Homélie du dimanche 6 mai 2018 : une homélie qui parle de Neymar … ou de qui vous voulez pour nous aider à comprendre la force de l’évangile !

Si vous aimez le foot, imaginez que vous receviez une lettre de Neymar qui vous demande si vous accepteriez de devenir son ami. Il est bien possible que dans un premier temps vous penseriez à un canular ! Mais imaginez qu’après quelques recherches, vous découvriez que c’est bien vrai, c’est Neymar, en personne, qui vous demande si vous acceptez de devenir son ami. Evidemment, cette lettre, vous la montreriez à tout le monde et vous ne manqueriez pas d’insister en disant : Neymar le number one du foot, me choisit, moi, pour être son ami. Si le foot ne vous dit rien, vous pouvez imaginer la même scène avec un autre sportif dans une catégorie qui vous convient mieux ou une vedette du show busness que vous adorez ou avec l’homme politique pour lequel vous êtres prêt à tout … Bref cherchez le domaine qui vous fait frétiller et imaginez que le leader de ce domaine vous contacte pour vous faire cette demande : veux-tu être mon ami ? Si vous avez un brin d’humilité, évidemment, vous n’allez pas lui répondre en lui disant : tu as bien fait de me choisir pour être ton ami, car s’il y en a un qui pourra t’apporter toute satisfaction, c’est bien moi ! Non, vous allez plutôt lui dire : personnellement, je n’aurais jamais osé vous faire une telle demande, mais que ce soit vous qui fassiez la démarche de me demander à moi qui suis si insignifiant, les bras m’en tombent !

Eh bien aujourd’hui, dans l’Évangile, c’est bien cette même demande qui nous est adressée à chacune et à chacun : veux-tu devenir mon ami ? Sauf que cette demande ne nous est pas adressée par Neymar ou je ne sais quelle vedette, elle nous est adressée par Jésus. Oui, vous avez entendu, c’est Jésus qui nous le demande. Faut-il que je vous rappelle que Jésus est le Fils du Dieu tout-puissant qui a créé le ciel et la terre et tous les êtres vivants ainsi que toutes les plantes et qui les maintient dans l’existence par son amour sans faille. Alors, Jésus, c’est la classe infiniment supérieure à Neymar et à tous ceux qui vous fascinent ! Eh bien, Jésus vous demande, me demande : est-ce que tu veux être mon ami ? Si, avec une telle proposition émanant de Neymar, vous diriez : les bras m’en tombent … avec cette même proposition, mais venant de Jésus, si nous réalisions vraiment, c’est l’infarctus immédiat ! Comment le Fils du Dieu tout-puissant peut-il me demander à moi qui suis, finalement, si souvent de lui, si je veux devenir son ami ?

Avec ce que je viens de dire, le mieux serait que je m’arrête, au moins un instant, pour que chacun puisse essayer de réaliser ce que représente cette demande que Jésus lui adresse : veux-tu devenir mon ami ? Mais, c’est chez vous que je vous inviterai à prendre le temps de vous laisser stupéfier par le caractère si étonnant de cette demande de Jésus. J’ai déjà évoqué ce magnifique tableau du célèbre peintre, Le Caravage, qui représente l’appel de l’apôtre Matthieu par Jésus. Matthieu est assis à sa table de publicain pour mieux préciser à quel point il est peu fréquentable, peu fiable et on le voit, à l’appel de Jésus, pointer son doigt sur lui-même comme pour dire : tu es sûr ce que c’est moi que tu veux appeler comme apôtre ? Enfin, ce n’est pas sérieux, tu vois bien qui je suis, un publicain, c’est à dire tout à la fois un voleur et collaborateur ! Face à la demande de Jésus qui nous dit : veux-tu être mon ami, nous pourrions tous nous imaginer à la place de Matthieu dans le tableau du Caravage : moi, Seigneur, mais tu sais qui je suis ? C’est pas possible, tu dois te tromper !

Eh bien, non, Jésus ne se trompe pas, c’est bien à nous, à vous, à moi, qu’il dit dans l’évangile d’aujourd’hui : je ne vous appelle plus serviteurs, mais je vous appelle mes amis ? Et il précise bien : Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis ! Je m’excuse d’insister autant, mais si je le fais avec autant de force, c’est parce que j’ai peur qu’à force d’entendre ces paroles, nous ne mesurions plus leur caractère absolument inouï.

Si je reviens à ma comparaison du début avec Neymar ou toute autre vedette, il est bien probable que celui qui recevrait cette lettre contenant une telle demande irait faire le tour de son quartier pour la montrer à tout le monde et dire sa joie et sa fierté d’être demandé par Neymar, lui-même, comme ami. Comment se fait-il que nous n’ayons pas le même empressement à faire partager cette bonne nouvelle autrement plus importante que le Fils du Dieu tout-puissant, en personne, nous demande si nous acceptons de devenir ses amis ? Peut-être que l’explication se trouve dans le fait que nous ne croyons plus en la force de l’évangile. Ce sont de belles histoires qui nous sont lues dimanche après dimanche, de belles histoires du passé ! Peut-être qu’une autre explication se trouve dans le fait que notre foi s’est affadie et que ça se manifeste de plusieurs manières. Pour certains, Jésus est un homme extraordinaire, c’est vrai, mais un homme du passé qui ne peut donc pas nous rejoindre dans le présent. Ou encore, pour d’autres, Jésus, ce n’est qu’un homme extraordinaire et nous ne mesurons plus bien la portée des paroles que nous proclamons dans le Credo : il est Dieu, né de Dieu, lumière, né de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu, engendré non pas créé, de la même nature que le Père et par Lui, tout a été fait !

Si notre foi ne s’était pas affadie, je peux vous dire que nous aurions du mal à attendre la fin de la messe pour sortir et crier la Bonne Nouvelle : Jésus me demande comme ami. Si notre foi ne s’était pas affadie, nous courrions rejoindre tous les déprimés de la terre, tous ceux qui doutent d’eux, tous ceux qui ont l’impression de n’exister pour personne et nous leur dirions : Jésus m’a chargé de te dire qu’il aimerait vraiment te compter parmi ses amis. Et là encore, ils seraient nombreux ceux qui, comme Matthieu dans le tableau Du Caravage demanderaient avec une stupeur joyeuse et reconnaissante : moi ? Mais alors, s’il me demande à moi de devenir son ami, c’est que je ne suis pas nul, c’est qu’il croit en moi, alors tout va changer, ce jour va vraiment devenir le premier jour du reste de ma vie nouvelle !

Seulement voilà, notre foi est trop souvent affadie et nous ne mesurons pas la portée de la demande de Jésus. Nous n’osons pas croire qu’elle est pour chacun de nous aujourd’hui et que c’est une demande à répercuter largement. Et le plus triste, c’est que nous nous réfugions dans le rôle du serviteur, ce rôle que Jésus nous invite pourtant à quitter pour entrer dans la posture de l’ami. Nous vivons notre foi comme des serviteurs besogneux rouspétant si souvent contre tous ces devoirs de chrétiens qui nous semblent imposés par un maître intraitable qui ne cesse d’en rajouter.

Oh que l’Esprit-Saint nous donne aujourd’hui de mesurer le caractère inouï de cette demande que Jésus nous adresse et qu’il nous fasse bien percevoir qu’il nous l’adresse pour que sa joie soit en nous et que notre joie soit parfaite.

Père Roger Hébert