Première lecture : Is 60, 1-6
Psaume responsorial : 72(71)
Deuxième lecture : Ep 3, 2-6
Evangile : Mt 2, 1-12.
La solennité d’aujourd’hui porte le nom d’Epiphanie qui signifie manifestation. Ici, il s’agit spécifiquement de la manifestation du Seigneur aux Rois Mages et par-là même au monde, comme nous le rapporte Matthieu dans l’évangile de ce jour. Il va de soi que dans un tel récit, l’acteur principal, c’est celui qui se manifeste, c’est-à-dire, l’Enfant de Bethlehem.
Mais encore faut-il qu’il y ait des gens à qui il se manifeste. En nous concentrant sur les destinataires de l’Epiphanie, nous en distinguons deux groupes différents et même opposés : un en mouvement et un sédentaire.
En tête des sédentaires, le Roi Hérode. Il ne va même pas au-devant de ses étrangers les Rois Mages, et préfère les convoquer en secret… Pareillement, c’est autour de lui qu’il réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d’Israël pour s’informer sur le prétendu roi des juifs. L’intention d’aller à Bethlehem assassiner le nouveau-né lui fait concevoir un projet de mouvement qui d’ailleurs avorte, faute d’information. Hérode reste donc résolument rivé à Jérusalem, la peur dans le ventre, à cause de ce bébé roi des Juifs En tête de ceux qui sont en mouvement, évidemment, les Rois Mages, auxquels il faut associer Joseph et Marie, venus de Nazareth à Bethlehem. Moins apparent le mouvement du nouveau-né déposé dans une mangeoire. Toutefois, mis à part le fait qu’il suit les mouvements opérés par ses parents, le divin bébé s’impose comme celui qui accomplit le mouvement le plus grand et le voyage le plus long. En effet, il franchit l’infini entre Dieu et l’homme pour devenir le Verbe Incarné (cf. Jn 1, 14), et cela ne s’estime pas en kilomètres, ni même en années-lumière, car c’est l’absolu de la distance !
Tout nous donne l’air que tous ceux qui cherchent Dieu sont en mouvement tout le temps. Le premier en date, c’est Abraham. Le tout premier contact du Père des croyants avec Dieu résulte en un mandat de départ : quitte ton pays, ta parenté, et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai (Gn 12, 1). Ce mouvement ordonné semble être le premier acte de foi qui conditionne les bénédictions liées au croire : en effet, Dieu semble dire à Abraham : si tu pars, je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom (Gn 12, 2). Son fils Jacob se caractérise aussi par bien des mouvements, ainsi que ses douze fils qu’on retrouve avec lui en Egypte à un moment donné. Le séjour en Egypte n’est pas non plus vécu comme
une installation définitive, car l’Egypte n’est pas la terre promise. D’ailleurs, si le peuple d’Israël s’était installé en Egypte pour ne plus en bouger, comment aurait-il expérimenté la merveilleuse traversée de la Mer Rouge, devenue emblématique pour son histoire et paradigmatique du Mystère pascal chrétien ?
L’aventure de la foi est faite de mouvements, comme cela se vérifie même dans le cas Verbe de Dieu fait homme. De fait, itinérante est la mission du Christ. Quand on refuse de l’accueillir, il s’en va. Aussi recommande-t-il à ses disciples : si l’on vous pourchasse dans telle ville, fuyez dans telle autre (Mt 10, 23). Même quand il est bien accueilli, comme c’est le cas chez les Samaritains de Sychar, l’Ecriture dit : après deux jours, il part de là pour la Galilée (Jn 4, 43). Enfin, l’attitude générale de Jésus, c’est de ne pas s’installer sur la terre. Tout en étant ici, il est tourné vers le ciel pour discerner et accomplir la Volonté du Père.
Cette attitude s’apparente à celle des Mages qui se montrent capables non seulement de mouvement géographique, mais aussi de cheminement spirituel à la recherche de Dieu. De fait, ils détournent le regard des réalités terrestres pour le fixer sur le ciel où ils discernement l’étoile-guide de leur quête de Dieu.
L’attitude des Mages demeure pour nous un exemple de courage à la recherche de Dieu, de ce Dieu qu’on ne possède jamais et qu’il faut toujours chercher, comme le laisse entendre la liturgie, on le cherche pour le trouver, on le trouve pour le chercher encore. Ainsi s’explique-t-on que le croyant doive être continuellement en mouvement, à l’instar d’Abraham.
Et toi, es-tu capable de te mettre en route ? Mais qu’est-ce à dire te mettre en route ? – Partir, laisser tout sur place, laisser la place elle-même, ne pas alourdir la marche avec des bagages, te baser sur une promesse, te nourrir d’une espérance et partir comme les disciples, à l’appel du Maître : laisse tout et suis-moi. Ce n’est pas pour rien que Jésus guérit des paralytiques (cf. Mt 9, 1-8 et par). Partir comme les Rois Mages. Pour guide, ils n’ont qu’une étoile, pas de GPS, mais, arrivés à Jérusalem, ils ont la sagesse de s’arrêter pour consulter les Ecritures. Celles-ci sont plus sûres que les indications du GPS. Et toi, imite les Mages, laisse-toi guider par les Ecritures. En plus, Montre-toi capable de quitter ton pays, tes vieilles habitudes, inventes-en de nouvelles. Invente l’amour, c’est-à-dire, de nouvelles façons d’aimer, de nouvelles personnes à aimer, aime dans des situations nouvelles. Invente Dieu qui est nouveau en chaque visage, invente Jésus toujours nouveau dans l’Evangile.
Ne sois pas comme Hérode, le roi des sédentaires. A force de piétiner, il s’enlise dans le goût du pouvoir et considère un bébé comme un rival, au point de concevoir en son cœur le goût du crime.
Toi, évite d’être sédentaire. Sais-tu ce que disent les sédentaires ? De l’Evangile, ils disent : “elle est très dure cette parole ! Qui peut l’écouter (Jn 6, 60) ?” De Jésus, ils disent : “lui, il est Dieu, il peut le faire… mais nous, nous ne sommes que des hommes !” Et ils s’affaissent et s’effondrent, ignorant que Dieu s’est fait homme.
Si toi tu sais que Dieu est devenu homme, pourquoi ne t’intéresses-tu pas à devenir Dieu ? Allons ! Debout ! En route !