus marquants qu’Israël garde de son Dieu, c’est la délivrance des mains de Pharaon, roi d’Égypte,
la traversée de la Mer Rouge ou encore le retour de l’Exil à Babylone. Et quand tu entends le peuple murmurer contre Dieu, c’est quand il a faim ou soif, ou alors quand la défaite est aux portes.
Ce à quoi je voudrais vous inviter aujourd’hui, c’est de ne plus vous inquiéter de ce que Dieu vous fait ou ne vous fait pas, mais d’exiger de Lui sa carte d’identité. De fait, dans notre société moderne, que d’occasions où l’on nous demande de montrer la carte d’identité ! À notre tour de demander celle de Dieu !
Sur cette carte, voilà ce que Moïse nous lit dans la première lecture de ce jour : Yahvé le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité. Paul, dans la deuxième lecture nous lit : le Dieu d’amour et paix. Jésus son Fils, dans l’Évangile de ce jour, déchiffre : “Dieu, l’amant du monde, donateur de la vie éternelle à celui qui croit en
lui”. Enfin, sur la même carte, l’Église, bénéficiaire de la pleine révélation de Dieu, interprète : “Dieu, une seule nature divine dans les trois Personnes du Père, du Fils et du Saint-Esprit”.
C’est en vertu de cette identité divine révélée dans les Saintes Écritures que l’Église institue la solennité de la Très Sainte Trinité pour ce dimanche.
Voyez-vous, frères et sœurs, notre effort de lire la carte d’identité de Dieu se solde par un cuisant échec, car il s’avère que notre intelligence limitée ne peut la comprendre, même après les différents interprètes venus à notre secours.
Toutefois, du peu que nous pouvons comprendre de ce document divin, nous pouvons dire que les Personnes divines sont au nombre de trois, mais elles forment une unité étanche. Elles s’aiment réciproquement, elles travaillent dans une parfaite collaboration, sans jamais de
contradictions entre elles, ni de conflits de volontés. C’est dans cette unité que Dieu mène l’œuvre de la création, celle de notre rédemption et celle de notre sanctification.
Ce que nous lisons d’unité sur la carte d’identité divine peut nous amener à faire notre examen de conscience par rapport à notre vie avec les autres.
On peut d’abord se réjouir du fait que les hommes, spontanément, s’assemblent pour la vie familiale, sociale, professionnelle et nationale. Mais quelle tristesse de voir que des hommes s’assemblent aussi pour faire le mal, et le langage du Droit les désigne sous le nom d’associations de malfaiteurs. C’est la chose la plus déplorable chez les humains, et le
Psalmiste s’en plaint : tous ils ont dévié, ensemble pervertis. Non, il n’est plus d’honnête homme, non, plus un seul (Ps 53, 4). Une telle association donne l’apparence d’unité, mais celle-ci est si négative qu’au partage du butin, elle se désagrège totalement et le groupe se dissout dans le meurtre réciproque.
Heureusement que des hommes s’associent pour accomplir des œuvres d’amour. Mais le péché, toujours ancré dans le cœur de l’homme, réussit à semer en lui l’ivraie de l’orgueil, de l’égoïsme, de l’égocentrisme et de l’esprit de domination, au point de ruiner les meilleures intentions et de pervertir les projets les plus inspirés. Le péché réussit aussi à s’infiltrer dans divers aspects de la vie : en famille, il divise le mari de la femme, le frère du frère, la sœur de la sœur, le frère de la sœur, surtout dans les partages d’héritage ; en société, le Blanc du Noir,
le Blanc du Jaune, alors que ces deux dernières couleurs sont réunies dans l’œuf ; en vie professionnelle, le chef de l’adjoint, le patron de l’ouvrier ; dans la vie nationale enfin, il faut mentionner le principe de la démocratie qui, tout en promouvant l’unité nationale, bâtit son
équilibre sur l’opposition des partis politiques, c’est-à-dire, sur l’opposition entre ses propres enfants.
Un autre germe du mal est semé dans les sociétés des hommes quand les uns professent que Dieu n’existe pas et que d’autres, par contre, croient en Lui. Mais le plus triste survient quand ceux qui reconnaissent un Etre Supérieur se mettent à diverger sur son identité. Et quand même ils finissent par s’entendre sur son profil, ils commencent à s’opposer
férocement sur la façon de l’adorer, en sorte que ce qui devrait unir devient pomme de discorde.
Que l’exemple de la Très Sainte Trinité parle au cœur des hommes par la Lumière de son indivisible unité, Amen !