BAPTEME DE NOTRE SEIGNEUR 2021

Première lecture : Is 55, 1-11
Psaume responsorial : 13(13)
Deuxième lecture : 1 Jn 5, 1-9
Evangile : Mc 1, 7-11.

 

Pour entrer dans le mystère de la fête de ce jour, il serait nécessaire de vous
débarrasser de tout ce que vous avez en tête sur le baptême comme Sacrement de l’initiation chrétienne, reçu dans l’enfance ou à l’âge adulte suite à une conversion de vie et une catéchèse consistante. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit quand on célèbre la fête du Baptême de  notre Seigneur par Jean dans le Jourdain.

Si l’on s’en tient à l’Evangile de Marc qui ne comporte pas de récit d’enfance de Jésus, son Baptême constitue le début absolu de sa mission terrestre. Mais si l’on considère globalement les Evangiles synoptiques, on peut prendre cette scène du Baptême de Notre Seigneur pour une deuxième Epiphanie. Dimanche dernier, nous avions fêté la première à laquelle on peut attribuer une dimension horizontale : l’Enfant-Jésus se révèle à des rois de l’Orient et par son étoile les attire aux frontières de l’Occident. La deuxième Epiphanie qui coïncide avec le Baptême comporte une prévalence verticale dans la mesure où Jésus, désormais adulte, se trouve reconnu de là-haut par la voix du Père : c’est toi mon Fils bien-aimé, en toi j’ai mis tout mon amour.

A propos de cette Epiphanie du Baptême du Seigneur, demandons-nous pourquoi Jésus doive se manifester. En résumé, il se manifeste pour se faire connaître et pour être reconnu. D’ailleurs sa mission principale c’est de faire connaitre le Père par ses paroles et ses actes. Il se fait donc connaître pour que le Père soit connu et que par là, lui-même soit reconnu comme l’Envoyé de Dieu, c’est-à-dire, le Messie. Qui ne le reconnaît pas n’aura pas manqué de manifestation, mais il aura eu les yeux aveuglés et le cœur endurci. C’est ce phénomène d’endurcissement qui se vérifie chez ceux qui demandent des signes après en avoir vu (cf. Mt 12, 38 ; Mc 8, 11), ou chez ceux qui estiment Jésus complice de Béelzéboul lorsqu’il chasse les démons (cf. Mt 12, 24). La manifestation de Jésus n’a donc rien à voir avec le m’as-tu vu de l’auto-suffisant, mais elle contribue à sauver tous ceux qui le reconnaissent comme Messie, et à condamner ceux qui ne le reconnaissent pas malgré son épiphanie.

Toujours pour cette Epiphanie du Baptême du Seigneur, les lectures de ce jour recourent à des éléments symboliques et réels.
Un élément symbolique, c’est que le Baptême en question se déroule dans le célèbre fleuve du Jourdain. Réellement, le lit de ce fleuve, si on l’assimile au fond de la Mer Morte où il se jette, se situe à quatre cents mètres en-dessous du niveau de la mer. C’est dire qu’à l’opposé du Mont Everest considéré comme le toit du monde, le lit du Jourdain se situe au point le plus bas de la terre habitée. Symboliquement cela indique qu’il n’y a pas d’hommes sur la terre qui vivent plus bas que le niveau atteint par Jésus dans sa descente du ciel. Cela indique aussi que Jésus s’abaisse jusqu’à la dernière misère de l’homme, c’est-à-dire, la misère de la mort. Ce Baptême annonce donc déjà les couleurs de la mort de Jésus lui-même et de sa descente aux enfers, symbolisées par ailleurs dans son immersion dans l’eau du Jourdain. Vraiment, Jésus s’est abaissé en se faisant obéissant jusqu’à la mort… (Ph 2, 8).

L’autre élément symbolique, c’est aussi la forme de colombe sous laquelle l’Esprit descend sur Jésus sortant de l’eau. La culture biblique fournit une riche signification de ce symbole, mais nous voulons en retenir seulement que la colombe est proche de la maison de Dieu, ce qui la rend disponible à être achetée par les plus pauvres (cf. Lv 5, 7 ; 12, 8) pour constituer leur offrande à Dieu, comme dans le cas de Marie et de Joseph, à la Présentation de Jésus au Temple (cf. Lc 2, 24). N’est-ce pas la pauvreté et la disponibilité de Jésus même qui se trouvent ainsi exprimées (cf. Ps 40(30), 8) ? Mieux encore, laissons Frère Ephraïm nous dire que la colombe est un animal destiné au sacrifice qui est sans tache, d’un blanc immaculé, qui n’émet pas de plainte au moment du sacrifice mais qui au contraire tend le cou pour se faire égorger en vue de la rémission des péchés. Là, pour la gent ailée, la colombe représente ce que symbolise, chez la gent quadrupède, la brebis muette qu’on mène à l’abattoir (Is 53, 7 ; cf. Jr 11, 19). Et qui se ferait prier pour y voir toutes les conditions du sacrifice suprême de Jésus, selon le témoignage des Evangiles et celui des Pères apostoliques (cf. Mt 26, 63 ; Jn 1, 29 ; Ac 8, 32-33 ; 1 P 2, 23) ?
C’est le lieu de comprendre qu’il n’y a rien d’oiseux dans l’option de Marc lorsqu’il fait du Baptême de Notre Seigneur le début absolu de sa carrière de Messie, car ce début en annonce si éloquemment la fin et le résultat final qui sont la Mort et la Résurrection du Christ et la Rédemption de l’homme pécheur.

L’élément réalité auquel recourent les lectures de ce jour pour exprimer l’Epiphanie du Seigneur dans son Baptême, c’est l’invitation à l’écoute, telle qu’elle apparaît dans la première lecture : prêtez l’oreille ! Venez à moi ! Ecoutez et vous vivrez. Nous voilà renvoyés au Credo d’Israël : écoute, Israël… (cf. Dt 4, 1 ; 5, 1). Si Jésus par son Baptême dans le Jourdain, inaugure sa vie publique, c’est pour parler aux hommes par ses discours et par ses actes, ce qui impose, comme condition de salut, d’ouvrir les oreilles et les yeux pour entendre ce qui est dit et écouter ce qui est fait. On comprend alors que le prophète lie l’écoute à la vie : écoutez et vous vivrez. Ecouter, c’est-à-dire, entendre avec l’oreille, adhérer avec le cœur, engager sa vie à observer la Loi de l’amour. Cela veut dire aussi – et qui le niera – que si vous n’écoutez pas, vous mourrez !