Homélie du dimanche 07/10/2018 : l’enfance évangélique a le pouvoir de faire habiter en nous le Fils et le Père, et aussi, de toute évidence, le Saint-Esprit.

Les textes de la liturgie de ce jour nous proposent de méditer sur le couple humain, tant dans la première lecture que dans l’Evangile. Ce choix nous autorise à considérer davantage le mystère de l’homme et de la femme qui, du reste, jalonne toute la Bible, depuis son commencement dans le livre de la Genèse jusqu’à son accomplissement dans l’Evangile.

Les textes susmentionnés nous déclinent l’idéal de relation homme-femme. Mais hélas depuis le temps de Moïse jusqu’à nos jours la réalité est tout autre. D’où les multiples interrogations que nous pourrions nous poser :

  • Que faire lorsque s’éteint la flamme de l’amour et qu’il ne reste plus que l’ennui pour vivre ensemble des jours devenus trop monotones ?
  • Que faire lorsque le cœur ne bat plus pour celui ou celle qu’on a cru aimer et dont la présence, au fil des jours, s’est transformée en un boulet que l’on traîne ?
  • Que faire lorsque la déception et l’amertume s’installent après une amère trahison ou une inacceptable aventure ?
  • Faut-il sauver les apparences et continuer de croire à un rêve impossible ou plutôt jeter l’éponge pour tenter de refaire sa vie ?

Chacun sait qu’on guérit difficilement des blessures du cœur, surtout lorsqu’on a beaucoup aimé.

  • Alors, à quoi bon forcer les sentiments si la source d’où jaillit l’amour est tarie
  • Pourquoi se sentir prisonniers d’un contrat qui ne répond plus aux aspirations du moment ?
  • Ne vaut-il pas mieux se séparer pour vivre en paix, pltôt que de rester en conflit permanent ?
  • La fidélité envers et contre tout ne risque-t-elle pas de se transformer en une implacable tyrannie ?
  • En définitive, n’est-il pas légitime et même conseillé, dans certains cas, de divorcer ou de « renvoyer sa femme » ?

Voilà de douloureuses questions dont la réponse, à première vue semble évidente. Et pourtant, lorsque Jésus est invité à se prononcer sur la pratique de la répudiation, sa réaction prend à contre-pied ses interlocuteurs, dont la position, consolidée par une pratique multiséculaire, semblait indiscutable.

A l’époque, rappelons-le, le divorce était admis dans la législation romaine et la répudiation autorisée par la loi juive (Dt 24, 1-4). Ce qui, par contre, semblait diviser l’opinion, c’était la raison de la séparation : fallait-il être rigoriste comme le préconisait l’école de Rabbi Shammaï et permettre le renvoi uniquement pour des motifs exceptionnels, ou plutôt laxiste à l’instar de Rabbi Hillel qui autorisait la répudiation pour des raisons parfois insignifiantes ?

Qu’en est-il de la nouveauté qu’apporte Jésus ?

A l’adresse de ses interlocuteurs qui lui tendent un piège, Jésus commence par établir une distinction significative : la répudiation, dit-il, n’est pas un commandement reçu de Dieu, mais une permission ou un moindre mal, « à cause de la dureté du cœur » de l’homme.

Dans une société où la femme était considérée comme une propriété de son mari, la délivrance d’un acte de répudiation était le seul acte juridique qui lui permettait de refaire sa vie. Une telle dispense ne saurait donc se substituer au dessein ou plan initial du Créateur.

« Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ».

Le Christ rappelle ensuite que dans le projet de Dieu, le mariage n’est pas un simple contrat soumis aux aléas des événements et aux caprices des contractants ; il est au contraire une alliance fondée sur la fidélité de Dieu. Ainsi, bien avant d’être un engagement mutuel entre deux personnes qui s’aiment, le mariage est une vocation, un appel qui vient de plus loin et qui conduit également plus loin. C’est Dieu qui donne les époux l’un à l’autre pour vivre une forme particulière d’amour, dont lui-même se fait le garant et le modèle (cf. Eph 5, 21-33). Un amour qui n’est pas brisé mais fortifié, sanctifié et rétabli par la Croix, comme nous le révèle la lettre aux hébreux que nous avons entendu en second lieu.

Si l’idéal du mariage indissoluble paraît irréalisable de nos jours, n’est-ce pas parce que nous occultons facilement une de ses dimensions essentielles qui est le don de soi, l’acceptation de la croix, gage de la fidélité et de la stabilité ?

La finale de l’Evangile, faisant allusion aux enfants que Jésus chérissait, contrairement aux disciples qui les écartaient, en dit assez long sur le sens et la qualité de notre accueil du prochain. Il nous arrive d’être tellement perdu dans nos calculs et considérations personnels que nous nous renfermons sur nous-mêmes et devenons ainsi prisonniers de nos commodités. Alors que Jésus nous invite ici à épouser le caractère d’enfant qui réside dans la capacité de voir les personnes et la vie avec des yeux renouvelés par la grâce de l’innocence, de l’ouverture et de la réceptivité. Ajouter à cela l’humilité, la simplicité de vie et la sincérité : l’enfance évangélique a le pouvoir de faire habiter en nous le Fils et le Père, et aussi, de toute évidence, le Saint-Esprit.