Homélie dimanche 21/09: Cherchez le Seigneur!

XXVème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE A

 

La première lecture de ce jour semble contenir les éléments utiles pour nous faire accéder à la parabole des ouvriers de la dernière heure, que Jésus nous propose dans l’Evangile.

Isaïe lance au peuple un appel pressant : cherchez le Seigneur. On peut bien imaginer qu’Israël avait déjà trouvé le Seigneur, puisqu’il avait fait alliance avec lui. Toujours est-il qu’il doit le chercher encore car, selon une formule liturgique, le seigneur, on le cherche pour le trouver, et on le trouve pour le chercher encore. L’appel à le chercher semble s’adresser d’ailleurs explicitement au méchant pour qu’il abandonne son chemin, et à l’homme pervers pour qu’il abandonne ses pensées. Mais nous
avons intérêt à prendre cet appel comme une invitation à nous convertir, d’abord parce que nous sommes tous pécheurs et ensuite parce que Dieu est si grand que, en quantité comme en qualité, en action comme en pensée, la différence entre lui et nous ne peut s’estimer avec aucune unité de mesure, sinon la démesure de l’infini. En conséquence, tu ne peux chercher Dieu sans te changer toi-même, puisque le trouver, c’est rencontrer le Tout-Autre, c’est-à-dire, celui dont les pensées ne sont pas tes pensées, et dont les chemins ne sont pas tes chemins. C’est le drame de cette différence abyssale que Jésus veut nous faire sentir dans la parabole des ouvriers de la dernière heure.

Ce sont d’ailleurs les ouvriers de la première heure qui, campant résolument sur leur logique humaine, trouvent que le maître de la vigne est injuste. Or, il n’en est rien. De fait, cet homme honore les deux contrats qu’il fait. Le premier, avec les ouvriers de la première heure, porte sur le salaire d’une pièce d’argent pour la journée de travail. Le deuxième contrat le lie aux ouvriers recrutés plus tard. La hauteur du salaire, laissée à la discrétion de l’embaucheur, s’exprime en termes de je vous donnerai ce qui est juste. Au bout du compte, ces derniers sont loin de se sentir lésés. Mais l’apparence de l’injustice surgit quand les ouvriers de la première heure, après avoir perçu ce qui avait été convenu, se mettent à comparer leur peine et leur salaire à la moindre peine des autres et à leur
salaire égal. C’est que le maître de la vigne choisit d’être à la fois juste et bon. Or, la bonté échappe aux normes du jugement humain et elle caractérise tellement Dieu que Jésus dira de Lui qu’Il est le
seul bon (cf. Mt 19, 17). Le problème de Dieu est donc de répondre à son identité de bon et l’injustice dont on l’accuse dans la parabole est une façon pour lui de loger tous ses fils à la même enseigne dans
son abondance.

Vous constatez que je commence à transposer la parabole du domaine de l’entreprise familiale à celui de l’histoire du salut. Pour être plus concret, je la transposerai encore au niveau de la communauté de Matthieu, une communauté mixte dans le sens où y cohabitent Juifs et païens convertis tous au christ. En ce qui concerne ces derniers, il faut aussi noter que l’effectif de leur rang se trouve gonflé par les voyages missionnaires d’un autre converti appelé Paul de Tarse. Une pareille situation ne peut se dérouler sans grincement et très tôt, naissent des tensions entre les Hellénistes et les Hébreux (cf. Ac 6, 1). Si ces premières se résolvent partiellement par l’institution des Diacres (cf.
Ac 6, 3-4), d’autres resurgiront quand des Juifs laisseront entendre qu’ils sont premiers dans l’ordre de la foi à cause de leur appartenance au Peuple élu, et qu’ils peuvent se permettre d’exiger des païens la
circoncision et l’observance les lois de la pureté. La crise est aux portes, qu’affrontera une première Assemblée de Jérusalem (cf. Ac 15, 5-6).
En pareille circonstance, cette parabole vient à point nommé pour montrer le discernement de Dieu concernant les premiers et les derniers dans l’adhésion à la foi en son Fils Jésus. Autant cette parabole n’est pas un hasard par rapport à la communauté Matthéenne, autant elle
ne peut pas l’être par rapport à la situation actuelle où beaucoup de derniers viennent et viendront encore rejoindre des premiers dans l’adhésion à la foi au Christ. Cette situation nous amène à nous
débarrasser de certaines attitudes négatives copiées, par exemples, sur Jonas qui murmure contre Dieu et se montre mécontent d’avoir contribué contre son gré à la conversion des Ninivites (cf. Jon 4, 2), ou
encore copiées sur le comportement du frère aîné dans la parabole de l’enfant prodigue (cf. Lc 15, 28- 30), ou enfin copiées sur le comportement des Pharisiens qui reprochent à Jésus de faire bon accueil aux pécheurs et aux Publicains (cf. Lc 15, 2). Nous devrions au contraire pouvoir nous laisser frapper par l’incident peu banal où, sur la croix, Jésus déclare au bon Larron : En vérité, je te le dis, aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis (Lc 23, 43).

De ces exemples et contrexemples, nous apprenons à tenir humblement notre place devant Dieu, de façon à ne jamais soumettre sa pensée et son action à notre jugement d’homme, et nous ne nous figurons pas non plus que Dieu nous doive quoi que ce soit. Préparons-nous à affronter le
scandale d’un Dieu qui est capable de donner salaire à qui a travaillé beaucoup, à qui a travaillé peu, ou même, comme dit le psalmiste, de combler son bien-aimé quand il dort (Ps 127(126), 2).

Convainquons-nous qu’après nous avoir donné son Fils Unique, Dieu nous a tout donné. Surtout gardons-nous de cultiver en nous l’œil mauvais, l’œil avec lequel le représentant des ouvriers regarde le maître de la vigne. L’œil est la fenêtre du cœur. Quand le cœur est mauvais, l’œil est mauvais, et l’œil mauvais veut tout pour lui et rien pour les autres. Un tel œil te fait perdre la place de premier.

D’ailleurs, dans le Royaume, il n’y a ni premiers ni derniers, il y a ceux qui ont l’œil bon ! Plaise au Seigneur de renouveler notre cœur et notre esprit dans son amour infini, afin que nous puissions poser toujours un regard bienveillant sur nos frères et sœurs ! AMEN !