Homélie 1er Janvier

Première lecture : Nb 6, 22-27
Psaume responsorial : 67(66)
Deuxième lecture : Ga 4, 4-7
Evangile : Lc 2, 16-21.

En-dessous de la solennité du 1er janvier, des raisons différentes mais convergentes.

La plus universellement reçue est que c’est le premier jour de l’année civile. Cette raison pourrait n’en faire qu’une fête profane, mais la liturgie en tient bien compte lorsqu’elle réserve la première lecture pour la bénédiction à laquelle chacun aspirerait en la circonstance.

D’ailleurs ce que nous a réservé l’année 2020 explique assez facilement le désir commun de demander au Seigneur une bénédiction spéciale pour l’année 2021. En outre, l’intérêt de la formule de cette bénédiction, c’est qu’elle n’est pas faite de mots humains, mais Dieu lui-même emprunte notre langage pour nous bénir tout en nous recommandant de nous bénir avec ses propres paroles. Alors, je ne me fais pas prier davantage pour étendre les mains sur vous en prononçant cette divine bénédiction : que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix.

Deux autres raisons de cette solennité nous viennent de la tradition juive qui veut que, huit jours après la naissance, le garçon soit circoncis et qu’on lui impose un nom. C’est ainsi que le 1er janvier se trouve à célébrer la circoncision et le Saint Nom de Jésus.

Avant la dernière raison, relevons-en deux autres résultant de l’initiative de la liturgique catholique : le 1er janvier est le dernier jour de l’Octave de Noël et aussi le jour où l’on fait mémoire de la Vierge Marie, Mère de Dieu.
La dernière raison qui va nous occuper, est d’ordre pastoral : depuis le pontificat du Pape Saint Paul VI à nos jours, le 1er janvier se célèbre la Journée Mondiale de la Paix.

Loin de nous détourner du cycle de Noël, le thème de la paix nous y plonge
intimement, car la Paix en personne, c’est l’Enfant de Bethlehem. Le prophète Isaïe l’annonce comme prince de la paix (Is 9, 5), et ne trouve que des paroles poétiques pour décrire la réalisation de cette paix : le loup habitera avec l’agneau, la panthère se couchera avec le chevreau, le veau, le lionceau et la bête grasse iront ensemble, conduits par un petit garçon…

Le nourrisson jouera sur le repaire de l’aspic, sur le trou de la vipère le jeune enfant mettra la main (Is 11, 6.8). Pas étonnant alors qu’à sa naissance, les Anges chantent : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes… Jamais personne ni structure n’auront œuvré pour la paix sur la terre autant que l’Enfant de Bethlehem.

Si les Pontifes Romains poussent l’institution de la Journée Mondiale de la Paix jusqu’à la cinquante-troisième édition, c’est qu’il urge que nous nous rendions compte de l’enjeu de la paix dans notre être de chrétiens.

En beaucoup de langues, le mot paix ou ses synonymes entrent en usage dès les premiers instants de relations interpersonnelles, sous forme de souhait ou de salutation. Par exemple dans la tradition juive, le mot paix occupe un vaste champ sémantique en impliquant des dérivées comme prospérité, sérénité, sécurité, santé, longévité, amitié, bien-être, bonheur,
joie etc. Puisqu’on ne peut qu’en décrire qu’un seul aspect à la fois, il est difficile de proposer une définition de la paix.

Mais je me dis : si tout le monde parle de paix, si tout le monde la désire, n’est-ce pas parce qu’elle manque ? Et si elle manque, n’est-ce pas parce que nous sommes en guerre les uns avec les autres ? Et le mot guerre n’a rien à envier au terme paix, dans sa réalité multiforme et son étendue sémantique. Sans prétendre en faire une description complète, on
parle de guerre civile, guerre des étoiles, guerre d’usure, guerre des nerfs, guerre froide, guerre mondiale, guerre chimique, guerre de succession, guerre de sécession, guerre d’indépendance, guerre domestique, guerre économique, guerre pharmaceutique, guerre bactériologique, guerre nucléaire et, le plus contradictoire de tout, de guerre juste, de guerre de religion ou de guerre sainte. Guerre de tout, et tout est guerre !

Pour que la paix advienne, il faut que la guerre disparaisse. Mais pour qu’elle disparaisse, il faut qu’il n’y ait plus de gens à faire la guerre. Et comment faire pour qu’il n’y ait plus de guerriers ? Il faut les supprimer ! Mais peut-on les supprimer sans leur faire la guerre ? Alors nous devenons des guerriers, et les anciens guerriers, victimes, en attendant qu’ils préparent leur revanche ! Voyez-vous le cercle vicieux où nous plonge la violence ?

Peut-il alors avoir raison celui qui dit : si tu veux la paix, prépare la guerre ? Je me dis, sans être fort en chimie, que du vin on obtient du vinaigre, mais du vinaigre, je n’ai pas vu fabriquer du vin. Même si faire la guerre pour avoir la paix semble contradictoire, je vais te proposer de mener en des batailles soutenues la guerre, non pas contre un autre en dehors de toi, mais la guerre en toi contre toi-même, la guerre contre le mal qui est en toi, qui te pousse à commettre le mal que tu ne veux pas, et à manquer de faire le bien que tu veux (Rm 7, 15.19), la guerre contre ton égoïsme et ton égocentrisme qui sont irrecevables pour le prochain, justement parce qu’il est aussi égoïste et égocentrique que toi. Finis-en donc avec ces vices, du moins, livre-leur une guerre sans merci. Les armes pour cette guerre, ce n’est pas la bombe atomique, mais c’est, d’abord et avant tout, les yeux levés sur Dieu pour sentir combien tu es aimé de lui, les yeux ensuite sur Jésus, pour prendre sur lui le modèle de l’amour, et enfin le cœur ouvert à l’Esprit du Père et du Fils pour un renouveau de toi à tous les instants, dans l’humilité, la simplicité et la continuelle action de grâces. Ou tu es disciple du Christ et la paix s’installe, ou tu ne l’es pas et règne la guerre !