Homélie troisième dimanche de l’Avent

Première lecture : Is 61, 1-11 ; Psaume responsorial : Lc 1 – Is 61
Deuxième lecture : 1 Th 5, 16-24 ; Evangile : Jn 1, 6…28.

 

La tradition liturgique attribue à ce troisième dimanche de l’Avent le nom de Gaudete qui, en latin, signifie réjouissez-vous, et le choix des lectures s’effectue autour du thème de la joie. Au fait, c’est très graduellement que nous sommes conduits à ce thème. En effet, dès le premier dimanche de
l’Avent, la première lecture nous fait entendre le cri qu’Israël, adresse à son Dieu dans son exil : Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais (Is 63, 19) ! Ensuite, la première lecture du deuxième dimanche laisse entendre que ce cri est entendu et que Dieu s’approche de son peuple affligé avec des
paroles de grande tendresse : consolez, consolez, mon peuple… (Is 40,1).

Enfin, la première lecture de ce jour constate que la joie est là, avec le don de l’Esprit de Dieu, au point que le bénéficiaire s’écrie : je tressaille de joie dans le Seigneur. Ne voyez-vous pas, frères et sœurs, que ce cheminement spirituel en trois semaines reproduit le schéma de notre vie qui souvent oscille entre le cri de détresse et l’exultation de joie en passant par la recherche de l’assistance divine ? Notre vie est une quête de joie permanente, c’est pourquoi il importe de bien cerner le profil de la joie en question pour ne pas s’en donner de fausses et s’enliser  dans la tristesse.

La joie. Pour paraphraser Aristote à propos du bonheur, on peut dire que tout le monde est en recherche de joie comme une ambiance de satiété et de satisfaction où nous ne ressentons aucune morsure du manque, où aucun élément extérieur ou intérieur ne vient provoquer en nous douleur, peine, tristesse, contrariété ou insatisfaction. Mais là où les hommes divergent, comme à propos du bonheur, c’est sur comment rencontrer la joie.

Lorsqu’on se trouve devant les éléments du créé déployés avec grande force, lorsqu’on prend acte de leur efficacité à combler certains de nos désirs et à nous apporter de la joie, il devient naturel de chercher celle-ci en ceux-là. Ainsi Dieu apparaît-il comme celui qui bénit l’homme en lui accordant des richesses matérielles, comme il en avait comblé Abraham (cf. Gn 13, 2) et Jacob (cf. Gn 32, 5-6).

Mais Israël accomplira un pas de géant dans sa spiritualité quand il comprendra que la joie n’est pas liée à l’avoir et qu’elle résulte des diverses formes de bénédictions que Dieu accorde sur promesse à celui qui garde son Alliance. Dans ce cas, le bénéficiaire de la joie, c’est plutôt le pauvre qui se soumet à la Loi de Dieu, et non l’arrogant nanti de richesses.

Jésus même semble entrer dans cette sagesse d’Israël lorsque, liant l’observance des commandements à la joie, il recommande à ses disciples : gardez mes commandements… pour que votre joie soit complète (Jn 15, 10-11). En outre, Jésus s’impose comme le plus parfait observateur de son propre enseignement, car il dit avoir la joie parce qu’il a gardé les commandements de son Père (Jn 15, 10). Or, Jésus atteint l’extrême dans l’observance des commandements de son Père, car il lui obéit jusqu’à mourir sur une croix. C’est dans ce contexte que lui est donnée en récompense la plus grande joie de sa carrière terrestre, celle de la victoire définitive sur la mort et de l’épanouissement de la vie éternelle. Par cet exemple, Jésus nous montre que la joie est d’essence pascale.

Or, après en avoir été ainsi comblé, Jésus à son tour, investit ses disciples de la joie de l’Esprit qu’il leur envoie à la Pentecôte. Ce jour-là, des témoins mal avisés prennent la joie de l’Esprit pour celle que donne le vin doux (cf. Ac 2, 13). Or, le don de l’Esprit de Pâque et de Pentecôte constitue le comble de la joie de l’Eglise et explique la joie qui caractérise les martyrs allant au supplice avec une fierté bouleversante pour les bourreaux et les païens. La même joie s’imprime sur les beaux pas des missionnaires qui, dans le dénuement et le péril de leur vie, annoncent la Bonne Nouvelle du salut (Is 52, 7).

Ce caractère pascal de la joie apparaît clairement dans les lectures de ce jour. Le prophète qui clame dans la première lecture : je tressaille de joie dans le Seigneur est une personne qui vient d’arriver de l’exil à Babylone et qui se trouve dans une Jérusalem de pauvres, de cœurs brisés, de récents prisonniers, une Jérusalem abritant les ruines d’un temple profané.

Pareillement, les Thessaloniciens à qui Paul dit dans la deuxième lecture : soyez toujours dans la joie… rendez grâces en toute circonstance, constituent une communauté qui vient d’accueillir l’Evangile des lèvres de l’Apôtre et qui expérimente les premières persécutions de la part des païens et des proches. Enfin dans l’Evangile, l’ambiance est à l’attente angoissée du Messie. Est-ce Jean ? Celui-ci le nie, mais l’angoisse ne prévaudra pas, car le même Jean annonce celui que vous ne connaissez pas et dont la
présence apportera toute joie.

Et si c’est Marie qui nous vaut la joie de la présence du Messie, comment ne pas nous arrêter pour contempler la joie de celle qui, d’une certaine manière, est l’auteur de notre joie dans sa transparente pauvreté, dans sa disponibilité sans détour et dans le chant de son Magnificat où elle,exalte son humilité de servante et la fidélité de Dieu à ses promesses. N’est-ce pas que sa joie résulte de son oui à l’Ange à l’Annonciation ? Un oui à l’Alliance avec Dieu.

Et si l’autre dit que la seule tristesse, c’est de n’être pas des saints, il faut le soutenir en affirmant que la seule tristesse, c’est d’être pécheur en disant non à l’Alliance de Dieu. Or, le caractère immaculé de Marie la dispose à une joie sans mélange à cause de son oui sans feinte.

Jésus, que ma joie demeure !