Homélie dimanche 18/06: Il est présent au milieu de nous pour que nous nous rappelions bien que sans lui, nous ne sommes rien, nous ne pouvons rien.

Chez Dieu, on est adepte du camping, mais oui !

Et c’est une Bonne Nouvelle pour nous !

Bonne semaine, restez à l’ombre.

Roger

 

Chez les juifs, il y a 5 fêtes particulièrement importantes dont 3, à l’époque de Jésus étaient des fêtes de pèlerinage, c’est à dire qu’en principe, on devait se rendre à Jérusalem. Le pays est petit, ce n’est pas un très grand problème de s’y rendre à pieds, quelques jours de marche pour ceux qui habitaient le plus loin. C’est au cours d’un de ces pèlerinages que Marie et Joseph ont perdu Jésus.  Ces 3 fêtes sont donc la fête de Pâque, Pessah en hébreu, qui commémore la sortie d’Egypte ; la fête de Pentecôte, Shavouoth qui commémore le don de la Loi sur le Sinaï et la fête des Tentes, Soukkoth qui invite à se rappeler de ce qui s’est passé au désert. Ces 3 fêtes sont dites joyeuses car elles célèbrent les hauts faits de Dieu en faveur de son peuple. Il y a deux autres fêtes également très importantes mais qui sont dites austères : le Jour de l’an, Rosh hashana et le Jour du Pardon, Yom Kippour. Ces fêtes sont austères car elles évoquent le jugement de Dieu et sont donc une invitation pressante à implorer la miséricorde de Dieu et à s’engager sur un chemin de conversion. Permettez-moi de revenir un peu plus en détail sur la fête des Tentes, la fête de Soukkoth.

Cette fête des Tentes ou aussi appelée fête des cabanes est ainsi nommée car les juifs sont invités à construire chez eux, aujourd’hui encore, dans une pièce de leur maison ou de leur appartement ou sur leur balcon une cabane ou une tente. Et ils y habitent pendant une semaine, délaissant tout leur confort habituel, pour se rappeler que dans le désert où il n’y avait rien, Dieu a toujours été présent et son peuple n’a jamais manqué de l’essentiel. La célébration de cette fête est donc une manière de mettre en application cette invitation que nous avons entendue dans la 1° lecture :   « N’oublie pas le Seigneur ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. C’est lui qui t’a fait traverser ce désert, vaste et terrifiant, pays des serpents brûlants et des scorpions, pays de la sécheresse et de la soif. C’est lui qui, pour toi, a fait jaillir l’eau de la roche la plus dure. C’est lui qui, dans le désert, t’a donné la manne – cette nourriture inconnue de tes pères. » Pendant une semaine, on couche sous la tente ou dans des cabanes pour se rappeler qu’à l’époque où on n’avait rien, Dieu pourvoyait à tout. Il ne faudrait donc pas oublier, maintenant qu’on a tout, que, sans Dieu, on n’est rien. J’aime cette fête, je me suis trouvé en Israël au moment de la fête et c’est vraiment beau de voir que dans immeubles de luxe, il y a une cabane sur chaque balcon pour que les habitants n’oublient pas que sans Dieu, on n’est rien !

J’ai dit que cette fête de soukkoth s’appelait fête des Tentes ou des cabanes, mais elle porte aussi un autre nom et un nom qui nous intéresse particulièrement en cette fête du Corps et du Sang du Christ, fête de l’Eucharistie. On l’appelait aussi la fête des Tabernacles parce que le mot tabernacle, à l’origine désigne aussi une Tente. Il désignait les tentes des hébreux dans le désert, mais il désignait aussi la Tente si particulière qu’on appelait « la Tente de la Rencontre », cette Tente qui abritait l’Arche d’Alliance qui était donc le symbole de la présence de Dieu au milieu de son peuple. Et, quand après un certain nombre d’heures ou de jour de marche, Moïse décidait qu’on allait s’arrêter et s’installer un certain temps en ce lieu, la 1° Tente qui était montée était la Tente de la Rencontre, le tabernacle de Dieu. Ainsi donc, quand les juifs dressent leur tente dans leur maison ou construisent une cabane, c’est aussi pour se rappeler, pour ne pas oublier, selon la prescription du Deutéronome que Dieu lui-même a habité sous la tente parce qu’il voulait être au milieu de son peuple.

Et savez-vous que, dans le prologue de l’évangile de St Jean, quand il est dit que le Verbe s’est fait chair et qu’il a habité parmi nous, la traduction la plus juste serait de dire qu’il a planté sa tente parmi nous. Si je rappelle tout ça, ce n’est pour vous dire, à l’approche des vacances, que Dieu est un adepte du camping et que vous feriez bien d’en faire autant ! Non, je veux juste souligner que Dieu a fait le choix d’habiter au milieu de son peuple pour l’accompagner afin qu’il ne manque jamais de l’essentiel et quand il envoie Jésus parmi nous, c’est dans les mêmes conditions précaires avec le même objectif.

Ce n’est donc pas un hasard si, dans l’Église catholique, on a choisi de donner le nom de tabernacle au petit meuble, que le curé d’Ars aimait appeler « le garde-manger du Bon Dieu », qui renferme la coupe ou le ciboire contenant les hosties consacrées qui marquent la présence sacramentelle de Jésus au milieu de nous. Aujourd’hui comme hier, Jésus est présent au milieu de nous, comme Dieu était présent dans la Tente ou le Tabernacle de la rencontre. Et il est présent au milieu de nous pour que nous nous rappelions bien que sans lui, nous ne sommes rien, nous ne pouvons rien. C’est d’ailleurs pour cela qu’autrefois, pour cette fête du Corps et du Sang du Christ qu’on appelait la Fête-Dieu, on organisait une grande procession. Il s’agissait de signifier de manière extrêmement concrète que le Seigneur était au milieu de son peuple, alors, on le faisait passer au milieu du village ou de la ville en essayant de sillonner le plus grand nombre possible de rues avec des reposoirs pour qu’il ne fasse pas que passer ! Aujourd’hui, dans nos sociétés de plus en plus soucieuses du respect de la laïcité, évidemment ça paraît guère possible et puis les processions ne correspondent sûrement plus à la sensibilité du plus grand nombre.

Mais si nous ne faisons plus de processions, la réalité demeure : par l’Eucharistie, nous croyons que le Seigneur se rend présent au milieu de nous. Et cette présence nous rappelle à temps et à contre-temps cette parole de Jésus que St Jean rapporte dans l’allégorie de la vigne : en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire ! C’est exactement le sens de la fête des Tentes que célèbrent nos frères juifs. Une semaine par an, ils déploient un rituel qui leur rappelle que Dieu a toujours été présent au milieu d’eux et que, grâce à sa présence, ils n’ont jamais manqué de l’essentiel. Une prière que dit le prêtre à certaines messes résume bien cela : sans Toi, Seigneur, notre vie tombe en ruine. Un dimanche par an, nous aussi, nous solennisons un peu plus l’Eucharistie pour nous rappeler que Jésus est toujours présent au milieu de nous et que sans lui, notre vie tombe en ruine.

Une grande réflexion s’engage dans notre diocèse à propos du dimanche pour savoir comment lui redonner toute sa place. Si le dimanche est devenu un jour chômé, c’est parce qu’il est le jour du Seigneur, ce jour où l’on s’arrête pour reprendre conscience que Jésus est toujours présent au milieu de nous et que sans lui, notre vie tombe en ruine. Oui, mais voilà, l’immense majorité des baptisés vivent ce jour comme le jour du repos, le jour de la famille, le jour du bricolage, le jour du sport et des loisirs et parfois quand la messe n’est pas trop loin, quand on n’a pas d’autre projet plus important, on va à la messe. La question n’est pas de rappeler l’obligation de la messe du dimanche, c’est beaucoup plus décisif. Comment tous ceux qui sont loin de Dieu, pourront-ils croire qu’en Jésus, Dieu est présent au milieu de nous et que sans lui notre vie tombe en ruine, comment pourront-ils croire que la foi est décisive s’ils constatent que tous ceux qui sont chrétiens vivent très bien sans venir le rencontrer en mettant cette rencontre comme prioritaire dans leur agenda ? La question est posée et la réponse est entre nos mains.

Père Roger Hébert