Méditation 2 ème DIMANCHE DE L’AVENT B.

Première lecture : Is 40, 1-11 ; Psaume responsorial : 85(84)
Deuxième lecture : 2 P 3, 8-14 ; Evangile : Mc 1, 1-8.

Méditation

Un passage de la première lecture du dimanche dernier n’a certainement pas manqué de vous frapper. Oh ! Ce n’était pas une parole, mais un cri, le cri d’un désir : Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais… (Is 63, 19) ! Qui manquerait assez de cœur pour ne pas appréhender le mordant de ce
grand désir de Dieu ? L’homme a-t-il jamais conçu paroles plus fortes pour exprimer d’une part son sentiment d’être abandonné et d’autre part le désir d’avoir Dieu avec lui sur la terre des vivants ? Et Dieu, à son tour, pourrait-il avoir le cœur assez dur pour ne pas écouter l’homme qui pousse vers lui ce
cri de cœur : ah ! Si tu déchirais les cieux,… ?

Justement, ce Dieu, dans la première lecture de ce jour, entame une réponse à ce cri de l’homme : consolamini… Consolez, consolez, mon peuple… Ne vous sentez-vous pas frémir d’entendre ces paroles de tendresse ? Dieu a-t-il jamais adressé à son peuple des paroles plus
touchantes ? Si seulement le Seigneur avait frappé ce peuple rien que pour lui procurer une si douce consolation, il aurait encore valu la peine d’être frappé, un peu comme on le chante la Nuit de Pâque : heureuse faute qui nous valut un tel Rédempteur !

On pourrait en outre dresser une parfaite analogie entre ce Peuple qui crie vers Dieu et nous. L’analogie en question se baserait sur la situation du peuple en exil au pays de Babylone, sous le régime du dépaysement, du dénuement et de la nostalgie. La situation historique de ce peuple correspond étrangement à la nôtre globalement et actuellement.

N’est-ce pas que globalement, l’humanité se présente comme exilée sur la terre où elle peine sans être heureuse, lutte sans vaincre, raisonne sans convaincre, et désire sans obtenir satisfaction ?

N’est-ce pas qu’elle aspire à une demeure qui n’est pas encore sienne, où toute paix lui sera accordée, et toute joie ? C’est tout comme Israël en exil !
En outre, actuellement, la planète bleue ne se présente-t-elle pas comme étant dans un grand désarroi ? Pour bâtir le bonheur, nous avions lourdement misé sur la science, la technique et le cumul des biens matériels. De fait, la science nous fait faire de grands pas dans la connaissance, et la technologie dans le savoir-faire pour dominer le monde et alléger la misère de l’homme. Ce que nous appelons pudiquement l’économie nous a fait miroiter que le fruit du travail humain transformé en
biens matériel et en argent liquide est propre à assurer à l’homme le bonheur sur la terre. Nous nagions dans ces certitudes tranquilles quand la planète a commencé à se réchauffer, l’environnement à se rebeller et à échapper à notre contrôle. Et, comble de malheur, pointe le Corona Virus dont la science dit : « je ne le connais pas », et la médecine : « pour le moment, aucun remède en vue ». Et pendant ce temps, le virus en question multiplie des victimes parmi les hommes et, les réduisant tous au
confinement, fait s’écrouler l’économie. Et l’humanité de se rabattre sur un autre fantôme : le vaccin, qu’elle appelle à cor et à cri.

Ce qui me fait mal, c’est que j’entends le cri de l’humanité, et mieux, humain moi-même, je crie avec elle, mais c’est un cri anonyme et sans destinataire précis, à la différence d’Israël qui crie vers Yahvé son Dieu. Et toi, vers qui cries-tu aujourd’hui ? Je te connais, tu cries vers la science, la technique, tu cries pour que l’économie soit sauvée. Tu cries vers ces choses comme si elles n’avaient pas fait preuve de leurs limites et de leur incapacité à te sauver ! Tu cries et tu cries dans le vide. Et maintenant, voilà la bonne nouvelle pour toi, apportée par le fils de Zacharie. Lui aussi crie,
non pas dans le vide, mais dans le désert : préparez le chemin du Seigneur. Là, il indique un destinataire pour ton cri : le Seigneur, le Seigneur qui veut venir vers toi pour te sauver. Mais pour qu’il vienne, il faut que tu aplanisses sa route. Vraiment, Jean est un prophète, il se fait l’écho d’Isaïe dans la première lecture d’aujourd’hui : tout ravin sera comblé, toute montagne et toute vallée seront abaissées. Tu as donc du pain sur la planche. C’est un grand chantier qu’ouvre Jean-Baptiste, un chantier qui n’est pas de l’ordre du génie civil ou militaire, mais du génie spirituel, sous le patronage
de Jean, ingénieur du génie divin.

A quoi donc revient ce travail ? Rabaisser les montagnes, les montagnes de ton orgueil, de ta suffisance, autant de choses qui t’ont fait croire, comme on a fait dire à Néron : je suis maître de moi- même comme de l’univers. Cela n’a contribué qu’à te déporter vers l’idolâtrie dont la première forme
est le narcissisme, et la forme objective, la confiance illimitée dans la science, la technique, la médecine et l’économie. Nivelle donc ces montagnes et va à la rencontre de Dieu en reconnaissant ta petitesse, car il n’y a pas pire exil que d’être séparé de Dieu par la montagne de son orgueil et sa confiance dans des riens.

Et ces vallées à combler, que sont-elles ? Ce sont tes doutes sur toi-même, sur Dieu jusqu’à lui manquer de foi, tes perplexités sur la marche de ton histoire, tes incertitudes sur ton avenir, tes hésitations sur le bien à faire et le mal à éviter. Le chantier en question, c’est donc ton cœur, le chantier, c’est ta vie. Il s’agit que tu te convertisses. Et c’est à cela que t’invite le Baptiste dans le Jourdain, en proposant son baptême. Ce n’est pas par hasard que l’eau du Jourdain se jette dans la Mer Morte. Si tu acceptes le baptême, tes montagnes et tes vallées périront dans la Mer Morte.

C’est curieux que le Seigneur ne te demande pas de venir à lui, mais c’est lui qui vient à toi, et c’est pour cela qu’il déchire les cieux aujourd’hui et descend. Mais as-tu des yeux assez bons pour le voir ? Attention, il vient dans le petit enfant de Bethlehem !