Homélie 02/09/2018 : Pur/impur : un débat qui peut être futile, mais qui peut aussi comporter une interpellation stimulante !

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Pur/impur : un débat qui peut être futile, mais qui peut aussi comporter une interpellation stimulante !

Bonne semaine et bon courage à tous ceux qui font leur rentrée !

Roger

 

Heureusement que cet évangile ne nous a pas été proposé pour une messe des familles ! Tous les parents savent, en effet, combien il est difficile d’inculquer cette bonne habitude à leurs enfants de se laver les mains avant d’aller manger. Il faut le répéter souvent et parfois même vérifier car certains affirment l’avoir fait alors qu’ils ne sont pas passés par la salle de bain pour venir manger ! Alors c’est sûr qu’en entendant cet évangile, les plus récalcitrants auraient pu dire à leurs parents qu’ils jugent trop exigeants : tu vois bien, même Jésus dit que ce n’est pas grave de ne pas se laver les mains avant de manger !

 

Evidemment, ce n’est pas d’une règle d’hygiène dont parle Jésus, d’ailleurs, à son époque, l’hygiène était défaillante en tant de domaines ! Non, il s’agit d’une règle de pureté rituelle, l’évangile nous en donne d’ailleurs quelques échos en précisant : « Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de carafes et de plats. » On peut dire que la religion juive se distinguait des autres religions par cette distinction si prégnante entre le pur et l’impur. Il y avait des aliments purs et d’autres impurs, Il y avait des êtres humains purs et d’autres impurs, Il y avait des situations, des comportements qui rendaient purs et d’autres impurs. Je ne peux entrer dans les détails pour préciser tous ces éléments qui étaient très codifiés.

 

Ce qui est plus intéressant, pour nous qui ne sommes pas juifs, c’est de chercher à comprendre pourquoi cette distinction entre le pur et l’impur a été si importante. Quand Dieu choisit de se révéler à ce peuple, quand, après des alliances très générales, il décide de faire Alliance avec ce peuple particulier, Dieu leur explique, dans la loi, qu’ils devront avoir un comportement qui manifeste qu’ils ne sont pas comme les autres. Attention, Dieu ne leur disait pas qu’ils étaient supérieurs, mais qu’ils avaient une mission particulière et donc pour cela, ils devaient avoir un comportement particulier. Parce que c’est le Dieu d’amour et de miséricorde qui a fait alliance avec eux, ils ne peuvent se laisser aller aux débordements que l’on constate chez les autres peuples. En les voyant vivre, il fallait qu’on puisse comprendre que leur Dieu était bien différent de tous les dieux qu’on adorait aux alentours.

 

C’est donc pour marquer leur différence, encore une fois, pas leur supériorité, que toute la vie a été soigneusement codifiée. C’est pour qu’ils puissent mener une vie qui interpelle que cette notion de pur et d’impur a été si prégnante. Jusque là, je pense que nous pouvons être d’accord. Mais voilà, le respect des règles de codification a fini par l’emporter sur l’esprit de ces règles particulièrement sous l’influence des pharisiens. Ce courant était né, au 2° siècle avant Jésus-Christ, sous l’impulsion de laïcs qui n’en pouvaient plus de voir le relâchement des prêtres. Ils avaient donc prôné un retour à une religion dans laquelle on arrête les compromis confortables. Leur intention était louable, mais ils sont devenus très vite d’une rigidité cadavérique comme tous les intégristes de toutes les religions !

 

Et c’est contre cette rigidité que Jésus va ferrailler si souvent, alors qu’au fond de lui-même, il approuvait sûrement la réforme des pharisiens qui avait mis fin au laisser-aller dont les prêtres étaient devenus les tristes emblèmes, ce qui est, quand même, un paradoxe insoutenable. C’est dans cet esprit que Jésus va intervenir invitant les pharisiens à retrouver l’intuition des origines. Il fallait que ce peuple ait un comportement particulier pour manifester que Dieu était différent. Jésus explique donc que le respect scrupuleux des règles peut cacher une terrible hypocrisie. En effet, dans ces cas-là, ce qui est différent dans le comportement ne concerne que ce qu’il a de plus accessoire et de plus futile. Alors que dans le même temps, sur ce qu’il y a de plus essentiel, le croyant risque de devenir comme les autres quand ce n’est pas pire que les autres ! La liste des vices que Jésus énonce est suffisamment parlante. Jésus va donc expliquer que ce qui rend impur, ce qui va nous entrainer dans un laisser-aller ce n’est pas le contact avec tel ou tel aliment, telle ou telle personne, l’impureté vient du dedans, du cœur de l’homme. Et si Jésus est si sévère, c’est parce que ce laisser-aller affadit le témoignage ou pire encore produit un contre-témoignage.

 

C’est donc le cœur qu’il faut soigner, rien ne sert de multiplier les lavages rituels ! Jésus nous invite à être extrêmement vigilants sur ce que nous laissons entrer dans notre cœur. Quand on se focalise sur ce qui n’est pas essentiel, le risque est grand de rater l’objectif déterminant qui était derrière ces règles de pureté : avoir un comportement différent pour témoigner d’un Dieu différent. C’est pourquoi, parmi les nombreux reproches qu’il fera aux pharisiens, il leur dira : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Car vous payez la dîme de la menthe et de l’aneth et du cumin, et vous avez laissé les choses plus importantes de la loi, le jugement et la miséricorde et la fidélité ; il fallait faire ces choses-ci, et ne pas laisser celles-là. Guides aveugles, qui filtrez le moucheron et qui avalez le chameau ! Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Car vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat ; mais au-dedans, vous êtes pleins de cupidité et d’intempérance. »

 

La mise en garde de Jésus, hier, demeure pertinente pour aujourd’hui ! Certes, nous ne sommes pas attachés à ces vieilles histoires, mais est-ce que nous pouvons dire que notre comportement en tant que chrétien fait signe, interroge les autres ? Est-ce que nous avons vraiment un comportement différent qui manifeste que nous croyons en un Dieu qui n’est qu’amour et miséricorde pour tous les hommes ? Est-ce que nous avons des paroles, des regards, des décisions qui manifestent, aux yeux de tous, que, pour notre Dieu, tout être humain, quelle que soit sa race, son handicap ou que sais-je encore est unique et revêtu, de sa conception à sa mort, d’une dignité absolument inaliénable ?

 

Accueillons donc la question que Jésus pose avec force à la fin de l’évangile : « Tout le mal vient du dedans du cœur de l’homme et c’est cela qui rend l’homme impur. » Alors une question s’impose : qu’est-ce que je laisse entrer dans mon cœur ? Ce qui entre dans mon cœur, ça va y entrer par mes sens. Je ne poserai que deux questions. Mes yeux jouent un rôle déterminant : qu’est-ce que je regarde et qu’est-ce que je lis ? Bien sûr, il faut proscrire tout ce qui salit mon cœur, mais il y a aussi tout ce qui va me laisser à la superficie de mon cœur qui ne me fait pas de bien.

 

Mes oreilles aussi ont aussi une grande importance : qu’est-ce que j’écoute ? Les ragots, la médisance, la critique systématique ? Avec ces deux questions, il y a bien de quoi réfléchir pour toute la semaine !

 

Ce que je peux dire en conclusion, c’est que nous avons bien fait de venir à cette messe ! En effet, celui qui va emplir notre cœur dans cette messe fera le ménage dans notre cœur, son amour miséricordieux est comme un torrent débordé qui emporte tout sur son passage, disait le curé d’Ars. En accueillant ce torrent débordé, tout ce qui n’a aucune raison de se trouver dans le cœur d’un chrétien digne de ce nom sera emporté. Et, son Amour pourra demeurer dans notre cœur pour que toutes nos paroles, tous nos regards, tous nos comportements manifestent que nous croyons en un Dieu qui n’est qu’Amour. Ceux qui raisonnent en terme de pur et d’impur et qui se définissent comme purs ne veulent pas fréquenter ceux qu’ils estiment impurs. Quand on raisonne en terme d’amour, c’est tout le contraire, ce sont auprès de ceux qui n manquent terriblement qu’il faut aller en priorité.