J’aime bien raconter que, lorsque j’étais au séminaire, nous descendions dans les rues de Lyon pour voir les illuminations. Et, une année, nous nous promenions quais de Saône, de là, on voyait très bien l’inscription lumineuse qui ornait le fronton de Fourvière, à l’époque le slogan était : Marie, mère de Dieu, maintenant, c’est : Merci Marie ! Devant nous, il y avait un groupe de jeunes qui voyant cette inscription lumineuse, disaient : « regarde, maintenant, même les curés se mettent à illuminer leurs églises, ils récupèrent toutes les fêtes ! »
C’est sûr que si on interrogeait les milliers de personnes qui participent à ce qu’on appelle maintenant « la fête des lumières », bien peu pourraient dire que, à l’origine, c’est une fête religieuse qui concerne la Vierge Marie. Remarquez, je ne suis pas sûr que, si on interrogeait les gens qui participent aux messes, il y en a beaucoup qui seraient capables d’expliquer ce que recouvre cette fête de l’Immaculée Conception. Beaucoup disent que l’Immaculée Conception, c’est le fait que Jésus soit né d’une femme qui n’a pas connu d’hommes. Non, la conception dont il est question n’est pas celle de Jésus, mais celle de la Vierge.
L’Immaculée Conception, c’est une fête, somme toute, assez récente puisque ce dogme a été proclamé en 1854 par le pape Pie IX et qui affirme que Marie a été conçue sans péché ou, selon la formulation du dogme, qu’elle a été préservée depuis sa conception des séquelles du péché originel. Pour faire plus simple, attribuée à Marie le titre d’Immaculée Conception, c’est affirmer qu’elle est sans péché.
Finalement, on pourrait dire que Marie est la plus belle réussite de Dieu. Vous pourriez me dire, non, c’est Jésus, mais Jésus n’est pas créé par Dieu, nous le disons dans le Credo : engendré, non pas créé. Donc Marie est bien la plus belle réussite de Dieu. Elle correspond parfaitement à ce que Dieu avait comme projet quand il a créé l’homme et la femme. Parce que préservée du péché, Marie est la femme par excellence. En effet, le péché, c’est ce qui vient perturber l’humanité, c’est ce qui est à l’origine de tous les problèmes. Certains théologiens donnent une définition assez simple du péché, ils disent que le péché, c’est le fait de rater la cible. Parce que nous sommes créés à l’image de Dieu qui n’est qu’amour, nous sommes faits pour aimer. Mais voilà, en chacun de nous, il y a une faille qui fait qu’on dérape. Et du plus loin que je puisse remonter dans mes souvenirs conscients, je me rends compte que je dérape. L’Église parle d’ailleurs de péché originel pour dire justement que cette faille s’origine très profondément en nous. Cette faille, Paul l’a explicité de manière lumineuse en expliquant : le bien que je voudrais faire, je ne le fais pas toujours, par contre le mal que je ne voudrais pas faire, je le fais trop souvent. Nous pouvons tous nous reconnaître dans cette formulation.
Tous, sauf Marie ! Elle n’est pas habitée par cette faille, elle ne rate jamais la cible. Elle est faite pour aimer et elle le vit parfaitement, sans dérapages. Finalement, elle est le modèle de ce que nous aimerions être, sa vie est le modèle de ce que nous aimerions réaliser dans nos vies. J’espère, en effet, que nous avons tous conscience que le péché vient défigurer nos vies, nos projets, nos réalisations. J’espère que nous en avons un peu mieux pris conscience tout au long de cette année de la miséricorde, année qui était inaugurée par la porte sainte qui s’ouvrait à Rome justement l’année dernière à la même date et qui s’est refermée il y a un peu plus de 15 jours. Oui, c’est bien dans le soleil de l’amour miséricordieux que nous découvrons l’ombre que vient projeter le péché sur nos vies.
Mais, justement, cette année de la miséricorde nous aura permis de découvrir que, ce que Marie avait reçu par grâce dès avant sa conception et pour toujours, nous pouvons le recevoir régulièrement en faisant appel à cette miséricorde infinie de Dieu. Nous, nous n’avons pas été préservés du péché, mais pour autant, nous ne sommes pas condamnés à trainer comme un boulet les conséquences de nos péchés. L’ombre que projette le péché sur nos vies ne fait pas que grandir au fur et à mesure que nous avançons en âge. La miséricorde, c’est précisément la grande invention de Dieu qui nous permet, à chaque fois que nous la demandons, de retrouver l’éclat d’une vie vécue dans l’amour.
Certes, contrairement à Marie, chez nous ça ne dure pas ! Mais comme le pape François l’a rappelé si souvent au cours de cette année, Dieu ne se fatiguera jamais de nous accorder sa miséricorde. Et si la porte sainte de la miséricorde est refermée à Rome, le cœur de miséricorde de notre Dieu reste largement ouvert. Il ne dépend donc que de nous de choisir régulièrement de repousser l’ombre du péché pour faire gagner la lumière de l’amour.
En cette fête de l’Immaculée Conception, demandons à Marie qu’elle intercède pour nous afin que nous puissions lui ressembler toujours plus. Pour cela, qu’elle nous aide à avoir recours aussi souvent que c’est nécessaire à la miséricorde de Dieu sans nous laisser gagner par le découragement pour toutes les fois où nous ratons la cible.