Homélie 10 juin 2018: Quand les bleus peuvent nous aider pour notre vie spirituelle !

Je serai aujourd’hui au monastère des soeurs de Bethléem à Pugny Chatenod avec le père Raymond Jaccard, un baroudeur de Dieu (son frère Pierre est à l’hôpital) pour intervenir dans une journée mariale. 

Voilà mon homélie :

 

L’équipe de France de foot se prépare à partir en Russie pour la coupe du monde et j’imagine volontiers que les responsables du staff sont allés visionner tous les matchs qu’ils pouvaient de l’Australie, du Pérou et du Danemark, leurs futurs adversaires. Ils ont sûrement fait pas mal de vidéos qu’ils ont montrées aux bleus en décortiquant la stratégie de leurs adversaires. Si on veut avoir une chance de gagner, il faut connaître la stratégie de son adversaire, c’est un point absolument fondamental.

 

Eh bien, savez-vous, que, nous les hommes, enfin je veux dire les humains, nous avons un adversaire bien plus redoutable que l’Australie, le Pérou ou le Danemark ? Dans les Ecritures, on lui donne d’ailleurs assez souvent ce nom : l’Adversaire. Le problème, c’est que, bien souvent, aujourd’hui, on n’en parle plus beaucoup dans les églises de cet Adversaire, du diable pour être plus clair. Moi qui lis, chaque matin, les homélies que le pape a prononcé au cours de la messe de la veille, je suis frappé de voir le nombre de fois où le Pape parle de l’Adversaire, du diable. Ça étonne beaucoup de gens qui se disent : comment se fait-il que ce Pape qui n’est pourtant pas rétro ressorte ces vieilleries ? Car, pour certains, le diable, il est à ranger dans un musée des inventions traumatisantes. Mais il n’en est rien !

 

Vous serez d’accord avec moi pour dire que le Pape aime les hommes, tous les hommes. C’est pour cela qu’il ne cesse de prendre position contre ce qui défigure la dignité des hommes dans tant de situations. Eh bien, c’est pour les mêmes raisons que le Pape n’arrête pas de parler du diable, c’est parce qu’il aime les hommes, c’est parce qu’il veut que nous soyons heureux, que nous réussissions nos vies. Alors, le Pape, avec la même ardeur que Didier Deschamps, le coach des bleus, nous décortique toutes les vidéos possibles pour que nous connaissions la stratégie de l’Adversaire et que nous puissions sortir victorieux des multiples affrontements contre lui. Ne plus parler du diable, c’est lui laisser le champ libre pour qu’il puisse déployer tranquillement sa stratégie et nous avoir à chaque coup ! Je crois vraiment que, sur ce sujet, le Pape François aura aidé les chrétiens à retrouver un équilibre, une vigilance qui ne peuvent qu’être profitables pour que nous puissions mener une vie plus épanouie.

 

Alors, puisque les lectures d’aujourd’hui, nous y invitent fortement, parlons du diable, parlons de l’Adversaire. Evidemment, dans le cadre de cette homélie, ça sera forcément restreint, mais c’est déjà mieux que rien ! Il me semble qu’à travers les lectures de ce jour, nous pouvons retenir 3 éléments décisifs de la stratégie de l’Adversaire, ce ne sont pas les seuls, mais quand on connaît ceux-là, on peut éviter déjà pas mal de problèmes et alors, il devient possible de rêver à des victoires !

 

La 1° lecture nous repasse la vidéo des origines pour nous montrer comment l’Adversaire s’y est pris pour tromper l’homme et la femme. Le texte est un peu long alors nous n’en avons lu qu’un extrait. Mais on connaît bien le scénario. Dieu avait dit : tout ce qui est dans le jardin est à vous, tout, sauf un arbre. Mais quand vous avez tout, cette petite restriction n’est pas dramatique et il faudrait un peu plus de temps pour expliquer pourquoi Dieu a mis cette restriction.

 

Et voilà que l’Adversaire arrive et dit : « Alors, comme cela, Dieu vous a dit de ne pas manger les fruits des arbres du jardin ? » Il est gonflé quand même de dire ça, c’est exactement l’inverse de ce que Dieu a dit ! Du coup, la femme rectifie pour défendre la bonté de Dieu : non, non, on peut tout manger sauf les fruits de cet arbre-là. Et voilà, il est en train de gagner parce qu’il va braquer le projecteur sur l’interdit, sur la restriction. Il invite la femme à oublier l’immense bonté de Dieu qui donne tout pour qu’elle ne garde en mémoire que la restriction et du coup, elle finira par s’interroger pour savoir si Dieu est vraiment bon … c’est quand même le comble ! Avec ce texte de la Genèse, on peut donner un nom à cette stratégie : c’est l’arbre qui cache la forêt ! Il braque le projecteur de sa lumière de mensonge sur ce qui n’est pas très important pour nous faire oublier l’essentiel.

 

Retenons que nous tombons régulièrement dans le piège. Par exemple, parmi tous nos défauts qui nous font commettre un certain nombre de péchés, il y en a un qui finit par nous obséder, nous ne voyons plus que celui-là. Très souvent, c’est la stratégie de l’arbre qui cache la forêt, il braque son projecteur sur ce défaut, bien réel, mais bien loin d’être le plus dramatique pour mieux laisser dans l’ombre celui ou ceux qui nous empoisonnent la vie et qui empoisonnent la vie des autres ! On pourrait encore développer longuement ce point pour voir toutes les conséquences, mais je pense que vous avez compris le principe et que vous pouvez développer vous-mêmes en vous référant à votre propre expérience.

 

A partir de la 2° lecture, j’aurais pu développer la question du découragement qui est l’une des manœuvres favorites de l’Adversaire mais je préfère m’attacher à cette petite phrase de Paul qui dit  « notre regard ne s’attache pas à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas ; car ce qui se voit est provisoire, alors que ce qui ne se voit pas est éternel. » Le problème, c’est que c’est exactement l’inverse que nous faisons habituellement ! Et c’est encore une autre stratégie de l’Adversaire, il attire notre regard avec ce qui brille, l’Adversaire, c’est le marchand de « bling-bling » le mieux achalandé ! Et cette attirance commence très jeune avec l’attrait pour toutes les marques de vêtements, d’électronique. Et ça continue ensuite avec le désir de puissance, d’argent, la soif de plaisirs bien souvent désordonnés. Tout cela est très éphémère et à chaque fois, on s’en rend compte, mais à chaque fois on retombe ! Dans la région supposée de Sodome, il y a un arbre qui pousse et qui donne des fruits étonnants qu’on appelle les pommes de Sodome. Ces fruits sont très toxiques et quand ils sont à maturité avancée, ils ne contiennent que du vide ! Voilà un très beau symbole qui dévoile la stratégie de l’Adversaire : il rend attirant ce qui, en fait, est complètement vide ! C’est quand on croque, qu’on découvre l’escroquerie, mais c’est trop tard ! Méfions-nous donc de ce qui brille, habituellement ce qui brille se trouve sur l’étalage de l’Adversaire !

 

Enfin, dans l’évangile qui est extrêmement riche, mais aussi complexe, il y a une 3° stratégie de l’Adversaire qui est dévoilée, c’est la perversion de la vérité. Ce n’est pas pour rien que l’Adversaire est aussi appelé le père du mensonge. Alors que Jésus vient de faire beaucoup de bien, il suffit de relire les deux chapitres qui précèdent pour s’en convaincre, il est accusé d’être le chef des démons.

 

Il est aussi accusé d’être devenu fou, mais ça, ça ne semble pas trop le déranger, il ne dit rien à ce sujet. Par contre, qu’il soit accusé d’être le chef des démons, ça ça ne passe pas et de fait, c’est quand même un peu fort ! C’est là qu’on voit que l’Adversaire n’en est pas à un mensonge près et, le drame, c’est que plus ils sont gros, plus ça marche ! On l’avait déjà vu avec la 1° lecture quand il tordait la promesse de Dieu.

 

Dans l’évangile, pour discréditer Jésus qui est le Fils de Dieu envoyé pour vaincre le mal, les chefs religieux le font passer pour le chef des démons ! Et le pire, c’est que Jésus, lui qui est le seul à dire la Vérité, à vivre dans la Vérité, lui qui est le seul à n’avoir jamais pactisé avec le mensonge, c’est à lui d’apporter la preuve qu’il dit vrai ! Si on avait plus de temps, on pourrait décortiquer cet évangile pour mieux comprendre la brillante démonstration de Jésus pleine de bon sens. Mais, pour notre propos d’aujourd’hui, retenons que c’est celui qui est dans la vérité qui est accusé et que c’est à lui d’apporter les preuves que ce qu’il dit et fait est juste … alors que le bon sens exigerait que ce soit au menteur d’apporter des preuves. Eh bien, voilà ce qui se passe sans arrêt aujourd’hui dans notre société. On le voit par exemple dans le domaine de la bio-éthique : dans les médias, les mensonges pleuvent proférés par des experts souvent auto-proclamés et ces menteurs exigent que leurs opposants apportent des preuves qu’ils n’écouteront même pas quand elles seront exposées ! Tout cela doit nous rendre extrêmement vigilants : dès que nous pactisons avec le mensonge, même les plus petits mensonges, c’est avec le Père du Mensonge que nous commençons à pactiser et pactiser avec lui, c’est s’engager dans des sables mouvants !

 

Il y aurait de quoi prendre peur en entendant tout cela. Mais si j’ai dit que ne jamais parler du diable, c’est lui laisser le champ totalement libre, trop parler de l’Adversaire, c’est aussi lui faire trop d’honneur. En effet, dès le livre de la Genèse, il est annoncé qu’il n’aura pas la victoire finale. La victoire nous a été acquise par Jésus qui a donné sa vie pour nous. Alors, maintenant c’est à nous de choisir et la question nous est posée de manière extrêmement concrète : avec qui comptes-tu passer le plus de temps dans la semaine qui vient, avec Jésus ou avec l’Adversaire ? Est-ce que nous allons nous engager dans le combat pour faire la volonté de Dieu, comme Jésus nous y invite à la fin de l’évangile et devenir ainsi pour lui de véritables frères ? Ou allons-nous passer et repasser devant les étalages de l’Adversaire et nous laisser séduire par toutes ses manœuvres au risque de devenir ainsi des faux-frères ? Puisque nous sommes réunis pour cette journée mariale, dans nos combats, demandons l’intercession de celle qui a été choisie pour que la tête du serpent soit enfin écrasée.

 

Père Roger Hébert