Je ne chante pas très bien ! Du moins, quand je chante tout seul, je déraille. Je me rappelle quand j’étais ado, un dimanche, mon curé qui, lui, chantait très bien avait dû s’absenter ; le prêtre qui venait le remplacer chantait très mal, j’avais dû entonner. Ça a été une catastrophe ! Je chantais tellement faux que les gens ne reconnaissaient même pas les paroles ! Et puis, à Arlod, depuis un certain temps, Pierre qui joue de l’orgue s’est mis dans la tête que je devais chanter. Chaque dimanche, il me disait : allez, on y va ! Mais je ne voulais pas … et puis dimanche dernier, il m’a dit : là on y va, il m’a donné la note et j’ai chanté le « par lui, avec lui et en lui » et ça a marché ! J’ai pu chanter sans dérailler, vous imaginez, j’étais fier, mais ce qui m’a touché, c’est que tous ceux qui savaient que c’était une première pour moi étaient, eux aussi, très fiers et m’ont fait des compliments, m’ont encouragé à continuer. Ça m’a beaucoup touché parce que souvent, c’est celui qui réussit qui est fier de sa réussite, mais les autres ne se préoccupent pas forcément de sa réussite. Chacun fait des efforts pour réussir, mais on ne fait pas toujours beaucoup d’efforts pour permettre la réussite des autres et c’est bien dommage.
Eh bien, Dieu, Lui, ce qui lui donne le plus de bonheur, c’est notre réussite. Il ne cherche pas sa réussite à Lui, il n’est jamais autant heureux que lorsque nous, nous réussissons et il fait tout ce qu’il peut pour nous aider à réussir. Vous avez entendu la fin de l’Évangile : La Gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruits. Porter du fruit, c’est exactement l’équivalent de réussir sa vie. Seulement, dès que je dis ça, une question se pose : c’est quoi réussir sa vie ?
Si vous alliez dans la rue interroger les gens et peut-être même que si on faisait circuler le micro dans cette église, il y en a pas mal qui dirait : réussir sa vie, c’est avoir une belle maison, gagner beaucoup d’argent, faire de beaux voyages …en tout cas, c’est souvent de cette manière-là que la publicité envisage les choses et elle finit par nous mettre dans la tête cette idée : la réussite d’une vie se mesure à l’épaisseur de compte en banque. Mais ce n’est pas vrai ! Il y a plein de gens très riches qui ne sont pas vraiment heureux, d’ailleurs, on voit souvent des vedettes, extrêmement riches se suicider parce qu’elles n’en peuvent plus de mener une vie très confortable, c’est sûr, mais complètement vide. Non, la réussite d’une vie ne se mesure pas à l’épaisseur du compte en banque, elle se mesure à la force de l’amour qui nous anime. Et on peut avoir beaucoup d’argent mais manquer de l’essentiel parce que son cœur est sec … et de fait, le cœur des riches est souvent sec, j’ai remarqué depuis longtemps que les plus riches ne sont pas ceux qui partagent le plus !
On réussit sa vie quand on a un cœur rempli d’amour, quand on donne beaucoup d’amour et qu’on reçoit beaucoup d’amour. Il y a des pauvres, il y a des personnes malades ou handicapées qu’on aurait envie de plaindre et qui pourtant ne manquent pas de l’essentiel puisqu’elles ne manquent pas d’amour. Retenons bien cela, la réussite de notre vie se mesure non pas à l’épaisseur de notre compte en banque, mais à la qualité de notre amour. C’est d’ailleurs ce que nous disait la lecture de St Jean. Oui, mais voilà, aimer, ce n’est pas si facile que ça ! Aimer tout le monde, aimer tous les jours, ce n’est pas aussi facile que ça. Alors comment faire pour réussir sa vie puisque réussir c’est aimer et qu’aimer n’est pas aussi simple que ça ?
Dans l’évangile que nous venons d’entendre, Jésus nous donne le secret pour réussir notre vie, pour réussir à aimer. Il nous dit : « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. » Le secret, il est là : il faut rester branché sur Jésus parce que quand on est branché sur lui, son amour vient irriguer notre cœur comme la sève vient irriguer la plante pour lui permettre de porter de beaux fruits.
Vous avez entendu, Jésus a pris l’image de la vigne, eh bien utilisons la même comparaison. Imaginez qu’une grappe de raisin se dise : moi, j’en ai marre de rester accroché à la vigne, ça me tire dessus et puis on est serré, je prends ma liberté, je me décroche et je m’étale sur la terre. Au début elle va se dire : génial, je suis libre, je peux m’étaler profiter de la douceur de la terre, mais, très vite, cette grappe va commencer à se ratatiner puis se dessécher totalement. Une grappe qui ne serait pas relié au cep ne sera plus irriguée par la sève et finira par se ratatiner. Ainsi en va-t-il pour le cœur d’un chrétien qui n’est pas branché sur Jésus, qui ne se laisse pas irriguer par l’amour de Jésus.
Mais comment on fait pour se brancher sur Jésus ? Eh bien, il y a la prière, l’écoute de sa Parole, le service des frères vécu dans la foi (ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait) et bien sûr les sacrements et tout particulier la messe. Quand je viens à la messe, quand je vis à fond la messe je suis branché sur Jésus. Vous voyez, c’est pour cela que je célèbre la messe tous les jours, certains jours, quand je prends l’avion pour partir en Afrique, je me lève à 2h du matin pour avoir le temps de célébrer la messe. J’ai constaté que lorsque je ne me laissais pas irriguer, chaque jour, par l’amour de Jésus, mon cœur se ratatinait plus vite. Vous voyez on pourrait dire que, finalement, nous sommes comme des voitures électriques, mais, nous, c’est sur Jésus qu’il il faut que nous nous branchions pour recharger nos batteries. Et là, vous voyez je m’interroge : comment peut-on tenir un mois sans aller à la messe ? Peut-être que vous avez des batteries beaucoup plus performantes que moi puisque moi, je vous ai dit que j’avais besoin de me brancher chaque jour ! Entre un mois, comme la plupart d’entre vous et tous les jours comme moi, il y a un juste milieu : c’est chaque dimanche et c’est ce que l’Église a prévu.
Ne nous étonnons pas qu’il y ait tant de chrétiens au cœur ratatiné, en se branchant si peu souvent sur Jésus, il ne peut en être autrement. La gloire de mon Père dit Jésus, c’est que vous portiez du fruit, c’est que vous réussissiez votre vie, maintenant, on sait ce que ça veut dire et on sait comment y parvenir !
Père Roger Hébert