Homélie dimanche 16/09/18: M’aimes tu?

Voilà l’homélie de la messe de mon départ qui est en même temps la messe de rentrée des catés.

Bonne semaine !

P. Roger

 

Quand on écoute l’évangile, il faut vraiment l’écouter du début à la fin et quand je dis du début, c’est vraiment du début ! Avez-vous retenu qui était l’auteur de l’évangile que nous avons lu ? C’est St Marc et, vraiment, je peux vous dire que ce n’est pas sans importance. Vous savez que Marc ne faisait pas partie des 12 apôtres, peut-être avait-il rejoint le groupe de ceux qui suivaient Jésus vers la fin du ministère de Jésus puisque, bien des exégètes pensent qu’il est ce jeune homme qui s’enfuie à moitié nu du jardin des oliviers quand Jésus est arrêté. Si Marc ne faisait pas partie des 12, une question se pose : comment a-t-il pu écrire un évangile qui raconte des événements très précis vécus par Jésus, des paroles très précises prononcées par Jésus ? Evidemment, la réponse est simple, s’il a pu écrire tout cela, c’est parce que quelqu’un le lui a raconté. Mais alors la question rebondit : qui le lui a raconté ?

 

Nous savons que Marc a été un peu comme le secrétaire de Pierre. Pierre était un pécheur du lac, il ne savait vraisemblablement ni lire, ni écrire, comme l’immense majorité des hommes de son temps. Très vite, avec les responsabilités qu’il a assumées dans l’Église naissante, il lui faudra quelqu’un à ses côtés pour faire ce qu’il ne savait pas faire, et c’est Marc qui accomplira ce service, plus tard, il deviendra aussi le compagnon d’évangélisation de Paul. Dans ce compagnonnage que Pierre et Marc vont vivre, il n’est pas compliqué d’imaginer que Marc cherchera à recueillir tous les souvenirs de Pierre. Quand on a la chance de côtoyer quelqu’un qui, lui-même, a côtoyé un très grand personnage, on ne laisse passer aucune occasion d’apprendre de lui tous les détails possibles sur ce grand personnage. A n’en point douter, c’est ce qu’a fait Marc avec Pierre, d’ailleurs certains commentateurs des évangiles n’hésitent pas à donner à l’évangile de Marc le litre d’évangile de Pierre.

 

Pourquoi c’est si important de préciser cela ? Eh bien tout simplement parce que ça donne un relief particulier au texte de l’évangile de Marc surtout quand il nous parle des relations entre Jésus et Pierre. Toutes les paroles que Jésus a dites à Pierre, dans l’évangile de Marc, elles sont comme les souvenirs directs de Pierre, lui-même, de même pour les attitudes de Pierre à l’égard de Jésus. Par exemple, quand on lit le reniement de Pierre, dans l’évangile de Marc, il est bon de se rappeler que c’est Pierre lui-même qui raconte sa défaillance. C’est sûr que ça donne à l’évangile un exceptionnel caractère d’authenticité. Dans l’évangile d’aujourd’hui, nous sommes dans cette situation. C’est Pierre qui a raconté à Marc l’épisode que nous avons lu. Il a donc raconté qu’à la question de Jésus : pour vous qui suis-je ? Il avait fait une réponse merveilleuse qui l’avait d’ailleurs étonnée lui-même, il se demandait où il était allé chercher une telle réponse. Désormais devenu très humble, puisqu’il raconte tout ça bien après la mort et la résurrection de Jésus, Pierre explique encore à Marc que Jésus lui avait dit que cette réponse n’avait pas jailli de sa pauvre intelligence, mais qu’elle lui avait été soufflée par le St Esprit.

 

Vous vous rendez compte, c’est, Pierre, le premier Pape qui raconte tout ça ! Vous imaginez ce qu’aurait dit un homme politique qui raconte sa carrière à son secrétaire pour qu’il en fasse un livre ? Il lui aurait dit : « on a posé une question difficile et, moi, avec mon génie habituel, j’ai tout de suite donné la réponse avant tout le monde ! » Il aurait soigneusement caché la remarque : ce n’est pas toi qui as trouvé la réponse, elle t’a été soufflée du ciel ! Il aurait encore plus soigneusement caché la suite de l’épisode ! Et voyez-vous, pour moi, c’est ça le signe que l’évangile est vrai : il ne cache rien des faiblesses du chef, mieux, c’est le chef, lui-même, qui ose tout dire de ses faiblesses pour qu’elles soient connues de tous !

 

Parce que c’est là qu’en lisant la suite de l’évangile, ça devient encore plus émouvant et encore plus signe d’une grande vérité de l’évangile. C’est Pierre, lui-même, qui a raconté à Marc qu’il s’est fait traité de Satan. Vous vous rendez compte ! Jésus ne l’a pas traité de « pignouf » ou de je ne sais quel autre mot qui aurait manifesté son impatience, il le traite de Satan, c’est-à-dire littéralement d’adversaire et c’est Pierre lui-même qui raconte ce souvenir en demandant qu’il soit porté à la connaissance de toute l’Eglise. Vous croyez vraiment que, si l’évangile avait été inventé, on aurait rapporté des paroles qui sont si peu glorieuses pour le chef de l’Eglise ?

 

Pourquoi Pierre a-t-il tant insisté pour que ces paroles si dures de Jésus à son égard soient portées à la connaissance de tous ? Je vois deux raisons essentielles.

 

  • La 1°, c’est que Pierre veut souligner l’immense miséricorde de Jésus pour lui. Pierre n’a pas peur de montrer toutes ses défaillances pour mieux souligner l’immense miséricorde de Jésus. Oh, c’est sûr Jésus aurait eu 1000 bonnes raisons de prendre Pierre en tête à tête pour lui dire : écoute Pierre, j’avais dit que je ferai de toi le chef de l’Église, mais, tu m’excuseras, je vois bien et tu te rends bien compte, toi aussi, que ce n’est pas possible, tu n’es pas à la hauteur. Rien de tout cela ! Après toutes ses défaillances et surtout après la plus terrible de toutes, son triple reniement, quand Jésus le prend à part, c’est pour lui demander 3 fois : Pierre, m’aimes-tu ? Et quand Pierre, qui a enfin tout compris, bredouille, sûrement dans des larmes : Seigneur, puisque tu sais tout, tu sais que j’ai des gros sabots, que je ne suis pas toujours très fin, mais puisque tu ne m’interroges pas là-dessus et que tu me demandes uniquement si je t’aime, alors, oui, ça je peux te le dire : je t’aime, malgré mes faiblesses, je t’aime dans mes faiblesses. C’est vraiment poignant de relire l’évangile de cette manière.

 

  • Venons-en à la 2° raison qui explique pourquoi Pierre a voulu que ses faiblesses soient portées à la connaissance de tous. C’est pour que dans l’Église naissante, Église dans laquelle, il occupe une place qu’il ne méritait pas, personne ne se trompe. Si l’Église tient bon, ce n’est pas parce qu’elle a un bon chef à sa tête, mais parce qu’elle repose sur le Christ et sa fidélité à aimer jusqu’au bout. Le chef actuel, notre pape François est une merveilleuse illustration de cette attitude. Toutes ses rencontres avec des groupes se terminent invariablement par la même phrase : et surtout, n’oubliez pas de prier pour moi ! C’est comme s’il leur disait : je suis tellement conscient de mes insuffisances que je vous demande de prier pour moi pour que je tienne dans la mission qui m’a été confiée et, surtout, je vous en prie : ne pas me prenez pas pour ce que je ne suis pas, je ne suis pas un homme exceptionnel, je ne suis qu’un pauvre pécheur, successeur d’un pauvre pécheur qui tient grâce à la miséricorde qui, jamais, ne nous fait défaut.

 

Je ne me prends pas pour Pierre, mais, en ce jour où je célèbre la messe pour la dernière fois au milieu de vous, je veux dire les mêmes paroles que Pierre : Seigneur, puisque tu sais tout, tu connais mes insuffisances, tu sais tout ce que je n’ai pas assez bien fait dans cette communauté et même ce que je n’ai pas fait alors que ça aurait été bien de le faire. Tu connais les personnes que j’ai oubliées et aussi celles que j’ai blessées. Oui, toutes mes insuffisances, tu les connais. Mais, Seigneur, si tu ne m’interroges sur l’amour que j’ai pour toi, alors, oui, ça je peux te le dire : je t’aime, malgré mes faiblesses, mieux, je t’aime dans mes faiblesses, et je te redis que je suis tellement heureux de t’avoir donné ma vie pour le service de mes frères. Au moment où je m’apprête à partir, je te demande de les bénir tous et chacun et de bénir de manière particulière le père Gaston qui va prendre le relai ainsi que le père René qui va le seconder, épaulé par la présence active des pères John et Jean.

 

Père Roger Hébert