L1 : Is 63, 16 – 64,7 ; Ps : 80(79) ; L2 : 1 Co 1, 3-9 ; Evangile : 13, 33-37.
On pourrait parfaitement établir une analogie entre ce premier dimanche de l’Avent et le jour de l’An, puisque l’un et l’autre constituent respectivement le premier jour d’un cycle, l’un du cycle del’année liturgique, l’autre du cycle de l’Année civile.
L’Année Liturgique elle, commence avec le premier dimanche de l’Avent. Or, Avent signifie venue. L’Avent serait donc immédiatement lié à Noël, et c’est à elle qu’il se réfère dans son identité, même si ce premier jour ne coïncide pas avec la Nativité du Seigneur. Si, imperceptiblement et graduellement, le temps de l’Avent se réduit à l’attente du Sauveur, c’est que sa venue avait d’abord été promise, puis attendue au long de toute l’histoire de l’Ancien Israël. On comprend aussi que domine aujourd’hui le thème de vigilance, car le Seigneur entend que ce ne soient pas des hommes et des femmes endormis qui l’attendent.
C’est ce message de vigilance que le Seigneur nous porte dans l’évangile de ce jour à travers la parabole d’un homme parti en voyage après avoir assigné des tâches à ses serviteurs. Le délai du retour étant inconnu, ces serviteurs doivent être à l’état de veille pour ne pas rater le rendez-vous avec le retour du maître. Tentons de reconstituer les éléments de la parabole.
Un maître répartit des tâches aux membres du personnel de sa maison et leur recommande de veiller pendant qu’il s’absente. Cette absence signifie que le maître fait confiance à ses serviteurs, ce qui devrait éveiller leur sens de responsabilité et susciter leur confiance réciproque. Cette absence creuse aussi dans les serviteurs le désir du retour et en prépare la joie. Au total, l’absence en question peut être considérée comme une grâce concédée par le maître et reçue comme telle par les serviteurs.
Seulement, l’ignorance du délai du retour constitue un point obscur qui pourrait toutefois comporter l’avantage d’inciter les serviteurs à adopter l’attitude de vigilance conduisant à veiller. Il reste cependant difficile de donner un contenu précis au verbe veiller. Pour le portier, cela signifie
certainement ne pas dormir. Pour tous, cela devrait pouvoir signifier rester ardent sur le désir du retour du maître, comme est exprimé dans la première lecture de ce jour le désir de la venue de Dieu : ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais… Dans l’ardeur d’un tel désir, dormir est inconcevable !
Les éléments que nous venons de relever de cette parabole pourraient trouver plus de lumière à partir d’autres paraboles du Seigneur sur le même thème de vigilance. Et à ce propos, il serait opportun de nous replier sur les trois paraboles réparties par la liturgie sur les trois derniers dimanches : les
paraboles des dix vierges attendant l’époux, des talents distribués à des serviteurs, et du jugement dernier. Au niveau de ces trois paraboles matthéennes subsistent le thème de la vigilance et les éléments relevés plus haut dans la parabole d’aujourd’hui.
Au centre de l’attention, l’époux dans la première parabole, le maître des talents dans la suivante et le juge suprême dans le jugement dernier. Si l’époux et le maître sont attendus, c’est qu’ils sont absents et leur absence donne le champ libre aux dix vierges ou aux serviteurs pour qu’ils fassent
preuve de leur dynamisme. Le délai de l’arrivée, presque indifférent pour certains des serviteurs, devient capital pour les dix vierges, car il occasionne leur assoupissement et constitue une menace de sommeil pour les serviteurs de la parabole d’aujourd’hui. Mais ici, il faut noter que le sommeil n’est pas reproché aux dix vierges qui avaient effectivement dormi, mais c’est le manque de prévision des réserves d’huile qui leur est imputé, tandis que dans la parabole d’aujourd’hui, les serviteurs et surtout
le portier ne doivent pas dormir. Il se fait que veiller pour les dix vierges signifie être prévoyantes, pour les serviteurs aux talents, travailler à faire fructifier les talents, et pour ceux d’aujourd’hui ne pas dormir. Chacun a sa façon d’attendre le maître en accomplissant le devoir qui lui est propre.
Mais tous sont appelés à attendre, tous ont un compte à rendre de leurs activités, une récompense ou un châtiment à recevoir selon leur mérite ou démérite.
Après toutes ces considérations, je voudrais maintenant m’adresser à des gens absents d’ici et pour cause, aux gens qui n’espèrent rien et n’attendent personne, qui n’estiment pas devoir rendre compte à qui que ce soit, se prennent pour les maîtres absolus de leur existence et en excluent Dieu, le
Maître de tout. Entendant cela, pensez aux athées dans le style de Jean-Paul Sartre ou de Karl Marx, mais pensez aussi à ceux qui ne disent de Dieu ni qu’il existe, ni qu’il n’existe pas, et qui mènent leur vie comme si Dieu n’existait pas pour eux, occupés qu’ils sont à leurs affaires terrestres, ne voyant venir ni leur fin ni la fin du monde, ni l’imminence de l’arrivée du Maître méconnu et ignoré. Mais alors, quel ennui pour eux de se trouver à n’attendre qu’eux-mêmes, à n’attendre personne en dehors d’eux-mêmes. C’est le narcissisme d’un homme qui n’a que l’illusion comme vis-à-vis !
A vous qui êtes présents, que je dise un mot, à vous qui, dans l’effort et la tension, attendez le Maître et le reconnaissez tel, vous qui sentez le devoir de lui rendre des comptes. Heureux serez-vous quand l’époux viendra et vous fera entrer dans la salle de noce, quand le Maître vous dira : entre dans
la joie de ton maître, quand le juge déclarera : venez, les bénis de mon Père… et quand enfin, dans quelques jours, vos oreilles tinteront du chant des Anges : il est né le divin enfant… Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes et aux femmes…