Homélie quatrième dimanche de l’Avent B.

Première lecture : 2 S 7, 1-16 ; Psaume responsorial : 89(88)
Deuxième lecture : Rm 16, 25-27 ; Evangile : Lc 1, 26-38).

Les grandes figures marquant la période de l’attente du Messie appartiennent à l’Ancien Testament. Mais à la plénitude des temps (Ga 4, 4), parmi les noms qui vont s’imposer, l’un des plus décisifs, c’est Joseph, visage charnière assurant le passage entre l’Ancien et le Nouveau Testament, et la connexion entre David et Jésus. Même si l’Evangile proposé aujourd’hui l’occulte notoirement sous la prestance du oui de Marie, il n’est pourtant pas difficile de faire reluire la figure de Joseph en partant du même texte. En pensant au rôle incontournable et paradigmatique joué par Joseph dans l’histoire du salut, en tenant aussi compte de la remise en valeur de sa figure à travers la toute récente Lettre Apostolique du Pape François, je me propose de mettre en relief la figure de joseph, sans pour autant porter ombrage à la resplendissante figure de Marie son Epouse. N’est-ce d’ailleurs pas vrai que tous les deux sont appelés à collaborer avec Dieu pour faire advenir le Messie, chacun selon son charisme, Marie comme Mère et Joseph comme Père ? C’est justement la paternité de Joseph qui va maintenant retenir notre attention.

Joseph se trouve indirectement mais clairement impliqué dans la deuxième lecture de ce jour lorsque Paul développe la notion de Mystère comme un plan resté caché à l’homme qui ne peut y accéder que si Dieu le lui révèle ou le réalise. Or, le mystère, le plan caché, c’est le salut de l’homme.
De plus, le salut en question, Dieu veut en faire une œuvre conjointe entre lui-même, Dieu, et l’homme, dans le déroulement d’une histoire humaine. Et c’est pour la réalisation de cette œuvre, de ce mystère, que Dieu décide de choisir des hommes pour collaborer avec lui.

Pour commencer par la fin, disons que le Mystère en question est déjà réalisé dans la vie, l’œuvre, les Paroles, la Mort et la Résurrection du Christ, en sorte que la carrière terrestre de Jésus revient à la réalisation de tout ce qui était contenu dans les Saintes Ecritures comme dispositions préalables. Celles-ci autorisent à aller lire en amont l’histoire de Jésus, et c’est dans cette lecture que nous interceptons, entre autres, la figure de Joseph comme un membre éminent de l’ascendance du Messie où, en queue de liste, il joue le rôle incontournable de père de Jésus.

L’Evangile d’aujourd’hui appelle Jésus successivement “Fils du Très-Haut” et “Fils de David”. Comment justifier ce dernier titre ? Eh bien, il se justifie simplement par le fait que Joseph, le père de Jésus, est descendant de David selon les généalogies dressées par les Evangélistes Matthieu et
Luc. Mais en réalité, Joseph ne se contente pas de relier en amont Jésus à David, mais il adopte fièrement la position de père de Jésus, et Jésus à son tour, celle de fils de Joseph (cf. Mt 1, 16 ; 13, 55). On le sait en outre, l’enfant ne choisit pas son père, au père l’enfant est donné. C’est dire que ce qui se passe là entre Jésus, Joseph et David relève d’une décision souveraine du Père céleste, et la décision en question, vise à réaliser le mystère dont nous avons parlé et qui constitue Joseph père de Jésus.

Par la paternité de Joseph, Dieu achève de donner à l’Incarnation de son Fils tout le sérieux requis pour que Jésus soit un vrai homme. De fait, comme vrai homme, le Fils de Dieu devra nécessairement naître d’une mère et d’un père, et ce profil essentiel lui est garanti par Marie sa mère et
Joseph son père.

On ne dit pas assez que c’est d’un grand privilège qu’hérite Joseph lorsqu’il reçoit de Dieu d’être père de Jésus sur la terre, comme lui, Dieu, est son Père dans le Ciel. Il s’agit d’un style de paternité unique, car autant la maternité de Marie, unique elle aussi, n’a pas de représentation explicite
au Ciel, autant la paternité de Joseph en a, puisque sa paternité terrestre est l’ombre, au sens platonicien du terme, de la paternité divine sur Jésus.
Pour que Joseph rende ce service paternel, Dieu le dote encore d’un autre privilège, il le charge de donner un nom à l’enfant. C’est ainsi d’ailleurs que dans le Jardin d’Eden, Adam avait assumé une certaine domination sur les bestiaux, les oiseaux du ciel et toutes les bêtes sauvages en leur donnant un nom (cf. Gn 2, 20). Ainsi Joseph participe-t-il à la paternité de Dieu en donnant à Jésus son nom. Mais, ce qui renforce le privilège de Joseph, c’est la signification du nom en question : le Seigneur sauve. De fait, pour les anciens, le nom exprime le rôle d’un homme dans l’univers. Les
Latins ne disent-ils pas en effet : nomen omen, c’est-à-dire que le nom est un présage. En donnant ce nom-présage, c’est que Dieu, en entente avec Joseph et en vertu de leur commune paternité, détermine le destin de l’Enfant et l’oriente vers la mission de Sauveur.

Pour qu’il puisse accomplir infailliblement sa mission, Dieu dote Joseph d’un autre privilège, celui de lui parler en songe. Dans la civilisation antique, le songe est un moyen pour communiquer avec le monde surnaturel, et Dieu y recourt à trois reprises avec Joseph pour faire connaître sa volonté
(cf. Mt 1, 20; 2, 13.19.22). Mais pour Joseph, le plus intéressant, ce n’est pas d’avoir des révélations par des songes, mais de les mettre en pratique sans retard, avec dynamisme et esprit de responsabilité, comme en témoigne l’Evangile : une fois réveillé, Joseph fit comme l’Ange du Seigneur lui avait prescrit… (Mt 1, 24).

Que Saint Joseph nous obtienne de comprendre que l’autorité humaine s’exerce dans l’obéissance à Dieu.