Homélie dimanche 09/09/2018: Quand Dieu se venge, quand il prend sa revanche il se venge, il prend sa revanche en élevant à la sainteté

De nouveaux lecteurs de mes homélies nous rejoignent encore cette semaine !

C’est une homélie un peu particulière que je vous envoie (un peu longue aussi !)

Je suis invité ce dimanche à prêcher dans une paroisse du P as de Gex qui se réunit pour une fête (à Prévessin), je sais que son curé aime particulièrement Bachota … moi aussi !

Quelques nouvelles !

Mon bureau est enfin vide et prêt à accueillir mon successeur que je suis allé chercher hier à l’aéroport, le père Gaston Diouf, un homme chaleureux, fraternel et son enthousiasme semble proportionné à sa taille … un colosse !

Il me restera à trier puis  vider la partie appartement, ça devrait être fini d’ici une dizaine de jours.

Je vais vivre 15 jours avec le père Gaston (qui aura deux sessions de deux jours au niveau du diocèse pour découvrir le diocèse et le fonctionnement administratif d’une paroisse en France). 

Le dimanche 16 septembre, je ferai la rentrée des catés avec le père Gaston et célébrerai une dernière messe au milieu de mes paroissiens à l’occasion de cette messe des familles.

Puis, il y aura la retraite internationale à Ars prêchée par le frère Enzo Bianchi, retraite au cours de laquelle je donnerai un enseignement sur le sens pastoral des mortifications du Curé d’Ars.

Le dernier samedi de septembre, j’aurai une rencontre avec les groupes de prière du diocèse auxquels je donnerai un dernier enseignement. Le dimanche, normalement, je serai dans une paroisse de Bourg. Début octobre, j’aurai encore un ou deux jours à passer avec mon successeur (son arrivée a été retardée de 10 jours, il faut donc que je reste un peu plus !) et puis ça sera le départ !

Voilà le programme !

Je me confie à vos prières !

Roger

 

Autant vous le dire tout de suite, je suis tombé amoureux ! Il faut dire quelle ne manque pas de charme, beauté, humour, profondeur. Peut-être commencez-vous à vous inquiéter, alors, pour vous rassurer, je vais quand même vous dire que c’est Benoît XVI qui m’a permis de la rencontrer ! Oui, je suis tombé amoureux d’une sainte encore un peu méconnue, mais qui, manifestement, avait la cote auprès de Benoit XVI. Il en avait parlé dans son encyclique sur l’espérance et c’était la 1° fois que je découvrais son existence ! Et puis, il l’a citée encore dans une rencontre avec des séminaristes, j’avais eu l’occasion de lire ce qu’il leur avait dit et c’est ce qui m’a décidé à chercher à la connaître mieux et c’est donc là que j’ai eu le coup de foudre !

 

Je me permets de vous raconter cette anecdote citée par Benoît XVI qui campe tout de suite le personnage et qui vous permettra de comprendre mon coup de foudre ! Sainte Joséphine Bakhita, originaire du Soudan, dont je vais vous raconter brièvement le parcours de vie dans un instant est devenue religieuse en Italie. A la fin de sa vie, elle était dans un couvent, ne pouvant plus faire grand chose. L’évêque du diocèse passe dans ce couvent pour le visiter et, à la fin de sa visite, il tombe sur la sœur Bakhita toute courbée, toute discrète et il lui demande : « et vous, ma sœur, que faites-vous dans ce couvent ? » Elle lui répond : « la même chose que vous, Monseigneur ! » L’évêque très étonné et sans doute agacé d’un tel toupet lui demande : « mais comment est-ce possible que vous fassiez la même chose que moi ? » Sous-entendu, vous êtes vieille et vous ne pouvez plus faire grand chose alors que moi je suis très actif avec de grandes responsabilités ! C’est alors que la sœur Bakhita lui répond : « j’espère, Monseigneur, que vous cherchez à faire la volonté du Seigneur à longueur de journée, eh bien, c’est ce que je désire accomplir, moi aussi, vous voyez, nous faisons bien la même chose, vous et moi, Monseigneur ! » C’est magnifique !

 

Mais au fait, pourquoi je vous parle de la sœur Bakhita ? Tout simplement parce qu’elle illustre parfaitement les lectures d’aujourd’hui. En voilà une qui a répondu à l’appel de Jésus : Effata ! Ouvre-toi ! Avec ce qui lui était arrivé, elle aurait eu toutes les bonnes raisons du monde de vivre replié sur elle-même ressassant toute sa vie son malheur. Ça n’a pas été son choix, ou plutôt la Providence a permis que cette merveilleuse fleur du Bon Dieu puisse s’ouvrir et devenir un signe si merveilleux. Et puis, bien plus encore, elle est une merveilleuse illustration de la 1° lecture qui utilisait des mots qui pourraient nous rester en travers de la gorge : la vengeance de Dieu qui vient, la revanche de Dieu. La vie de Sœur Bakhita est une belle explication qui permet d’entendre ce que ces mots signifient quand ils sont utilisés pour parler de Dieu. Vous voulez savoir comment Dieu se venge ? Vous voulez savoir ce que ça donne quand Dieu prend sa revanche ? Eh bien, regardez la vie de Bakhita ! C’est ce que je vous propose que  nous fassions rapidement … Ah j’oubliais de vous dire : quand je suis invité à prêcher dans une autre paroisse que la mienne, je prêche souvent plus longtemps que d’ordinaire comme ça les gens sont contents de se dire : la semaine prochaine, on retrouvera notre curé et la longueur de l’homélie sera plus normale !

 

Bakhita, c’est ainsi qu’on l’appelle, mais, en fait, personne ne sait comment elle s’appelait vraiment ; même elle, elle ne s’en souvient plus. Bakhita, ce nom, en arabe, signifie fortunée. Lui donner ce nom au jour de son baptême était un cadeau étonnant.

Pourquoi ne se souvenait-elle pas de son nom ? Tout simplement parce qu’elle a été enlevée à l’âge de 8 ans, environ, par des marchands d’esclaves. A partir de ce jour, elle ne s’entendra plus jamais appeler par son nom ce qui explique qu’elle l’ait complètement oublié. Elle va vivre des années terribles, devenant esclave dans des familles aisées qui lui feront subir des châtiments corporels, des humiliations sans cesse répétées. Des années après, elle comprendra que si elle n’est pas morte avec tout ce qu’elle a subi, c’était parce que le Seigneur ne l’avait jamais lâchée … d’où ce nom de Fortunée-Bakhita qui lui a été donné à son Baptême. Mais n’anticipons pas !

 

Son chemin de croix va se terminer quand elle va être achetée par un consul d’Italie à Khartoum qui la traitera avec plus d’égards et, surtout, qui l’emmènera avec lui en Italie. A leur arrivée, le consul offrira Bakhita à la femme d’un de ses amis et c’est le début d’une nouvelle vie qui va commencer, certes, avec quelques péripéties encore, mais plus de souffrances infligées gratuitement. Elle deviendra la nounou de la fille de cette femme à qui elle avait été donnée et, quand cette dernière devra retourner en Afrique pour régler des affaires, Bakhita sera confiée à une institution de religieuses dont l’une des missions était de préparer des adultes au Baptême. Là, Bakhita qui n’avait plus reçu d’amour depuis son enlèvement, sinon par la petite fille qu’elle gardait dans ces dernières années, va recevoir beaucoup d’amour et de douceur de la part des religieuses.

 

Un geste avait beaucoup compté ces dernières années, c’était le cadeau que lui avait fait un ami, profondément chrétien, de la famille chez qui elle accomplissait son service. Il lui avait glissé dans sa main un crucifix en priant pour que cette jeune fille puisse découvrir Jésus. Bakhita n’avait pas bien compris ce symbole, mais c’était le 1° cadeau qu’on lui faisait depuis son enlèvement. Elle le gardera donc très précieusement, le serrant souvent très fort dans ses mains. Elle commencera à comprendre la portée de ce symbole chez les religieuses. En effet, le 1° jour, dans ce couvent, elle entend les chants des religieuses qui viennent de la chapelle ; par curiosité, elle s’y rend. Et quel n’est pas son étonnement : elle voit en grand ce que représentait son cadeau en miniature. Il y a un grand crucifix dans cette chapelle et là, immédiatement, elle se demande : mais pourquoi exposent-ils, comme ça, un esclave cloué ? L’expression vous semble sûrement étonnante.

 

Pour la comprendre et comprendre le choc de Bakhita, il faut savoir que dans les longues marches qu’on l’a obligée à faire avec les caravanes d’esclaves qui étaient conduits sans ménagement aux différents marchés, elle a en vu des dizaines et des dizaines de ces hommes qu’on clouait aux arbres. Oui, parce que, dès qu’un homme ralentissait la marche à cause de sa maladie, de sa fatigue, on ne l’abandonnait pas au bord du chemin, quelqu’un aurait pu le récupérer et en profiter sans l’avoir payé, on préférait le clouer à un arbre et le laisser mourir dans d’horribles souffrances. Alors, on comprend son étonnement : pourquoi ces religieuses, si bonnes avec elle, ont-elles un esclave cloué dans leur chapelle ? Evidemment, elle va poser la question aux religieuses qui ont du mal à expliquer cela. Elles essaient de le faire quand même en utilisant des mots que Bakhita peut comprendre.

Elles expliquent que Dieu est le « patron » ! Des patrons, des maîtres, Bakhita en a eu pas mal et elle comprend qu’en utilisant ce mot, les sœurs veulent lui faire comprendre que Dieu est tout-puissant, comme ses patrons étaient tout-puissants, décidant ce qu’ils voulaient. Mais, comme elles peuvent, les sœurs expliquent que patron, il utilise sa toute-puissance pour aimer, pour réconforter. Et c’est pour manifester son amour aux hommes, à tous les hommes sans exception qu’il a envoyé son fils sur terre. Et, son fils, il a accepté de mourir de cette terrible mort, sur la croix, pour que personne ne puisse penser qu’il est abandonné de Dieu quand il vit de telles épreuves. Elle comprend que le Fils du Patron a choisi, par amour, la dernière place, celle de l’esclave cloué. Du coup tout s’éclaire pour elle qui s’était demandée si souvent comment elle avait pu résister à tant de mauvais traitements. Elle comprend que c’est grâce au Fils du Patron qui l’a toujours accompagnée, qui a souffert avec elle pour prendre sur lui une partie de ses souffrances.

 

Evidemment quand elle comprend cela, elle manifeste son désir de devenir chrétienne et c’est donc à son Baptême qu’elle recevra ce nom de Bakhita-Fortunée qui est une explication de toute sa vie. Elle n’est pas Fortunée à cause de ses épreuves, mais en raison de la présence du Seigneur qui a toujours veillé sur elle même dans les pires moments. Très vite après son Baptême, elle demandera à rester dans ce couvent pour devenir religieuse. Finalement son itinéraire chez les sœurs peut être résumé par cette merveilleuse déclaration que fit Charles de Foucauld : « quand je sus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pourrais vivre autrement qu’en le servant. » Si vous voulez plus de détails, lisez le merveilleux livre de Véronique OLMI qui s’appelle simplement « Bakhita ». Il y a aussi un film en deux parties qui a été tourné sur la vie de Bakhita, on le trouve en DVD. Film et livre sont un peu romancés car Bakhita n’a accepté, qu’après de nombreuses demandes pressantes de ses supérieures, d’écrire une trentaine de pages pour résumer toute sa vie … avec ça, il faut imaginer le reste !

 

Je termine en disant que lorsque j’entends dans la 1° lecture que Dieu va se venger, qu’il va prendre sa revanche, pour moi, c’est la vie de Bakhita qui illustre le mieux ce que ces expressions choquantes peuvent signifier. Quand Dieu se venge, quand il prend sa revanche, ce n’est jamais au détriment des hommes, fussent-ils des bourreaux ; il se venge, il prend sa revanche en élevant à la sainteté, c’est à dire à la perfection de l’amour des personnes méprisées, humiliées comme a pu l’être Bakhita. St Paul avait dit : « soyez vainqueurs du mal par le bien. » C’est bien ainsi que Dieu se venge et prend sa revanche, c’est par un excès de bonté et d’amour. Toute la vie de Bakhita en témoigne … ça serait pas mal si nous décidions de la prendre comme modèle. Seigneur, je suis sûr que c’est le moment : venge-toi, prends ta revanche contre notre société de plus en plus violente et qui laisse tant de personnes fragiles sur le bord du chemin !  Mais je t’entends déjà nous dire : prendre ma revanche, je ne demande que ça,  mais j’ai besoin de toi, oui, de toi, c’est à dire de chacun de vous pour que vous offriez cet excès de bonté et d’amour. Ô Sainte Joséphine Bakhita, intercédez pour nous afin que nous prenions au sérieux ce désir de notre Dieu, ce « Patron » si extraordinaire, qui veut se venger et prendre sa revanche en terrassant le mal et en faisant triompher l’amour. Et vous allez commencer à le mettre en application tout de suite en me pardonnant la longueur de cette homélie !