Homélie dimanche 13/05/2018: Soyez dans la joie et l’allégresse

C’est une invitation qui nous est lancé ce dimanche : voulez-vous entrer dans la “classe moyenne de la sainteté” ?
C’est le pape François qui nous y invite et c’est dans la tonalité de la prière de Jésus dans l’Évangile.
Bonne semaine … et elle sera bonne si nous mettons le maximum d’amour dans chaque instant que nous vivons.

Je pense que ça vous arrive à vous aussi, vous êtes dans un groupe, vous écoutez quelqu’un parler et, quand il a fini de parler, vous vous demandez ce qu’il a dit … vous ne vous rappelez plus de rien ! Peut-être d’ailleurs que ça vous arrive en m’écoutant ! Il y a plusieurs explications possibles pour comprendre pourquoi nous n’avons rien retenu. La première explication, et c’est la plus fréquente, c’est que, en fait, nous n’avons pas vraiment écouté, nous étions perdus dans nos pensées, nos préoccupations. La deuxième explication possible, c’est que ce qui était dit manquait d’intérêt, dans ces cas-là, on décroche très vite. La 3° explication possible, c’est que ce qui était dit était intéressant, mais la manière dont c’était dit, la complexité des mots, l’intonation, ne nous encourageait pas être très attentif, du coup à un moment, on est perdu et tout se brouille.

Il me semble que, à la messe, lorsque c’est un évangile de St Jean qui est lu, bien des gens auraient du mal à résumer ce qui a été dit si on les interrogeait à la fin de la lecture. Ils pourraient peut-être redire l’une ou l’autre phrase, mais souvent on se perd un peu parce qu’on a parfois l’impression que ça tourne en rond, que l’enchainement des idées n’est pas très logique. Peut-être que c’est votre cas aujourd’hui ! Et, pour nous, souvent, ce n’est pas très facile de faire une homélie sur ce genre d’évangile qui est souvent un extrait d’un discours de Jésus ou d’une prière de Jésus comme c’est le cas aujourd’hui. Il faudrait beaucoup de temps pour décortiquer le texte et repérer les mots qui lui donnent une colonne vertébrale.

Si vous avez retenu que, dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus prie pour nous, vous avez retenu l’essentiel parce que, quand on y réfléchit, ce n’est quand même pas rien de penser que Jésus prie pour nous. J’imagine qu’on vous demande souvent de prier pour telle ou telle personne, personnellement, on me le demande souvent et c’est pour cela qu’au moment de la prière eucharistique, dans la dernière demande avant le par lui, avec lui et en lui, je rajoute un petit groupe de mots. Le missel dit : sur nous tous enfin, nous implorons ta bonté, c’est là que je rajoute : et sur tous ceux qui se confient à notre prière. En me confiant leurs intentions de prière, il est possible qu’un certain nombre de personnes,  se disent : quand c’est un prêtre qui prie pour nous, ça doit mieux marcher ! Eh bien, aujourd’hui, c’est encore mieux qu’un prêtre puisque c’est Jésus lui-même qui prie pour nous, pour chacun de nous. En effet, vous avez entendu que sa prière au Père concerne ses disciples, ses disciples d’hier, mais aussi ceux d’aujourd’hui et encore ceux de demain. Si on avait plus de temps, il serait intéressant de développer chacune des demandes que Jésus adresse à son Père. Après tout, vous pouvez très bien le faire sans moi !

Je voudrais garder uniquement la dernière demande de Jésus : Sanctifie-les dans la vérité ! Et c’est peut-être bien cette demande d’ailleurs qui explique pourquoi on lit cet évangile dans ce dernier dimanche du temps de Pâques qui nous prépare à la grande fête de Pentecôte que nous célébrerons la semaine prochaine. « Sanctifie-les » on pourrait le traduire ainsi : rends les saints ; et en rajoutant sanctifie-les dans la vérité, c’est comme si Jésus voulait insister dans sa demande : rends-les saints, mais d’une sainteté authentique.

Peut-être qu’en entendant cette prière que Jésus formule à son Père pour vous, vous auriez envie de dire : Jésus, je m’excuse, tu veux prier pour moi, j’en suis vraiment honoré, mais j’ai des choses plus essentielles que ça à demander. La sainteté authentique, tu m’excuses, mais ce n’est pas pour moi, par contre, puisque tu veux prier pour moi, je vais te faire la liste de ce que j’aimerais bien que tu demandes au Père pour moi ! Du coup, chacun ferait l’énumération de tout ce qui, légitimement, lui paraitrait important. Et il est bien possible qu’à la fin de l’énumération, Jésus nous dise : mais moi, je ne suis pas un magicien qui peux transformer toutes les situations ! Par contre, il y a une chose que je peux transformer, c’est ton cœur, oui, ça c’est vraiment mon job et c’est pour cela que je demandais pour toi, à mon Père, la sainteté authentique !

Le pape François a écrit récemment une nouvelle et très belle exhortation qui s’intitule : Gaudete et exsultate … les textes des papes portent toujours un titre en latin qui reprend les premiers mots du texte, là c’est l’invitation que l’on trouve en Mt 5,12 : Soyez dans la joie et l’allégresse. Et ce texte est un vibrant appel à la sainteté, c’est le chemin par lequel nous parviendrons le plus facilement à vivre dans la joie et l’allégresse. Tout le monde aspire à vivre dans la joie ? Eh bien, dit le pape, devenez des saints car la sainteté est le moyen pour vivre en permanence dans la joie et l’allégresse. Vous comprenez un peu mieux pourquoi je disais qu’en priant pour que nous devenions d’authentiques saints, Jésus demandait le plus fondamental.

Ce qui est très beau dans ce texte du pape, c’est qu’il va parler de la sainteté en termes très simples. Il emprunte même à un auteur français cette expression : la classe moyenne de la sainteté. Le texte n’est pas un appel à réaliser des prouesses, ça, c’est pour les saints de la classe supérieure, mais nous qui sommes dans la classe moyenne de la sainteté, ce n’est pas à cela que nous sommes appelés. Permettez-moi de vous citer un extrait de son texte : « Nous sommes tous appelés à être des saints en vivant avec amour et en offrant un témoignage personnel dans nos occupations quotidiennes, là où chacun se trouve. Es-tu une consacrée ou un consacré ? Sois saint en vivant avec joie ton engagement. Es-tu marié ? Sois saint en aimant et en prenant soin de ton époux ou de ton épouse, comme le Christ l’a fait avec l’Église. Es-tu un travailleur ? Sois saint en accomplissant honnêtement et avec compétence ton travail au service de tes frères. Es-tu père, mère, grand-père ou grand-mère ? Sois saint en enseignant avec patience aux enfants à suivre Jésus. As-tu de l’autorité ? Sois saint en luttant pour le bien commun et en renonçant à tes intérêts personnels. »

Et pour que ce soit très clair, le pape va citer l’exemple du cardinal Van Thuan, mort il y a quelques années après avoir passé l’essentiel de sa vie dans les terribles prisons du Vietnam. Il le donne en exemple parce que, dit-il, le cardinal « avait renoncé à s’évertuer à demander sa libération. Son choix était de vivre le moment présent en le comblant d’amour ; et voilà la manière dont cela se concrétisait : il saisissait les occasions qui se présentaient chaque jour, pour accomplir les actes ordinaires de façon extraordinaire. » Vous avez entendu : alors qu’il vivait un véritable enfer, il demandait juste la grâce de pouvoir vivre chaque moment en le comblant d’amour.

Bon, le cardinal Van Thuan, c’était une grosse pointure, lui, c’est pas la classe moyenne de la sainteté ! Mais nous pouvons quand même nous inspirer de lui. Parce que, pour lui, ce qui était remarquable, c’est que, dans l’enfer qu’il vivait, il ne demandait qu’une chose : vivre chaque instant en le remplissant d’amour. Puisque nous, nous ne vivons pas un enfer permanent, cette demande devrait être plus simple à formuler. Si nous la formulons régulièrement, nul doute qu’elle sera exaucée et on peut même dire que cette demande devient le modèle de la prière chrétienne : Seigneur aide-moi à mettre le maximum d’amour dans chaque instant de ma vie. Et c’est ainsi que nous grandirons en sainteté et, grandissant en sainteté, nous vivrons dans une joie permanente qui ne dépendra plus de nos réussites, mais de la quantité d’amour que nous aurons réussi à mettre dans chaque instant de nos vies.

Pour terminer, à qui faut-il adresser cette demande ? Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de l’adresser au Saint-Esprit. Si vous la transmettez au Père ou au Fils, ils se débrouilleront pour qu’elle parvienne au St Esprit ! En effet, dans la Trinité, ils se sont partagés le job, et celui qui est en charge de la sainteté, c’est l’Esprit-Saint, c’est d’ailleurs son nom : l’Esprit qui fait les saints. Vous vous rendez compte comme il serait beau le monde si, comptant sur la force du St Esprit, chacun décidait de mettre la plus grande quantité d’amour possible dans chaque instant de sa vie !

Père Roger Hébert