Homélie dimanche 10/12/17: Au fait, est-ce que vous vous êtes déjà demandé pourquoi Jésus est venu sur terre ?

Posez-vous la question ! Vous pourrez lire ma réponse.
Bonne semaine, bonne préparation de nos coeurs à Noël !
P. Roger

Ces jours, tout le monde chante du Johnny, personnellement, je trouve qu’on en fait quand même un peu trop. D’ailleurs, il ne faudrait pas oublier toutes les mises en garde que la Bible nous fait à propos des idoles. Et ces chanteurs deviennent des idoles, c’est d’ailleurs comme cela qu’on les appelle en disant : c’est mon idole ! Johnny chantait lui-même : on m’appelle l’idole des jeunes ! Si la Bible est aussi virulente dans son combat contre les idoles, c’est précisément parce qu’elles occupent une place qui n’est pas la leur : peu à peu dans le cœur des gens, elles prennent la première place, cette place réservée à Dieu. Vous avez sûrement entendu des gens qui ont été interviewés et qui disaient que tout s’est écroulé pour eux à l’annonce de la mort de Johnny … c’est bien le signe qu’il occupait une place qui n’était pas la sienne. En disant cela, je ne le juge pas lui, mais je juge la place que les gens lui faisaient. Je ne sais pas si, lui, il subissait ce culte de la personnalité ou s’il l’entretenait. Mais c’est sûr que ce qui se passe n’est pas très sain … je me demandais d’ailleurs si, sur les Champs Elysées, les gens n’allaient pas se mettre à crier « Santo Subito » comme ils l’avaient crié pour les funérailles de Jean-Paul II réclamant qu’il soit proclamé saint tout de suite ! Le seul avantage que je vois à toute cette médiatisation, c’est que la retransmission en directe des funérailles avec une homélie magnifique aura été un moment d’évangélisation !

Cette petite tirade que je viens de faire sur les idoles peut être une invitation pour chacun de nous, en ce début d’Avent à vérifier s’il n’y a pas des choses, des personnes qui occupent dans notre vie une place qui n’est pas la leur. Il n’y a pas besoin d’être fan de chanteurs pour avoir des idoles. Il y a tellement d’autres idoles qui occupent trop de place dans nos cœurs, dans nos préoccupations, dans nos vies.

En tout cas, heureusement que le texte d’Évangile que nous venons d’entendre a été lu dans l’évangile de Marc, parce que s’il l’avait été dans la version de Luc, on aurait entendu comme dernière phrase : « Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. » Et alors on aurait pu avoir l’impression que l’évangile lui-même rendait hommage à Johnny en nous invitant à chanter : allumer le feu ! Mais dans l’évangile de Marc, le feu n’est pas mentionné, il est juste dit : « Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. » Et c’est donc en mentionnant ce baptême dans l’Esprit-Saint que Jean-Baptiste affirme l’originalité de Jésus par rapport à lui. On peut donc dire que c’est dans ce baptême dans l’Esprit-Saint que réside l’originalité du christianisme.

Deux citations pourraient venir confirmer cette affirmation que c’est dans le baptême du Saint Esprit que réside l’originalité du christianisme. Je cite d’abord Athanase, le saint évêque d’Alexandrie au début du 4° siècle, il s’interrogeait en se demandant : mais au fond, pourquoi Jésus est venu sur terre, pourquoi Dieu a-t-il envoyé son Fils, quel est le sens de l’Incarnation ? Athanase en arrivera à cette conclusion qu’il formulera en ces termes : « Il s’est fait porteur de chair pour que nous devenions porteurs d’Esprit ». C’est à dire qu’il a pris notre chair, il a porté notre chair pour que nous, nous puissions devenir porteurs de son Esprit. Et puis, on pourrait encore citer un ermite orthodoxe St Séraphim de Sarov qui au début du 19° siècle dira : le but de la vie chrétienne, c’est l’acquisition du Saint Esprit. Quand ce mystique s’interroge sur l’originalité de la foi chrétienne, sans hésiter, il parle du Saint Esprit.

Vous voyez donc que la déclaration de Jean-Baptiste est absolument fondamentale et qu’il n’est pas inutile de s’y arrêter quelques instants dans ce temps de l’Avent où nous nous préparons à Noël, où nous devons donc réfléchir, nous aussi, au sens de ce grand mystère de l’Incarnation. Si nous voulons vivre Noël avec plus de vérité, plus d’intensité, il est bon de comprendre ce que la venue de Jésus en notre monde a apporté d’absolument original.

Soyons bien clairs : Jésus n’est pas venu pour nous dire qu’il fallait bien nous aimer les uns les autres. En affirmant cela, je ne veux pas dire que s’aimer les uns les autres, ce n’est pas important, non, c’est vraiment très important. Mais il n’y avait pas besoin de Jésus pour le savoir. Dans le Premier Testament et même dans les sagesses orientales, cette importance de l’amour avait déjà été affirmée. Jean-Baptiste dont il est question dans cet évangile avec l’âpreté de sa prédication l’a dit lui-même et a décliné de manière extrêmement concrète les exigences de l’amour, mais on le trouve dans la version de Luc : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! » Non, s’il était nécessaire que Dieu envoie son Fils dans le monde, s’il était absolument nécessaire que Jésus vienne parmi nous, ce n’était pas pour nous dire ce que nous devions faire pour vivre en Fils de Dieu, ça, on le savait déjà. Jésus n’est pas venu nous dire ce qu’il faut faire, il est venu nous donner la force de l’accomplir.

Pour bien me faire comprendre, je voudrais recourir à l’exemple des apôtres. Avant la Pentecôte, ils savaient parfaitement ce qu’il fallait faire parce qu’ils étaient de bons juifs et qu’en plus ils avaient un maître extraordinaire en la personne de Jésus. Mais, pour autant, ils ne le faisaient pas ! Ils continuaient à se disputer entre eux pour savoir qui était le plus grand, souvent ils empêchaient les plus nécessiteux d’approcher Jésus, ils dorment quand Jésus leur demande de veiller. Oui, ils savaient ce qu’ils avaient à faire, mais ils ne le faisaient pas, non pas par mauvaise volonté, mais parce qu’ils n’avaient pas la force de l’accomplir. Mais quand, à la Pentecôte, ils furent baptisés dans l’Esprit Saint, alors nous les voyons complètement transformés, ils deviennent capables d’aimer comme Jésus, c’est à dire en allant jusqu’au bout, jusqu’à donner leur vie.

Maintenant que nous avons bien compris en quoi consiste l’originalité de la vie chrétienne, ce qu’est venu apporter Jésus, il faut nous interroger : sommes-nous vraiment chrétiens ? C’est à dire : est-ce que nous vivons de cette originalité de la foi chrétienne ? Autrement dit : est-ce que nous vivons du Saint Esprit ? Est-ce que nous comptons sur la force du Saint Esprit pour aimer au quotidien ? Parce qu’aimer au quotidien ce n’est pas si facile que ça : ne pas faire de tri entre les personnes que nous voulons aimer et les autres, ce n’est pas simple. Aimer ceux qui nous ont blessés, aimer jusqu’à pardonner 70 fois 7 fois par jour, comme nous y invite l’évangile, c’est sûr que c’est au-dessus de nos forces. Mais si nous comptons sur l’Esprit-Saint que nous avons reçu à notre Baptême et à notre confirmation, alors tout devient possible. Encore une fois, l’exemple des apôtres avant et après la Pentecôte est suffisamment clair.

Je crois qu’il est urgent que, dans notre Église, les chrétiens apprennent à se servir de ce don qu’ils ont reçu et dont, hélas, ils font si peu d’usage. Vous avez sans doute entendu parler des écoles d’application, ces écoles sont destinées à des étudiants qui savent beaucoup de choses, qui ont de très bons diplômes mais qui ne sont pas capables de travailler de manière pointue parce que leurs connaissances ne suffisent pas, ils doivent apprendre à s’en servir de manière concrète. Eh bien, c’est de telles écoles d’application dont nous avons besoin dans notre Église pour tous ceux qui savent très bien ce qu’il faut faire mais qui n’arrivent pas à l’accomplir. Remarquez, elles existent déjà, ces écoles, mais elles ne sont pas assez fréquentées, je pense aux groupes de prière du Renouveau par exemple. Le jour où il y aura vraiment plus de chrétiens dans ces écoles d’application, nous deviendrons capables d’allumer le feu, de répandre le feu de l’amour dont notre monde a tant besoin.

 Père Roger Hébert