Homélie du 5 juin 2016

Homélie dimanche 5 juin: Quelle puissance de vie … et elle est pour nous !

Rares sont ceux qui, en faisant un pèlerinage en Terre Sainte, s’arrêtent dans le village de Naïm dont il est question dans l’Évangile que nous venons de lire. Il y a tellement de choses à voir qu’il faut nécessairement faire des choix. Au cours de l’un de mes pèlerinages, en Terre Sainte, j’ai eu le bonheur d’aller à Naïm. Il faut dire que c’était un pèlerinage qui durait 15 jours, on avait donc plus de temps. J’ai deux grands souvenirs de cette halte à Naïm. Tout d’abord, c’est un village dans lequel il n’y a plus un seul chrétien, c’est une famille arable qui a la clé de l’église et qui la met volontiers à disposition des trop rares pèlerins qui viennent. Et le 2° souvenir, c’est que le fauteuil de camping sur lequel j’étais assis pendant la messe, s’est cassé et que je me suis retrouvé les 4 fers en l’air ! Ça a bien fait rire tout le monde et mon prof de Bible du séminaire qui accompagnait ce pèlerinage m’a dit la même phrase que Jésus a prononcé dans l’Évangile : Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi ! Mais revenons à des choses plus sérieuses et plus importantes en nous intéressant au texte !

Essayez, un seul instant, de vous mettre à la place de Jésus et de ses disciples. Ils veulent entrer dans ce village au moment où un cortège en sort, il s’agit d’un cortège funéraire. En effet, chez les juifs, on n’enterre jamais quelqu’un dans l’enceinte d’une ville ou d’un village, c’est toujours dehors car, en côtoyant les morts, on va contracter une impureté rituelle. Le cortège sort donc quand Jésus veut entrer avec ses disciples. A leur place, on se serait sûrement mis sur le côté en disant : on va pas les gêner ! En fait, la mort nous perturbe tous et devant ceux qui ont perdu un être cher, on est bien désemparé. Donc, on se serait mis sur le côté surtout pour éviter de croiser cette pauvre femme qui devait pleurer bien fort comme on le faisait, à cette époque, dans cette partie du monde. Sur le côté, on aurait pu la voir, sans qu’elle puisse nous voir et comme ça on n’aurait rien eu à dire, c’est quand même plus confortable. Et ainsi, le cortège aurait pu gagner le lieu du tombeau et le groupe aurait pu finir par entrer dans le village, selon son projet.

Mais ce n’est pas ainsi que ça se passe. Car, chez Jésus, sûrement parce qu’il est le Fils de Dieu, il y a une caractéristique anatomique qui n’existe pas toujours chez nous : le regard de Jésus est directement relié à son cœur et son cœur est relié à ses mains. Quand Jésus voit une situation dramatique, son cœur est immédiatement bouleversé et, quand son cœur est bouleversé, il va forcément relever les manches pour agir.

Je dis que cette caractéristique anatomique est propre à Jésus et s’explique sûrement par sa qualité de Fils de Dieu, car nous, notre regard n’est pas toujours relié à notre cœur. Nous voyons tant de choses terribles sans que ça ne nous touche vraiment. Il arrive même que certains mangent devant les informations à la télé qui annoncent qu’il y a encore eu un naufrage de réfugiés faisant plus de 100 morts sans que ça ne leur coupe la faim. Et si jamais notre regard est bien connecté à notre cœur, ce que nous voyons va susciter en nous une réelle émotion, mais alors c’est notre cœur qui est déconnecté de nos mains. Nous sommes émus, mais nous ne faisons rien en prenant souvent comme prétexte qu’on ne peut pas soulager toute la misère du monde. Et c’est bien vrai, mais nous pouvons au moins prendre notre part.

Ainsi donc, Jésus voit ce cortège funéraire avec cette femme qui a tout perdu, elle est veuve, ce qui signifie qu’elle a déjà perdu son mari. Elle a donc vécu une grande souffrance et c’était la présence de ce fils qui l’empêchait de sombrer dans une précarité difficile à assumer. En effet, à cette époque, la vie d’une femme seule était extrêmement compliquée à tous les niveaux. C’est pour cela que les veuves, dans la Bible, seront une catégorie protégée et que Dieu manifestait une tendresse particulière à leur égard. D’ailleurs, un verset d’un livre de la littérature de sagesse a cette expression si belle : « Les larmes de la veuve ne coulent-elles pas sur les joues de Dieu ? » (Si 35, 18) Mais voilà, ce fils qui lui assurait encore un peu de stabilité est mort, ont peut vraiment dire qu’elle a tout perdu. Comment Jésus pourrait-il passer à côté d’elle sans être saisi de compassion, on pourrait traduire littéralement, sans être pris aux trippes ?

Cette expression utilisée par Luc est l’une des expressions qui sert à parler de la miséricorde. Jésus est saisi de compassion. En cette année de la miséricorde, cet évangile nous donne à voir la miséricorde à l’œuvre. Et comment va-t-elle se manifester ? Je le disais, chez Jésus, les yeux sont reliés au cœur et le cœur aux mains. Il voit cette femme, il en est ému de compassion et du coup, il va toucher le cercueil. Jésus aurait très bien pu prononcer la phrase qui invite le jeune homme à se lever sans toucher le cercueil, mais il veut délibérément poser ce geste qui va rendre la vie à ce jeune homme. Vous savez, il y a des personnes qui sont très habiles de leurs mains et on dit qu’elles ont de l’or dans les mains. Vous leur donnez n’importe quoi, elles ont tout de suite une idée pour transformer cet objet que vous étiez prêt à jeter en une trouvaille absolument géniale. Eh bien, Jésus, lui, il n’a pas de l’or dans les mains, mais il a de la vie dans les mains : tout ce qu’il touche, il le rend vivant. Il touche ce cercueil et le jeune homme se redresse. Ce n’est pas de la magie, mais c’est que Jésus est habité par un amour tellement fort qu’il se transforme en puissance de vie communiqué à tous ceux qu’il rencontre et qui acceptent de se laisser toucher par lui. Vous entendez bien : tous ceux qui acceptent de se laisser toucher par Jésus, il leur communiquera son amour qui deviendra puissance de vie en eux.

Mes amis, nous sommes venus à cette messe, non pour accomplir notre devoir de chrétien, mais pour rencontrer Jésus. Ça signifie donc que si nous acceptons de nous laisser toucher par Jésus, il nous communiquera sa puissance de vie. Ça signifie que si nous lui présentons tout ce qui est mort en nous et que nous le supplions de le toucher, la vie peut repartir. Peut-être que certains constatent que, en eux, la prière est morte, ils ne prient plus ou machinalement ; qu’ils supplient Jésus de venir les toucher en ce lieu précis de la prière. D’autres peuvent se rendre compte que, peu à peu, leur amour pour leur conjoint est mort ou en train de mourir ; qu’ils supplient Jésus de venir les toucher en ce lieu précis de l’amour conjugal.

Chacun de nous est suffisamment conscient pour repérer ces lieux où la mort est en train de faire son œuvre en lui. En venant communier ou pour ceux qui ne peuvent communier, en venant recevoir la bénédiction, c’est Jésus lui-même que nous venons recevoir. Osons supplier Jésus, au cours de cette messe, pour que sa puissance de vie vienne toucher et transformer ces lieux en nous que notre médiocrité avait déjà offert à la mort. Venir à la messe, c’est toujours accueillir la puissance de vie de Jésus. Mais nous pouvons aussi nous trouver dans des situations où nous nous sommes tellement faits complices de la mort par notre péché qu’il sera nécessaire de faire une démarche supplémentaire. Nous devrons présenter au Seigneur notre péché qui nous enferme comme dans un cercueil en lui demandant que sa miséricorde vienne nous relever, c’est le sacrement du pardon, ce si beau sacrement, hélas trop délaissé par tant de chrétiens. Il existe encore une autre démarche que les participants au Week-end alpha sont en train de découvrir. C’est le recours à la prière des frères. Quand je sens un blocage en moi, j’ai l’humilité de demander à des frères de prier pour moi en leur confiant mes difficultés. Puisque je crois que Jésus habite vraiment le cœur de mes frères, à chaque fois que je me livre à cette prière des frères, c’est Jésus lui-même qui, à travers leur prière, vient me donner de vivre cette expérience étonnante : j’étais bloqué, enfermé, finalement comme dans un cercueil et voilà que je me redresse plus vivant que jamais. Quel dommage que Jésus ait une telle puissance de vie et que si peu de chrétiens y croient vraiment !