Pâques : Dimanche de la Divine Miséricorde

 

 

Les signes de la communauté des croyants.

A partir de ce dimanche et pendant tout le temps pascal, les textes de la première lecture sont centrés sur la Communauté de Jérusalem, réunie autour des Douze pour annoncer la bouleversante nouvelle de la victoire du Christ sur la mort. Dans le tout premier verset du passage des Actes des Apôtres proposé en ce dimanche (Ac 2, 42-47), saint Luc décrit, dans un langage quelque peu idéalisé, les caractéristiques principales de la première communauté.

Quatre caractéristiques sont soulignées par le texte : l’enseignement des apôtres, la communion, la fraction du pain et la prière.

L’enseignement (didachè). C’est la première référence de la communauté des croyants. Autour des Douze se réunissent les disciples pour approfondir leur foi en écoutant le témoignage et les instructions de ceux qui ont eu le privilège de vivre avec le Christ. A la lumière de la résurrection, ils interprètent les Ecritures en montrant comment elles s’accomplissent en Jésus.

La communion (koinonia). Celle-ci désigne la mise en commun des biens matériels en vue de venir en aide aux plus pauvres. Notons, à ce sujet, que les disciples ne renonçaient pas à leurs biens pour devenir plus pauvres, mais plutôt pour qu’il n’y ait plus de pauvres parmi eux.

La fraction du pain. Elle était le moment central de la vie communautaire. Réunis dans la foi, le premier jour de la semaine, ils refaisaient les gestes accomplis par le Christ au cours du dernier repas et puisaient dans le “mémorial de la Pâques” l’énergie nécessaire pour témoigner du ressuscité.

La prière. Elle avait également un caractère communautaire et s’inspirait du rituel juif.

Les quatre signes auxquels se reconnaissait la première communauté des fidèles sont encore valables aujourd’hui. Le monde nous reconnaîtra comme disciples du ressuscité si nous sommes fidèles à l’enseignement reçu des apôtres, à la charité fraternelle, à F Eucharistie et à la prière.

Le signe de la miséricorde

Un dernier signe du ressuscité mis en évidence par la liturgie de ce dimanche est celui de la miséricorde. Depuis l’an 2000, le Pape Jean Paul II, a demandé à l’Eglise entière de célébrer en ce deuxième dimanche de Pâques la fête de la miséricorde divine. C’était lors de la canonisation de Sœur Faustina (il y a 20 ans).

 

OCTAVE DE PAQUE 2020 A

 

Première Lecture : Ac 2, 42-47

Psaume : 117 (118)

Deuxième Lecture : 1 P 1, 3-9

Évangile : Jn 20, 19-31

 

 Recevez l’Esprit Saint… remettez les péchés

 

Lorsque d’une part, on considère comment, levant les bras de la victoire, un champion est acclamé par la foule des supporters dans un stade super bondé ; lorsqu’on imagine comment, même en privé, le même champion est reçu quand il apparaît dans un cercle d’amis ; lorsqu’on croit d’autre part que Jésus Ressuscité vient de remporter la plus grande victoire sous tous les cieux et de tous les temps, la victoire sur la Mort, il faut conclure qu’il est bien pauvre l’accueil qui lui est réservé par les disciples au soir de Pâque, tel que nous le rapporte Jean dans l’Évangile de ce jour. Ce qui étonne encore plus, c’est la complicité du Christ même à la médiocrité de cet accueil, Lui qui, au lieu d’apparaître en entonnant un chant de triomphe, fait tout se dérouler dans la discrétion et dans la paix. D’ailleurs, le mot de paix est le premier qu’il prononce : paix à vous. Les autres gestes et paroles ne semblent même pas tenir la route dans le contexte d’un tel triomphe : il souffla sur eux et il leur dit : ‘’recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis’’

Jésus n’aurait-il pas accroché davantage s’il s’était mis à raconter les péripéties du duel qui l’avait opposé à la Mort ? Que vient chercher d’ailleurs la rémission des péchés dans cette affaire ?

 

Mon propos, c’est de me pencher avec vous sur ce geste et ces paroles du Ressuscité pour en explorer la profondeur et la pertinence pour notre vie de foi.

 

 Le geste : Il souffla sur eux 

Que peut bien vouloir dire ce geste ? Il me fait penser à un geste des origines rapporté par le Livre de la Genèse : alors Yahvé Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant (Gn 2, 7). Que ce parallèle soit audacieux, il faut convenir. En effet, Jésus se trouve devant des hommes vivants, et c’est plutôt lui qui, dans les faits, les têtes et les cœurs, dégage l’odeur de la mort ! En aucun cas, il ne les crée, puisqu’ils existent déjà comme des vivants. Mais quand des hommes s’enferment par peur, ne sont-ils pas plus morts que vifs ? 

Si l’on veut prêter à Jésus le mérite de les faire vivre, il faut d’abord savoir s’il détient le pouvoir créateur. Pour s’en convaincre, il suffit d’évaluer le rôle du Verbe de Dieu dans la première création. En la commentant, le Psalmiste dit : par la Parole de Yahvé, les cieux ont été faits et par le souffle de sa bouche, toute leur armée (Ps 32(33), 6). Or, Jésus est le Verbe par lequel Dieu crée tout, et c’est en vertu de ce pouvoir Créateur déjà manifesté dans la première création qu’il veut maintenant faire renaître ses Apôtres en les guérissant de la peur. De même que Dieu crée Adam comme une chair vivante par son souffle de vie, de même Jésus, en soufflant sur ses disciples, les engendre à une vie nouvelle, leur conférant un pouvoir nouveau. Jésus reprend donc le geste créateur du Père, non plus pour multiplier sur la terre des fils d’Adam, mais pour prendre la tête d’une nouvelle création régénérée par son Mystère Pascal. C’est cette nouvelle humanité qui naît de ce souffle projeté sur les Apôtres. Ce geste Créateur se trouve accompagné d’une parole. 

 

 Parole : Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis

Logiquement, on s’attendrait à ce que le pouvoir que les Apôtres héritent de Jésus soit aussi un pouvoir créateur ou du moins co-créateur, un pouvoir qui ait trait à la génération de vie et même à une vie si forte qu’elle domine la mort. C’est un tel pouvoir qu’on attendrait d’un Jésus Ressuscité, et quand il se met à donner à ses disciples (seulement) le pouvoir de remettre les péchés aux hommes, on se demande si Jésus confère vraiment le bon pouvoir. D’ailleurs ce pouvoir laisse entendre que les hommes continuent d’être pécheurs et que Jésus a pratiquement échoué à enlever leurs péchés, Lui, l’Agneau de Dieu

Que le pouvoir de remettre les péchés aux hommes soit le vrai et le bon, cela se comprend quand on évalue les dégâts du péché. À l’origine, le péché amène Adam à se désolidariser d’Eve, et celui qui avait clamé l’instant d’avant : c’est l’os de mes os et la chair ma chair… la femme, déclare maintenant : c’est la femme que tu as mise auprès de moi qui m’a donné de l’arbre, et j’ai mangé. (Gn 3, 12). Désavouée, Ève à son tour accuse le serpent : c’est le serpent qui m’a séduite, et j’ai mangé (Gn 3, 13) et la sanction divine frappe le sol à cause de l’homme (cf. Gn 3, 17). De l’homme à la femme, de l’homme au monde, l’harmonie se rompt, et la création que l’homme est appelé à dominer (cf. Gn 1, 28) devient résistante et rebelle (cf. Gn 3, 17-19). L’un des plus terribles méfaits du péché, c’est d’entraîner avec lui, comme prevu, la Mort (cf. Gn 2, 17). Si la Mort est un arbre qui pousse sur les racines du péché, ce sont ces racines qu’il faut couper pour tuer la Mort. C’est là qu’on comprend que la Victoire de Jésus sur la Mort, c’est-à-dire sa Résurrection, passe par la victoire sur le péché et, en donnant à ses Apôtres le pouvoir de pardonner les péchés, il les oriente immédiatement vers la victoire sur la Mort et vers le triomphe de la vie, tant il est vrai que mort et péché sont tout uns. Avec le pouvoir de remettre les péchés, Jésus se trouve donc à communiquer à ses disciples son pouvoir de Résurrection et de Ressuscité. Tout ceci se déroule dans une salle fermée où dominent la désillusion et la peur panique. 

 

N’est-on pas en droit d’imaginer que cette salle où s’enferment les disciples par peur des Juifs est aussi notre monde d’aujourd’hui ? Ne me dites pas que notre monde est vaste et ne comporte ni murailles ni portes ! Très récemment, le Président d’un pays qui s’identifie à une grande Puissance mondiale n’a -t-il pas réclamé à cor et à cris des fonds pour ériger des murailles le long de ses frontières avec un voisin ? Combien de pays n’ont pas pensé ou même procédé à la fermeture de leurs frontières dès qu’a éclaté la pandémie de Covid-19 ? Et que dire des murs de vos maisons, que dire de leurs portes qui ne sont que des reflets des murs que vous élevez dans vos cœurs et des portes qui les ferment pour les rendre insensibles et inaccessibles aux cris de détresses du prochain et à ses appels ? Ah, parlez-moi du vaste monde d’aujourd’hui ! Cette immense salle où règne la pandémie de la peur, non pas des Juifs, mais de la mort !

 

Si en rien nous ne cédons aux disciples du Christ, en rien non plus nous ne nous trouvons privés du divin secours qui leur tombe du Ciel : Jésus Ressuscité leur apparaît et leur dit :  paix à vous. Cette paix adviendra effectivement si nous accueillons le souffle que projette sur nous le Ressuscité, si nous entrons dans le repentir qui nous obtiendra le pardon des péchés. C’est à cette seule condition que toute forme de murailles tombera et que toute forme de Mort sera vaincue.

Qu’il en soit ainsi, pour nous et notre monde, aujourd’hui et demain ! ALLELUIA !