HOMÉLIE IIIème DIMANCHE DE L’AVENT C

IIIème DIMANCHE DE L’AVENT C
Première lecture : So 3,14-17 ; Psaume responsorial : Is 12
Deuxième lecture : Ph 4,4-7 ; Evangile : Lc 3,10-18.

Les lectures de ce troisième dimanche de l’Avent sont dominées par le thème de la joie, mais il s’impose de préciser la joie dont il s’agit. Il faut déjà dire qu’il ne s’agit pas de la joie dite “chrétienne”, comme si les non chrétiens en étaient exclus, comme si la joie en question était une affaire de groupe social ou comme si elle n’était pas universelle. De fait, il y a des thèmes qui peuvent intéresser la moitié ou les trois quarts de l’humanité, mais par rapport à celui de la joie, on
n’enregistrerait pas d’indifférents ou de non-intéressés. Malheureusement, la recherche de la joie est soumise à beaucoup d’erreurs. Souvent, on se trompe sur celui ou ce qui la donne et cela mène à la désillusion. Dans ce sens, la désillusion type se situe dans le jardin d’Eden : le serpent avait fait croire à l’homme qu’il deviendrait Dieu s’il lui désobéissait, mais la désobéissance en question n’apporte que la conscience d’être nu (Gn 3,10). Il s’impose de nous poser sérieusement la question où trouver la joie.

Je suggère qu’on envisage la joie en rapport avec la cause de notre tristesse, cause qui est globalement liée à notre condition terrestre faite de fragilité, de précarité, d’incertitudes, d’angoisses, et dominée par le spectre de la mort, autant de choses qui nous amènent à reprendre à notre compte la question du psalmiste : qui nous fera voir le bonheur ? (Ps 4,7).

En repérant sommairement ces facteurs de tristesse, il reste à savoir qui nous en délivrera.
Comme approche de solution, nous nous laissons convaincre par cette vérité que s’il était en notre pouvoir de nous donner la joie, personne ne se trouverait dans la tristesse. Cela veut dire que si nous sommes en recherche de joie, nous ne devons pas la demander à un semblable dans le besoin de joie lui aussi, mais à celui qui l’a pleinement et est disposé à la partager. Où alors trouver celui-là ? La recherche de réponse laisserait de la place à l’animiste, au magicien, au charlatan, au devin et au croyant. Elle n’oublierait pas l’homme moderne qui se fie plutôt à sa responsabilité historique devant son propre destin, nanti qu’il est de sa science et de sa technologie.

En interrogeant les lectures de ce dimanche, nous entrons en contact avec des figures successives qui nous proposent la joie et nous y invitent.

La première figure, c’est le prophète Sophonie qui, dans la première lecture, parle au nom de Dieu : Pousse des cris de joie, éclate en ovation. Mais quel est le bien-fondé de cette joie ? Elle vient du fait que Yahvé écarte les accusateurs, fait rebrousser chemin à l’ennemi. Elle se justifie positivement aussi par le fait que Dieu est présent avec toute sa force de salut. Dieu se sent si réconcilié avec son peuple que ce n’est pas celui-ci qui se réjouit et danse de joie pour le louer mais, contre toute attente, c’est Dieu qui dansera pour lui avec des cris de joie, comme aux jours de fête.

La deuxième figure, c’est l’Apôtre Paul dans la deuxième lecture : frères, soyez dans la joie du Seigneur ; laissez-moi vous le redire, soyez dans la joie. Là encore, la raison, ce n’est pas une pluie d’or ou de diamant, mais le fait que le Seigneur est proche. Cela suffit pour vous enlever toute inquiétude et vous plonger dans l’action de grâces.

La troisième figure, c’est Jean-Baptiste. De lui, l’Evangile d’aujourd’hui dit qu’il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle, apportant ainsi la joie à tous les cœurs, en tant que Précurseur et annonciateur de la présence de Dieu au milieu de nous. De plus, lorsque Jean distribue à chaque couche sociale son devoir de fraternité, de partage, d’honnêteté et de justice, il invite à construire une société où prévale la joie.

En dernier lieu, nous voulons parler du plus grand héros de notre joie, Jésus de Nazareth. En tant que Verbe Incarné, Jésus, c’est la Joie sortie de la Joie pour venir chez nous, car la Joie ellemême, c’est Dieu. Or, l’œuvre du Christ est propre à vaincre tous ces facteurs de tristesse que nous avons énumérés plus haut, jusqu’au plus terrible d’entre eux, la mort. C’est en cela que par son Mystère pascal, Jésus se propose à nous comme le détenteur et le donateur de la joie parfaite.

Il y aurait une remarque à faire sur tous ces héros de la joie : c’est qu’aucun d’eux ne présente, au plan humain, un profil de personne joviale de tempérament, égayant ses milieux par la joie apparente. Par exemple, le message du Livre de Sophonie est massivement pessimiste et c’est à la fin, devant l’amélioration nette de la géopolitique du temps, qu’il connaît le sursaut de joie qui apparaît dans la première lecture de ce jour. L’Apôtre Paul n’est pas non plus le type à faire éclater la société de rires aux éclats. Et quelle joie peut-on chercher auprès du fils de Zacharie et d’Elisabeth, un homme vêtu de peau de chameau, se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage (Mt 3,4) ? Jésus lui-même, dans la simplicité de ses relations sans discrimination et malgré tous les enthousiasmes qu’il a
soulevés autour de lui, n’est pas un diffuseur de joie tapageuse. De plus, toutes ces figures sont marquées par de grandes souffrances, de la décapitation au crucifiement.

Si tels sont les héros de la joie, cela indique ce qu’est la vraie joie : posséder Dieu. Qui possède Dieu possède la joie, car la joie, c’est Dieu même, et il n’y en pas en dehors de lui. On comprend maintenant dans quel sens on peut dire que la joie est chrétienne. Elle n’est pas chrétienne dans le sens où elle n’existerait que dans la religion chrétienne, mais dans le sens où elle est liée exclusivement à la Personne du Christ ressuscité, Rédempteur de l’homme. En cela, la joie est étymologiquement chrétienne. Qu’elle soit notre lot aujourd’hui et toujours !