Homélie dimanche 18 mars 2018

Quand j’ai fait le chemin de Compostelle, je suis arrivé, un jour, en Espagne dans un gite dont on nous parlait assez souvent depuis un certain nombre de jours. Tout le monde nous disait : surtout ne ratez pas ce gite, il est tenu par un homme très original qui, en plus, s’appelle Jésus. Aujourd’hui, j’ai oublié le nom du village, par contre, je me rappelle très bien mon arrivée dans ce gite. Je vois un homme barbu aux cheveux hirsutes qui correspondait bien aux descriptions qui avaient été faites, alors je m’approche de lui et avec mes reste d’espagnol appris au lycée, je lui demande : « c’est toi Jésus ? » Il me dit « oui ! » Je tombe dans ses bras en lui disant : « depuis le temps que je voulais te voir ! Je suis prêtre, je parle si souvent de toi, j’essaie aussi de te parler le plus régulièrement possible et là, je te vois ! » On a beaucoup rigolé ! En Espagne, le prénom de Jésus est assez répandu, ce n’est pas le cas chez nous !

Voir Jésus : est-ce que c’est vraiment un désir qui nous habite ? Vous avez entendu dans l’Évangile, c’est précisément la demande de ces grecs qui vont trouver Philippe et qui lui disent : nous voudrions voir Jésus. C’est cette demande qui m’a inspiré dans la préparation de mon homélie. Et c’est sur cette demande que j’aimerais m’arrêter. Bien sûr, on pourrait longuement commenter la réponse de Jésus qui nous paraît si étonnante et presque décalée par rapport à la demande si simple de ces personnes qui veulent le rencontrer. Mais, le commentaire sur la réponse de Jésus, ça sera pour une autre année ! Restons sur cette demande : nous voudrions voir Jésus.

Est-ce que, voir Jésus, c’est un désir qui nous habite profondément ? A la mort de Johnny, on a entendu des témoignages étonnants, je me rappelle de l’interview de ce fan qui expliquait qu’il ne ratait pratiquement aucun concert de Johnny en France. Il expliquait qu’il ne pouvait pas vivre sans le voir régulièrement. Mes amis, si nous disons la même chose vis à vis de Jésus, alors nous sommes de vrais chrétiens. Mais il y a tant et tant de personnes qui se disent chrétiennes et qui n’ont pas ce désir de voir Jésus, alors que dans le même temps, elle sont prêtes à tout pour voir des stars du foot, de la chanson, ces stars qui vivent une gloire si éphémère, je parle de gloire car il en est beaucoup question dans cet évangile. Evidemment quand Jésus demande à son Père de lui donner la gloire, ce n’est pas cette gloire de paillettes qu’il réclame. Ce qu’il demande, c’est la gloire liée au poids d’amour qui fait la valeur, la grandeur d’une vie. En hébreu, le mot gloire est le même que le mot poids. C’est parce qu’ils ont perçu que la vie de Jésus était belle de cette gloire, parce qu’elle était riche d’un poids d’amour jamais rencontré jusque là que ces grecs veulent voir Jésus et en font cette merveilleuse demande aux apôtres : nous voulons voir Jésus.

Mais, me direz-vous, si nous nous voulons voir Jésus, comment allons-nous faire ? Puisque être vraiment chrétien, c’est être habité par ce profond désir de voir Jésus, comment s’y prendre pour le voir ? Pour les grecs, ce n’était pas très compliqué, ils en parlent aux apôtres qui en parlent à Jésus et le tour est joué ! Et nous comment on s’y prend ? Est-ce qu’aujourd’hui, on peut encore voir Jésus ? Oui, bien sûr qu’on peut le voir ! Et je dirai qu’il y a deux lieux essentiels où Jésus se donne à voir, à rencontrer, c’est la messe et les autres et dans les autres, particulièrement les pauvres.
Dans la messe, Jésus a choisi plusieurs modalités pour se donner à voir. Je vous propose que nous prenions quelques instants pour réfléchir à tout cela. C’est le concile Vatican II qui nous a aidés à redécouvrir qu’à la messe, il y avait 4 manières pour Jésus de se rendre visible.

La 1° manière pour Jésus de se rendre visible par sa présence, c’est l’assemblée : quand deux ou trois sont réunis en mon nom, dit Jésus, je suis là, au milieu de vous. Alors, imaginez, si quelqu’un rentre et nous regarde, est-ce qu’il va arriver à voir Jésus en nous regardant réunis dans cette église ? Nous devons être conscient de cette responsabilité, nos attitudes, nos visages aident-ils à voir Jésus présent parmi nous ?

La 2° manière pour Jésus de se rendre visible par sa présence, c’est la Parole, particulièrement l’Évangile. C’est assez paradoxal, mais pour voir Jésus à travers l’Évangile, il suffit de fermer les yeux et on l’entend parler, on le voit agir. Alors il suffit d’un acte de foi pour croire que tout ça, ce ne sont pas des histoires datant de 2000 ans, mais que c’est aujourd’hui, pour moi, pour nous que Jésus veut faire retentir ses paroles de Salut, poser ses gestes de Salut.

La 3° manière pour Jésus de se rendre visible par sa présence, c’est le pain et le vin consacrés qui deviennent son corps et son sang. Quand le prêtre élève l’hostie, le calice, c’est Jésus qui nous est donné à voir. Alors peut-être pensez-vous que ce n’est pas si évident que ça de voir Jésus, le Fils du Dieu Tout-Puissant à travers la pauvreté de ce signe du pain. C’est vrai, mais croyez-vous que c’était plus évident, il y a 2000 ans de voir Dieu dans un homme comme les autres ? Même pour ses disciples, ça n’a pas été évident. Hier comme aujourd’hui, c’est seulement en portant un regard de foi qu’on pourra voir Jésus, reconnaître en Jésus Dieu qui agit en notre faveur.

La 4° manière pour Jésus de se rendre visible par sa présence, c’est peut-être celle qui est la moins évidente, c’est le prêtre. En effet, à la messe, particulièrement au moment de la consécration, le prêtre tient la place de Jésus. Quand je parlerai, je dirait tout à l’heure : c’est mon corps livré, prenez et mangez en tous. A ce moment-là, je ne ferai plus qu’un avec Jésus pour qu’il puisse parler et agir à travers moi. Là encore, il faut un regard de foi parce que c’est vrai que selon les moments, selon les personnalités, le prêtre reflète plus ou moins distinctement le visage de Jésus. Mais c’est pour cela qu’il est si important que ceux qui, pour différentes raisons, ne peuvent pas venir communier viennent se faire bénir par le prêtre. En recevant cette bénédiction, puisque le prêtre rend présent Jésus, c’est avec Jésus lui-même qu’ils sont en contact même s’ils ne peuvent pas communier, c’est Jésus lui-même qui les bénit …. Et cela quelle que soit la sainteté, la personnalité du prêtre.

Voilà, c’étaient les 4 manières pour le Christ de se donner à voir dans la messe. Mais il n’y a pas que la messe pour voir Jésus. Nos frères orthodoxes aiment parler du sacrement du frère, ce qui signifie que Jésus se donne à voir, à rencontrer par l’intermédiaire des autres et particulièrement des plus petits, des plus pauvres, des plus fragiles. Rappelons-nous cette parole : ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait et il rajoute ensuite et c’est bien plus terrible : ce que vous n’avez pas fait aux plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.

On comprend que tout le monde soit étonné autant ceux qui ont fait du bien que ceux qui n’en ont pas fait. C’est en raison de cette parole qu’un jour, à un journaliste qui se moquait un peu d’elle en lui faisant remarquer qu’on ne peut pas croire puisqu’on ne peut pas voir Dieu, mère Teresa a répondu : vous voulez le voir, venez avec moi, elle lui ouvre la porte de son mouroir et lui dit voilà, regardez-le bien ! C’est aussi de cette manière si étonnante qu’il a choisi de se donner à voir.

La messe dans ces 4 aspects que j’ai développés et le sacrement du frère, c’est ainsi qu’aujourd’hui, nous pouvons voir, rencontrer Jésus. Alors posons-nous la question : est-ce nous donnons à la messe une place suffisamment importante dans nos vies en y participant régulièrement et en y participant intensément ? Si tel est le cas, nos regards seront transfigurés puisque nous en sortirons en ayant contemplé Jésus. Et c’est avec ce regard transfiguré que nous deviendrons capables de considérer les autres, les plus petits comme l’icône la plus parfaite du visage de Jésus pour nous aujourd’hui. Et c’est ainsi que tous ceux qui, aujourd’hui encore, comme ces grecs de l’évangile, veulent voir Jésus, viendront nous trouver en nous disant : toi, manifestement tu le vois, alors aide-moi à le voir aussi !

Père Roger Hébert