Il y aura deux parties dans mon homélie, deux parties assez différentes !
On pourrait légitimement se demander pourquoi le jour où on célèbre l’institution de l’Eucharistie, l’Église nous fait lire l’évangile du lavement des pieds. Il me semble que la raison est assez simple, le jeudi saint, on fait mémoire d’un double événement, d’une double institution : l’Eucharistie, mais aussi le sacerdoce. En effet, pour que l’Eucharistie soit célébrée, il faut des prêtres qui puissent la célébrer. Pour Jésus, il était donc indispensable au moment où il instituait l’Eucharistie d’instituer aussi le sacerdoce. Autrement cette Eucharistie célébrée avec ses apôtres aurait été un très beau témoignage mais qui n’aurait servi à rien pour toutes les générations futures. Or, quelques dizaines de jours plus tard Jésus va faire une promesse paradoxale à ses apôtres puisqu’il la fait juste avant de les quitter, il leur dit : et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. Quand Jésus fait une promesse, lui, il la tient ! Et justement, c’est par l’Eucharistie qu’il tiendra cette promesse, c’est dans l’Eucharistie que nous pouvons le rencontrer présent et agissant au milieu de nous jusqu’à la fin des temps. Mais encore une fois pour que l’Eucharistie soit célébrée, il faut des prêtres.
Ok, il y a donc deux grands mystères qui sont célébrés le jeudi saint : institution de l’Eucharistie et institution du sacerdoce. Mais avec tout ça me direz-vous, je n’ai pas répondu à la question initiale : pourquoi le texte du lavement des pieds ? Eh bien, parce qu’il me semble que ce texte est vraiment capable d’éclairer ces deux mystères. Pour se rendre présent, Jésus a choisi le signe le plus simple qui puisse exister, le plus pauvre pourrait-on rajouter : un morceau de pain. Et, pour rendre sa présence possible dans l’Eucharistie, il a choisi en même temps de pauvres hommes qui ne sont ni meilleurs, ni plus intelligents que les autres. Ces deux mystères que nous célébrons aujourd’hui ont donc en commun de manifester que le Seigneur a choisi la pauvreté pour se rendre présent. D’ailleurs, on peut vraiment dire que Dieu aime la pauvreté, l’humilité. Regardez : à Noël, il a choisi de venir au monde dans la pauvreté, l’humilité, le dénuement d’une étable ; Jésus va mener une vie de pauvreté extrême déclarant qu’il n’a même pas une pierre où reposer sa tête ; il choisira toujours de côtoyer en priorité les pauvres. Pour se révéler, le Très-Haut a choisi délibérément de se faire le Très-Bas.
Et c’est pour cela que nous lisons le récit du lavement des pieds le jeudi saint. Avec la célébration de l’Eucharistie, c’est un des derniers gestes que Jésus accomplit au milieu de ses apôtres. Les dernières paroles, les derniers gestes de ceux qu’on aime restent gravées dans nos mémoires. Eh bien Jésus a voulu que reste gravé dans la mémoire de ses apôtres ce geste qui était ordinairement réservé aux esclaves. C’est comme s’il leur disait : c’est vous que je choisis pour que vous puissiez célébrer le mystère de l’Eucharistie ; eh bien, puisque c’est un grand mystère d’abaissement, il convient que vous-mêmes, à mon image, vous choisissiez de vivre dans la plus grande humilité. Du coup, on comprend mieux le sens des dernières paroles qui accompagnent ce geste si étonnant : C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
En ce jour si particulier, chers amis, priez pour vos prêtres pour que nous acceptions de vivre toujours dans l’humilité pour répondre à l’appel de Jésus, oui, que nous nous réjouissions d’être de petits prêtres exerçant un très grand sacerdoce.
Voilà c’était la 1° partie.
La 2° partie n’a pas forcément sa place dans une homélie mais il me semblait important de vous partager ce soir ce qu’il me faut vous dire. Cette année, l’évêque a choisi d’annoncer les nouvelles nominations aux prêtres rassemblés autour de lui pour la journée de récollection liée à la messe chrismale. Et ces nominations vont paraître publiquement ces jours. Je préfère donc vous en parler avant que vous ne le découvrirez dans la presse : à la rentrée prochaine, je vais quitter Bellegarde. Comme toujours, à l’annonce d’un départ, certains vont se dire : enfin, on pourra respirer et d’autres vont verser une larme !
Pourquoi est-ce que je pars ? J’ai demandé à l’évêque une année sabbatique et il me l’a accordée. Je vais avoir 60 ans au mois de septembre, bien de mes amis sont en train de faire des projets pour la retraite qui approche, moi, il me reste encore 15 ans de ministère actif puisque la retraite est à 75 ans pour les prêtres, sachant que la plupart choisisse de continuer encore à servir après cet âge même si c’est dans un ministère moins actif. Ça fait 34 ans que je suis prêtre et 34 ans que je suis responsable ou aumônier diocésain d’un mouvement ou service, avec 7 ans de vicaire général, cette charge si lourde. Je reconnais que je suis fatigué et que j’ai besoin de souffler ou plutôt de reprendre souffle. Rassurez-vous, je ne suis pas lassé par mon ministère, mais toutes ces charges assez lourdes d’autant plus que souvent ces responsabilités diocésaines se cumulaient soit avec un ministère paroissial soit avec d’autres charges diocésaines. Je souhaitais vraiment, à la fin de mon temps de vicaire général, prendre une année sabbatique pour mieux repartir, mais les circonstances ont fait que j’ai dû arrêter plus vite que prévu la mission de vicaire général pour venir ici et que je n’ai pas pu prendre ce temps sabbatique. Du coup, je le reconnais, parce que je ne suis pas un sur-homme, même si le Seigneur m’a donné une bonne capacité de travail et une bonne santé, je suis fatigué.
En plus, vous avez aussi remarqué que j’étais souvent absent car on me sollicite souvent pour aller prêcher des retraites pour des laïcs ou des prêtres. Mardi, l’évêque de St Etienne m’avait demandé d’aller prêcher à l’ensemble des prêtres de son diocèse qui étaient réunis. Ces sollicitations qui deviennent de plus en plus fréquentes sont difficilement compatibles avec un ministère de curé de paroisse. D’abord parce que c’est le père René qui doit assurer quand je suis absent et parce que j’entends ceux qui se plaignent d’avoir un curé trop absent, difficile à rencontrer, qu’on n’ose pas déranger parce qu’on voit qu’il est surchargé.
Cette fatigue accumulée, ces sollicitations multiples qui m’obligent souvent à travailler la nuit pour préparer ces interventions, je m’en rends compte, tout cela fait que je suis facilement irritable, que je manque de patience et parfois de bienveillance. Suite à ce que j’ai dit sur l’humilité dans la 1° partie, je le dis avec humilité, ce n’est pas bien, quand on est prêtre, de donner un tel témoignage.
Je ne veux pas noircir le tableau, mais je le reconnais, il m’arrive d’être difficile à vivre et je vous en demande humblement pardon ainsi qu’au père René avec qui j’ai vraiment eu beaucoup de bonheur à collaborer.
Tout cela fait qu’avec l’évêque, nous avons pensé que le mieux serait que je prenne une année sabbatique pour reprendre souffle et discerner si c’est vraiment à un ministère orienté vers la prédication que le Seigneur m’appelle. Maintenant une question se pose : et vous qu’allez-vous devenir ? Première bonne nouvelle : le père René reste ! A ses 70 ans, il avait demandé de venir en second dans une paroisse pour ne plus porter la charge d’une responsabilité … et on peut le comprendre, la plupart des gens ont été en vraie retraite bien avant cet âge ! L’évêque ne voulait donc pas lui demander de prendre la responsabilité.
Sur ma proposition, l’évêque a fait une demande à l’évêque du diocèse de Thiès de nous envoyer un prêtre. Le diocèse de Thiès au Sénégal, c’est le diocèse du père Jean-Jo qui vient chaque été. Je caressais l’espoir que l’évêque accepte d’envoyer le père Jean-Jo ; ça n’a pas été possible, par contre, il a accepté d’envoyer un autre prêtre et c’est lui qui viendra comme curé pour me remplacer, il s’agit du père Gaston Diouf.
Quant à moi, je partirai en septembre ou octobre quand il se sentira suffisamment au courant des affaires de la paroisse. D’ici là je suis encore avec vous pour vous partager ce que j’ai de plus précieux : mon amour de Jésus et c’est par amour de Jésus pour répondre à son appel nous demandant de faire à notre tour ce qu’il a fait lui-même que je vais maintenant laver les pieds des catéchumènes qui seront baptisés dans la nuit de Pâques pour les adultes ou le jour de Pâques pour les jeunes avec d’autres qui feront leur 1° communion ce jour-là.