Homélie du 22/04/2018 : quand les chiens de bergers sont mis à l’honneur !

Bon dimanche … que notre prière pour les vocations se fassent suppliante !
Je rappelle à tous ceux qui habitent notre Province (Région Rhône-Alpes) le grand rassemblement à Ars le 1° mai pour prier pour les vocations.

Quand je m’occupais des jeunes, j’ai eu la chance d’encadrer de nombreux camps de vacances. Et plusieurs années de suite, nous sommes allés dans un tout petit village niché dans un merveilleux coin du massif de l’Oisans : Clavans. Nous n’étions même pas dans le village, les bergeries que nous avions retapées, se trouvaient sur une route non-goudronnée à l’époque qui menait au col de Sarenne puis à l’Alpe d’Huez. L’état de cette petite route et son côté vertigineux dissuadaient les touristes de l’emprunter, c’est dire si nous étions tranquilles : la montagne était à nous ! Quand nous partions en randonnée, à une bonne heure de marche, nous tombions sur la cabane du berger, c’était toujours l’occasion de faire une halte après avoir grimpé 400 mètres d’altitude. Et là, souvent, nous nous arrêtions pour discuter avec le berger, il était rarement là quand nous montions, mais il était là quand nous redescendions !

Avec les années, nous étions devenus amis et, le soir, très souvent, il nous offrait un Ricard bien frais avec beaucoup d’eau pris à la source qui coulait non loin de la cabane. Le remontant était toujours bien apprécié ! Mais au-delà de l’apéritif partagé, ce qui me plaisait le plus, c’était de parler avec cet homme qui était d’âge mur, au visage buriné par le soleil. C’était un vieux sage qui connaissait la montagne par cœur, il venait ici, dès que la neige avait fondu et il y restait jusqu’à ce que la neige revienne. Chaque jour il arpentait un coin de cette montagne pour conduire son troupeau. Pendant nos longues discussions, les jeunes aimaient s’approcher des petits agneaux et jouer avec ses chiens. Nous lui demandions toujours s’il ne souffrait pas de la solitude. Il nous répondait invariablement que pour rien au monde il ne changerait de vie, ses brebis, ses chiens, c’était toute sa vie. Parce que, celui qui est berger, s’il veut être un bon berger, finalement, il doit accepter de donner sa vie pour ses brebis.

Alors, évidemment, quand je lis ce texte d’évangile, je ne peux m’empêcher d’avoir sous les yeux l’image de mon ami, le berger de Clavans. En discutant avec lui, j’ai sûrement autant appris sur le ministère de berger qu’en lisant des livres de théologie. Et faut-il le rappeler, LE berger, LE BON BERGER, c’est Jésus. Dans le texte d’évangile que nous venons d’entendre, c’est de lui que Jésus parle, de sa vie donnée pour ce peuple qui lui a été confié par son Père. Oui, en écoutant mon ami le berger, parler de son métier de berger, j’ai mieux compris la profondeur des paroles de Jésus, j’ai mieux compris que ce n’était pas de la littérature. J’étais vraiment admiratif devant cet homme qui passait l’essentiel de son temps tout seul, qui le soir, vérifiait si le troupeau était au complet, qui soignait les brebis qui étaient mal en point, qui prêtait une attention toute particulière aux agneaux, les plus petits du troupeau donc les plus faibles qu’il ne laissait pas partir avant qu’il ne soit sûr qu’ils pourront s’épanouir sans risque dans les grandes étendues de la montagne. Après l’avoir écouté, souvent longuement, en finissant la descente, il me suffisait de repasser toutes les paroles entendues pour faire une belle méditation, grandeur nature, de ce texte d’évangile ou du si beau psaume 22, que nous n’avons pas lu cette année, mais qui est souvent associé à ce texte d’évangile : « Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. »

Cette année, en méditant sur ce texte, qui est choisi pour nous aider à prier en ce dimanche des vocations, il m’est venu une drôle d’idée ! Ce texte nous présente Jésus comme le bon berger et, assez spontanément, nous prions pour que des hommes puissent répondre à l’appel qui leur est lancé d’exercer ce ministère de berger pour aujourd’hui. Mais je me suis dit que finalement, ce n’est peut-être pas le ministère de berger que nous avons à exercer, nous les prêtres, peut-être que cet image du berger convient pour les évêques, mais, nous les prêtres, nous avons peut-être plus à nous identifier aux chiens des bergers. Avez-vous déjà eu la chance d’observer le travail d’un chien de berger ? Si vous n’avez jamais eu cette chance, je vous signale qu’il y a de très belles vidéos sur internet. Et si vous n’avez pas accès à internet, la prochaine fois qu’un de vos petits enfants vient vous voir, demandez-lui qu’il vous en cherche une et qu’il vous la montre.

Et s’il trouve votre demande bizarre, vous lui expliquerez que c’est en raison du sermon du curé et vous en profiterez pour glisser à l’oreille de son cœur que l’Église cherche des chiens de berger, qu’elle en manque cruellement et que ça ne peut qu’être désastreux : un troupeau sans berger, c’est évidemment la catastrophe … mais ça, ça ne risque pas d’arriver, Jésus, le Bon Berger a promis qu’il serait avec nous, son troupeau, jusqu’à la fin des temps … et si l’image du berger est une bonne image pour définir le ministère des évêques, même avec la crise, on arrivera toujours à trouver au moins un évêque par diocèse ! Donc un troupeau sans berger, c’est impensable, mais que pourrait faire un berger sans chiens ? Il deviendrait vite impuissant, le troupeau se disperserait, serait la proie de tous les prédateurs.

Oui, vraiment, cette image de chien de berger me plait assez pour définir ce qu’est notre ministère. Attention, un chien de berger, ce n’est jamais méchant, il aboie, mais ne mord pas, un peu comme moi, je sais que ça m’arrive d’aboyer, mais rassurez-vous je ne mords pas ! Le chien de berger, il ne devient méchant que contre ceux qui en veulent au troupeau ou qui s’en prendraient à une seule bête du troupeau. Et pourquoi devient-il méchant dans ces cas-là ? Parce qu’il a compris que, pour son maître, le berger, chaque brebis est unique et qu’il veut qu’aucune ne soit perdue. Nous l’avons entendu dans la 1° lecture : il n’y a pas d’autre Nom que le Nom de Jésus par lequel nous puissions être sauvés. Cela, le chien de berger l’a bien compris grâce à la communion qu’il vit avec son maître.

Et alors, c’est là que le chien est extraordinaire car, pour qu’aucune ne se perde, il ne pleure pas sa fatigue pour aller chercher celle qui s’est éloignée ou parfois égarée et la ramener dans le troupeau. Que d’allées et venues, il fait dans une journée et toujours en courant ! Il faut dire qu’il est bien stimulé par le berger qui l’encourage de ses cris pour qu’il ne perde pas de temps à ramener les égarées. Comme le chien aime par-dessus tout son maître, il finit par partager avec lui le souci constant de chaque brebis. Et le soir, quand le troupeau est rassemblé, la récompense du chien, c’est de passer du temps auprès de son maître, le berger, d’être la compagnie qui ravit le cœur du berger.

Priez vraiment pour que nous les prêtres, nous soyons ces bons chiens pour le bon berger qu’est Jésus qui veut tellement prendre soin de chacune de ses brebis. Priez pour que nous accomplissions toujours ce ministère avec empressement et enthousiasme en partageant la hantise du berger : qu’aucune brebis ne se perde. Priez pour que, si jamais nous aboyons, nous ne mordions jamais ! Priez pour que, au soir d’une journée bien remplie, notre joie soit de passer du temps aux pieds du maître ! Priez surtout pour que des jeunes entendent cet appel à devenir ces chiens de berger qui permettront à l’amour de Jésus, le bon berger de déployer toute sa puissance. Je l’ai dit et je le redis, un berger sans chien, même le meilleur des bergers, ne peut rien faire !

Père Roger Hébert