Homélie dimanche 20/11: Vous connaissez Titeuf ? Peut-être que vous lui ressemblez plus que vous ne le pensiez !

Ce n’est pas parce que la semaine prochaine, nous accueillerons à Bellegarde, comme chaque année d’ailleurs, le festival de la Bande dessinée que je veux commencer cette homélie en parlant de Bande dessinée ! Ceux parmi vous qui ne sont pas des lecteurs acharnés de Bandes Dessinées me pardonneront et j’imagine que c’est le cas de beaucoup, étant donnée la génération de la plupart d’entre vous. Mais, quand vous recevrez vos petits enfants ou arrières petits-enfants, vous pourrez leur sortir cette réplique culte qui me permet de lancer cette homélie. Parmi toutes les B.D. il y en a une qui connaît un grand succès, c’est Titeuf. Titeuf, c’est un enfant, facilement reconnaissable grâce à la houppette qu’il a sur la tête qui ressemble à une plume. Titeuf, il est avec ses copains de l’école ou sa famille et il aime réagir sur tous les grands sujets qui préoccupent les adultes, mais il le fait avec sa manière enfantine et donc naïve de comprendre ces problèmes, c’est souvent délicieux. La réplique culte de Titeuf, c’est de dire : « c’est pô juste ! » Les enfants le disent souvent d’ailleurs, ils voient bien qu’il y a dans le monde, plein de choses qui ne sont pas justes et ils ont souvent l’impression que ce qui leur arrive n’est pas juste, que la manière dont on les traite n’est pas juste. D’où la réflexion de Titeuf, presque à chaque page et même plusieurs fois par page : c’est pô juste !

Mes amis, j’ai l’impression qu’en lisant cette page d’Évangile et bien d’autres pages d’Évangile, nous pourrions avoir envie de pousser, nous aussi, le cri de révolte de Titeuf : c’est pô juste ! Oui, c’est pas juste d’entendre que le 1° locataire du paradis, ça sera un bandit ! Jésus va mourir, pour le ridiculiser et le décrédibiliser jusqu’à la fin, on n’a rien trouvé de mieux à faire que de l’entourer de deux bandits qui eux, méritent, leur condamnation. Evidemment, ils ne méritent pas de mourir et surtout pas de cette mort si terrible qu’est la crucifixion, mais, à l’inverse de Jésus, l’innocent exécuté, eux, ils méritaient la condamnation. D’ailleurs, l’un d’entre eux, le reconnaît.

Eh bien voilà que c’est à l’un de ces deux bandits que Jésus dit : « Amen, je te le dis : « aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » Et on sait que toutes les déclarations de Jésus qui commencent par « amen » sont comme des déclarations solennelles. C’est un peu comme si Jésus disait : « Ne croyez pas que la souffrance, la fièvre me font perdre la tête, ce que je dis, je le dis solennellement : le premier à être en paradis avec moi, c’est lui ! » Et le plus terrible, c’est que le 2° risque bien d’être l’autre bandit ! En effet, comment imaginer qu’en entendant cette parole, il ne se soit pas converti, lui aussi ? Un bandit comme 1° locataire du paradis et peut-être que le 2° ne vaut pas mieux que le 1° !  Vous comprenez pourquoi on aurait envie de dire avec Titeuf : c’est pô juste !

Et ils sont nombreux les passages d’évangile où le même scénario se reproduit. C’est Jésus qui va demeurer chez cette crapule de Zachée et qui fait son éloge. C’est Jésus qui annonce que dans le monde entier et jusqu’à la fin des temps, on se souviendra du geste que vient de faire, pour lui, une prostituée en lui répandant du parfum sur les pieds. J’arrête là, mais on pourrait aligner tant et tant de textes où on a l’impression que pour être aimé de Jésus il vaut mieux ne pas être trop fréquentable !

Assez régulièrement, d’ailleurs, ceux qui s’estiment justes, et ils ont souvent de très bonnes raisons de s’estimer justes, vont pousser le cri de Titeuf, mais avec d’autres mots : c’est pô juste ! Alors comment comprendre cette attitude de Jésus ? J’aimerais développer rapidement 3 points.

– 1° point rapide, et c’est une précision essentielle. Jésus ne loue jamais les crapules parce qu’elles sont des crapules ! Il loue les crapules quand elles se convertissent, c’est donc la conversion d’une crapule qui remplit Jésus d’admiration. Important à préciser !

– 2° point absolument capital. Vous vous rappelez peut-être des publicités d’il y a quelques années pour les machines à laver « Vedette ». Il y avait la mère Denis qui était formidable. Cette femme, plus vous lui ameniez du linge qui était sale plus elle était contente ! On avait presque l’impression que la crasse l’attirait ! Mais attention, ce n’est pas parce qu’elle aimait la crasse, c’est même tout le contraire, elle aimait la propreté, mais elle savait qu’avec sa machine, toute cette crasse et même la plus résistante disparaitrait ! J’aime comparer Jésus à la mère Denis, lui c’est le péché qui l’attire, mais comme la mère Denis, non pas parce qu’il aime le péché, c’est le contraire, il est attiré par le péché parce qu’il aime le pécheur et qu’il ne veut pas le laisser dans sa crasse. Il est attiré par la misère parce qu’il est miséricorde.

Ce week-end, le pape François va refermer la porte sainte qu’il avait ouverte le 8 décembre pour inaugurer cette année de la miséricorde. Il avait voulu cette année pour que tous les chrétiens reprennent conscience que la miséricorde, ce n’est pas une qualité parmi d’autres pour Dieu, non, il a redit que la miséricorde, c’est son nom, sa carte d’identité. En fermant les portes, il ne signifie donc pas que la miséricorde, c’est fini, sûrement pas, mais il nous dit : pendant un an, je vous en ai parlé dans toutes mes interventions, je vous ai invités à la vivre et surtout à la rayonner. Maintenant, on en parlera moins, mais on en vivra plus. Et s’il a choisi de clôturer cette année jubilaire de la miséricorde en cette fête du Christ-Roi, c’est précisément parce que cette fête et tout particulièrement l’Évangile que nous venons d’entendre nous montre Jésus roi de la miséricorde. Parce qu’il est le Fils de Dieu, de Dieu dont le nom est miséricorde, on pourrait dire que c’est dans ses gênes à Jésus que d’être miséricorde. Alors, quand il entend cet homme crucifié à côté de lui exprimer cette prière : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Il lui dit : « je vais faire plus que me souvenir de toi puisque je vais te prendre avec moi ! » C’est plus fort que lui, il ne peut pas faire autrement ; puisque son cœur est empli de miséricorde, dès qu’il parle, c’est la miséricorde qui sort de sa bouche, qui émane de son regard, qui transparait dans ses gestes, qui imprègne ses rencontres, qui détermine ses choix pour aller ici ou là. Oui, Jésus est Roi, roi de la miséricorde et quand il ne lui reste presque plus aucune force, ses dernières forces sont encore pour exprimer la miséricorde. Quand il n’a presque plus de souffle pour parler, il utilise le dernier souffle qui lui reste pour offrir la miséricorde. Il le mérite bien ce titre de Roi, Jésus, il est Roi de miséricorde.

– Enfin 3° point, et il est si vital pour nous. Avec Titeuf, devant toutes ces situations de l’Évangile, il nous arrive au moins de penser, si nous n’osons pas le dire : c’est pô juste. Mais sommes-nous aussi sûrs que ça de ne jamais avoir besoin de la miséricorde ? Evidemment, les péchés que nous commettons sont, objectivement, moins graves que ceux commis par les crapules que j’évoquais. Mais, ne croyez-vous pas qu’ils peuvent être largement aussi blessants pour le cœur de Dieu ? En effet, ces crapules, elles vivaient souvent loin de Dieu, à elles, on pouvait appliquer le dicton : sans foi, ni loi. Mais ce n’est pas notre cas ! Depuis notre Baptême, nous savons à quel point Dieu nous aime, nous entoure de son amour, nous considère comme ses enfants bien-aimés. Alors ne croyez-vous pas que nos petits péchés mais répétés si souvent blessent autant le cœur de Dieu que les gros péchés des crapules qui ne le connaissent pas ? C’est pour cela qu’hier j’ai voulu aller à Fourvière pour recevoir encore une fois le sacrement de la miséricorde dans cette année jubilaire. Oui, nous aussi, nous avons besoin de la miséricorde et que plutôt que dire : c’est pô juste, nous ferions mieux de nous réjouir que la miséricorde de Dieu, manifestée en Jésus, soit sans limite.

Plutôt que de nous enfermer dans des réactions infantiles comme Titeuf, je vous propose que tout à l’heure, au début de la Préface, vous puissiez vraiment vous associer à la prière que je vais dire et qui commencera par ces mots : il est juste et bon de te glorifier Seigneur et chacun pourra ajouter : il est juste et bon de te glorifier pour ta miséricorde, cette miséricorde que tu m’as si souvent prodiguée.

Père Roger Hébert