Le Christ ressuscité nous invite à pêcher et à manger avec Lui.
Avant-propos :
Pour expliquer le récit de l’Evangile d’aujourd’hui, j’utilise l’Anneau du Pêcheur. Depuis le premier millénaire chrétien, l’anneau a été l’insigne propre de l’évêque. L’Anneau qui est donné au Pape le jour du début de son ministère pétrinien, est appelé l’Anneau du Pêcheur qui a l’image-sceau de saint Pierre et de sa barque avec un filet. Cet anneau a la signification particulière de l’Anneau qui authentifie la foi et signifie le devoir confié à Pierre de confirmer ses frères (cf. Lc 22,32). On l’appelle l’Anneau du Pêcheur parce que Pierre est l’Apôtre-pêcheur (cf. Mt 4, 18-19 ; Mc 1, 16-17) qui, ayant eu foi en la parole de Jésus (cf. Lc 5, 5), a tiré du bateau les filets de la pêche miraculeuse sur terre (cf. Jn 21, 3-14).
La mission du Christ devient celle de son Vicaire et aussi la nôtre qui reconnaissons filialement au Pape la primauté de l’amour : tirer nos frères et sœurs de la mort. L’aspect institutionnel de l’Eglise, représentée par Pierre, est fondé sur l’amour et le pardon accepté et accordé. L’aspect charismatique, représenté par le disciple bien-aimé, est l’âme et la mesure de chaque institution : c’est l’amour qui vit pour toujours. Tout le reste est « fonctionnel » : à accepter ou à rejeter selon qu’il sert ou non à aimer. L’Église a pour principe et fin la liberté d’aimer.
La messe « en communion avec le Pape est un mémorial de l’immense amour de ton Fils, que toute la famille humaine, par l’action missionnaire de l’Église, goûte le fruit de la rédemption » (Oraison sur les offrandes, Messe au début du Pontificat).
Ce qui vaut pour la première communauté chrétienne réunie autour de Jésus et appelée par lui à témoigner de la miséricorde de Dieu en apportant la conversion et le pardon à « toutes les nations », est valable pour l’Église actuelle. Aujourd’hui encore, la vocation de l’Église est de faire resplendir dans le monde le visage miséricordieux de Dieu, d’apporter la paix du Christ ressuscité à une humanité qui n’est jamais répudiée, mais assumée avec toutes ses blessures et ressuscitée par la joie du pardon.
1) Le Christ ressuscité est toujours présent parmi les siens.
Il y a trois dimanches, à Pâques, le premier de tous les dimanches, nous avons fêté la victoire du Verbe de Vie qui est lumière. Cette lumière a vaincu les ténèbres et c’est le début d’une vie qui n’est pas soumise à l’usure du temps parce qu’elle est transposée dans la jeunesse éternelle de Dieu.
Nous avons célébré la victoire de l’Amour qui est plus fort que la mort et que le péché qui fait entrer dans le monde, la mort et ses ténèbres.
Dimanche dernier, le 2ème dimanche de Pâques, les récits évangéliques nous ont rappelé la tendresse de Jésus envers Thomas, son disciple passionné mais absent lors de la première apparition du Ressuscité au cénacle. Devant la présence concrète du Rédempteur, cet apôtre a reconnu le Christ, et a prononcé les paroles les plus belles et les plus splendides de la foi chrétienne : « Mon Seigneur, Mon Dieu ». Jésus regarda Thomas avec ses yeux pleins de miséricorde. Ensuite, avec un regard de sérénité et de confiance qui donne courage et audace, qui dégage passion et force irrésistible, il invita tous les Apôtres à aller jusqu’aux frontières extrêmes de la terre pour annoncer l’Evangile : la nouvelle la plus belle et la meilleure dont l’homme de tous les temps et de tous les lieux a besoin absolu.
En ce troisième dimanche de Pâques, Jésus manifeste sa propre présence à certains Apôtres pour les confirmer dans la vocation d’être embarqués dans et par l’amour infini, miséricordieux et fidèle, comme les poissons « embarqués » du fait de cette pêche extraordinaire, dont l’évangile d’aujourd’hui nous parle. Ce n’est pas seulement une apparition pour les confirmer dans la certitude de sa résurrection, mais c’est aussi une reprise de la mission d’être des pêcheurs d’hommes. A travers les apparitions, Jésus manifeste une présence sainte et fidèle. Aujourd’hui, comme avant, il nous invite à rester avec lui, sur le rivage du lac (cf. Jn 21,4).
Par sa présence, il démontre que l’Amour donné gagne sur la mort pour lui-même et pour ses amis, Judas compris. N’oublions pas que, lorsque Judas est allé trahir le Christ, celui-ci fut appelé par Jésus « Ami ». Comment ne pas penser que cette parole n’ait pas transpercé en bien le cœur du traitre ? Peut-être qu’au dernier moment, en se souvenant de cette parole et du baiser accepté par Jésus, ce même Judas a perçu que Jésus l’aimait encore et qu’il le recevait avec les siens dans l’au-delà.
Lors de la dernière cène, Jésus dit à tous les Apôtres : « je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis » (Jn 15,15). Jésus nous fait aussi ce don de nous appeler « amis ». Nous sommes réellement ses amis. Jésus nous parle d’ami à amis et nous demande de nous aimer les uns les autres, présentant son amour comme la source, le modèle et la mesure de notre amour fraternel partagé (cf. Jn 15,12). En bref, nous pouvons dire que le Ressuscité invite ses Apôtres et, aujourd’hui, nous aussi, à rester avec lui. Il faut rester avec lui, greffés à lui comme les sarments à la vigne pour avoir sa Vie, « il faut rester avec Jésus pour pouvoir rester avec les autres » (Benoît XVI, à la Fraternité sacerdotale Saint-Charles Borromée le 13 février 2011).
Le Pape François complète cet enseignement en invitant à choisir de faire confiance à Jésus. Pierre lui dit : « D’accord: sur ta parole, je vais jeter les filets ». « Attention ! – explique le Pape François – Pierre ne dit pas : sur mes forces, sur mes calculs, sur mon expérience de pêcheur expert, mais « sur ta parole », sur la parole de Jésus ! Et le résultat est une pêche incroyable ». Le Pape ajoute : « Il faut avoir confiance en Jésus. Et quand je dis cela, (…) Je ne viens pas ici pour vous vendre une illusion. Je viens ici pour dire : il y a une Personne qui peut te porter en avant : fais-Lui confiance ! C’est Jésus ! Faites confiance à Jésus ! Et Jésus n’est pas une illusion ! » (à Cagliari, le 22 septembre 2017).
En restant avec lui, nous partageons l’Amour qui dure toujours et pour tout le monde.
2) Le pouvoir qui naît de le l’amour : m’aimes-tu?je t’aime bien…fais paître mes agneaux.
Après le repas où les Apôtres ont mangé le pain offert par le Ressuscité et le poisson grillé résultant de la pêche exceptionnelle, commence le dialogue entre Jésus et Pierre. Jésus lui rappelle sa trahison, sa défection. Il a suffi qu’une servante pose des questions pour que Pierre s’écroule et se ridiculise. Pour Pierre, ce souvenir est douloureux. Mais Jésus ne lui demande aucune explication, aucune excuse. Il lui demande uniquement s’il l’aime. Que son nouveau Pontife soit fort et cohérent n’intéresse pas Jésus. Ce qui l’intéresse, c’est de savoir s’il l’aime et s’il désire encore le suivre. Celui qui sera l’Evêque de Rome, qui préside la charité, reçoit sa charge par un « examen » sur la charité. A Pierre qui lui offrait sa douleur, le Christ donne la confirmation de son amour. Le chemin de la sainteté ne consiste pas en n’avoir jamais trahi, mais consiste en le renouvellement de notre amitié pour le Christ, chaque jour.
Dans le récit évangélique d’aujourd’hui, les trois questions de Jésus sont toujours différentes, parce que Jésus s’adapte aux réponses de Pierre.
– A la 1ère question : « M’aimes-tu (en grec agapas me da agapào) plus que tous? », Pierre répond, mais en éludant les termes précis de Jésus : en fait, Jésus utilise un verbe rare, celui de l’agape, le verbe sublime de l’amour absolu, de l’amour d’oblation. Par contre, Pierre répond avec un verbe humble, quotidien, celui de l’amitié et de l’affection (en grec filèo) : je t’aime bien (filo se). Il ne compare pas avec les autres.
– Voici la 2ème question : Simon, fils de Jean, m’aimes-tu? (agapàs me)? Jésus comprend la difficulté de Pierre et en demande moins : non plus la comparaison avec les autres mais il conserve la demande de l’amour absolu (agàpe). Pierre répond encore oui, mais il le fait comme s’il n’avait pas bien compris, utilisant encore son verbe (filèo), plus sécurisant, humain, le nôtre : je suis ton ami, tu le sais, je t’aime bien. Il n’ose pas parler d’amour, il s’agrippe à l’amitié, à l’affection.
– A la 3ème question, Jésus change de verbe, il baisse l’exigence à laquelle Pierre n’arrive pas à répondre. Il se rapproche de son cœur incertain, il en accepte les limites et adopte son verbe : Pierre, m’aimes-tu bien? (fileìs me de fileo)? Il lui demande l’affection, si c’est trop de demander l’amour ; il lui demande au moins l’amitié, si l’amour fait peur; il demande simplement un peu de bien.
Jésus démontre son amour en baissant par trois fois les exigences de l’amour, en adaptant son pas sur le pas plus lent du disciple, comme sur la route vers Emmaüs. Enfin, Jésus accepte que Pierre l’aime comme Pierre pense qu’il est possible pour lui de l’aimer. Comme Il sait que Pierre l’aime réellement et totalement, Jésus lui confie « la primauté de l’amour pour faire paître l’Eglise », il lui met sur ses épaules le pouvoir qui vient de la charité (agàpe).
Pierre, qui a su reconnaître sa propre pauvreté et recevoir l’amour du Christ, pourra servir, faire paître ses frères, pauvres, nécessiteux d’amour et de vérité. Pierre est prêt: Il pourra aider ses frères pauvres, maintenant qu’il a accepté sa pauvreté. Il a mendié l’amour du Seigneur qui l’invite à le suivre, toujours.
Même les vierges consacrées « imitent » ce dialogue lors de l’appel de l’Evêque pendant le rite de consécration : (n°14 du rituel de consécration) L’Evêque s’adresse à la candidate en disant : « Le Seigneur vous appelle à le suivre (avancez à sa rencontre) ».
La candidate répond : « Me voici, Seigneur puisque tu m’as appelée » ou encore « me voici pour m’attacher au Seigneur sans partage ».
- Et nous?
A Pierre, et à chacun de nous, Jésus adresse la parole finale de l’Evangile romain d’aujourd’hui : « suis-moi ». Nous suivons le Christ derrière Pierre, en n’oubliant pas un fait significatif : Jésus-Christ apparaît en premier lieu aux femmes, ses fidèles « suiveuses » et non aux disciples qu’il avait choisis comme porteurs de son Evangile dans le monde.
Il confie avant tout aux femmes le mystère de sa résurrection, les rendant premiers témoins de cette vérité. Peut-être veut-il récompenser leur délicatesse, leur sensibilité à son message, leur force qui les avait portées jusqu’ au Calvaire. Peut-être veut-il manifester un trait exquis de son humanité, la gentillesse avec laquelle il s’approche des personnes les moins considérées dans le grand monde ce temps-là. Ceci ressort du texte de Mathieu (28,9-10) : « Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : Je vous salue. Elles s’approchèrent et, lui saisissant les pieds, elles se prosternèrent devant lui. Alors, Jésus leur dit : soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée, c’est là qu’ils me verront. »
Même l’épisode de l’apparition à Marie Madeleine (Jn 20,11-18) est d’une extraordinaire finesse aussi bien de la part de cette femme qui exprime tout son dévouement passionné et sobre envers le maître que de la part de celui-ci qui lui la traite avec une délicatesse exquise et bienveillante. L’Eglise devra donner importance au fait que le Christ a donné cette préséance aux femmes pendant les évènements pascals. Elle devra continuer à s’appuyer sur elles pour sa vie de foi, de prière et d’apostolat.
A mon avis, les vierges consacrées nous donnent l’exemple de cette vie offerte à Dieu dans la consécration qui rend l’amour achèvement de la foi (Gal 5,6). Ce que St Augustin dira dans une de ses pensées mémorables : « Ceci veut finalement dire : croire dans le Christ est aimer le Christ » (Hoc est enim credere in Christum, diligere Christum » in Enarr. In Ps. 130,1; PL37, 1704). A l’exemple de leur vie, les vierges consacrées nous montrent aussi que l’Amour de Dieu nous pousse à transférer cet amour à nos frères et sœurs.
“Par leur vocation particulière, les femmes qui reçoivent la consécration virginale dans l’Église puisent aussi à ce mystère : pour l’amour du Christ aimé au-dessus de tout, elles renoncent à l’expérience du mariage humain pour lui être unies par un lien sponsal, pour expérimenter et témoigner dans la condition virginale (1 Co 7, 34) de la fécondité d’une telle union, et pour anticiper la réalité de la communion définitive avec Dieu à laquelle l’humanité entière est appelée (Lc 20, 34-36) » (Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés De Vie Apostolique Instruction sur l’Ordo Virginum Ecclesiae Sponsae Imago, N. 18, 8 Juin 2018).
Conseil pratique:
Je propose de répéter souvent cette belle prière de S. Augustin: « Garde, Seigneur, nos cœurs unis pour toujours, pour que, en te suivant, toi seul, le long du chemin, notre affection devienne charité » (Custodi, Domine, animas nostras in perpetuo iunctas, ut te solum sequentes in via dilectio nostra caritas fieri posset).
LECTURE PATRISTIQUE
Saint-Augustin d’Hyppone
DISCOURS SUR LE PSAUME 130.
SERMON AU PEUPLE :
L’humilité chrétienne et le lien entre foi et amour.
source: http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/index.htm
« Ce psaume nous recommande l’humilité du fidèle serviteur de Dieu, qui le chante, et qui est le corps entier du Christ. Souvent, en effet, j’ai fait remarquer à votre charité que ce n’est point un seul homme qui parle, mais tous ceux qui forment le corps du Christ. Et comme ils sont tous réunis dans ce même corps, ce n’est en quelque sorte qu’un seul homme qui parle, et ce seul homme est en même temps plusieurs; car, quoique plusieurs en eux-mêmes, ils sont un en celui qui est un. Or, c’est lui qui est ce temple de Dieu, dont l’Apôtre a dit : « Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple 1 » c’est-à-dire tous ceux qui croient en Jésus-Christ, et qui croient en lui de manière à l’aimer. Car croire au Christ, c’est aimer le Christ : non comme les démons croyaient 2, mais sans l’aimer; et cette foi néanmoins ne les empêchait point de dire « Qu’y a-t-il entre « vous et nous, ô Fils de Dieu 3? » Pour nous, que notre foi soit de nature à croire en lui, à l’aimer, sans dire « Qu’y a-t-il entre vous et « nous, ô Fils de Dieu? » mais de manière à dire : Nous sommes à vous, qui nous avez rachetés. Tous ceux qui ont cette foi sont comme des pierres vivantes, qui forment le temple de Dieu 1 ; comme ces bois incorruptibles dont fut façonnée cette arche que ne purent submerger les eaux du déluge 2. C’est dans ce temple, c’est-à-dire dans ces hommes, que l’on offre à Dieu des prières qu’il exauce. Quiconque prie le Seigneur hors de son temple, n’est point exaucé en ce qui regarde la paix de la Jérusalem d’en haut, bien qu’il soit exaucé quelquefois quant aux biens temporels, que Dieu donne même aux païens. Les dénions aussi furent exaucés, et purent entrer dans les pourceaux 3. Mais être exaucé quant à la vie éternelle est bien différent, et Dieu n’accorde cette faveur qu’à ceux qui prient dans le temple de Dieu. Or, celui-là prie dans le temple de Dieu, qui prie dans la paix de l’Eglise, dans l’unité du corps du Christ, et ce corps du Christ est formé de tous ceux qui ont la foi sur toute la surface de la terre; et il est exaucé précisément parce qu’il prie dans son temple. Car il prie en esprit et en vérité, puisqu’il prie dans la paix de l’Eglise 4, et non dans un temple matériel qui n’en est que la figure.
- I CoIII, 17. – 2. Jacques, II, 19. – 3. Mt VIII 29. – 4. I P, II, 5.
DISCOURS SUR LE PSAUME 149
Le nouveau Cantique ou l’Evangile de l’Amour
- Louons Dieu, mes frères, et par la voix, et par l’intelligence, et par les bonnes actions; et d’après l’exhortation du psaume, chantons-lui un cantique nouveau. Car c’est ainsi qu’il commence: « Chantez au Seigneur un nouveau cantique 1». Le vieux cantique est celui du vieil homme, le nouveau cantique, celui de l’homme nouveau. Au vieux Testament le vieux cantique; au nouveau Testament le nouveau cantique; comme au vieux Testament les promesses temporelles et terrestres. Quiconque aime les choses d’ici-bas, aime le vieux cantique; pour chanter le cantique nouveau, il faut aimer les choses de l’éternité. Quant à l’amour lui-même, il est nouveau et néanmoins éternel; dès lors qu’il ne vieillit point, il est toujours nouveau. A le bien considérer, il est ancien, et dès lors comment peut-il être nouveau ? Quoi donc, mes frères, la vie éternelle a-t-elle commencé tout récemment? La vie éternelle, c’est le Christ, et, comme Dieu, le Christ n’a point commencé; car, « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu; voilà ce qui était en Dieu au commencement. Tout a été fait par lui, et sans lui rien n’a été fait 1 ». Si les choses faites var lui sont anciennes, que peut être celui qui les a faites ? Que peut-il être, sinon éternel et coéternel au Père ? Mais nous qui sommes tombés dans le péché, nous tombons aussi dans la vieillesse. Car c’est nous qui parlons dans ce même psaume, où il est dit avec gémissement : « J’ai vieilli au milieu de mes ennemis 1 ». L’homme est vieilli par le péché, il est rajeuni par la grâce. Qu’ils chantent dès lors un cantique nouveau, ceux qui sont renouvelés dans le Christ, commençant ainsi d’appartenir à la vie éternelle.
- Et ce cantique est celui de la paix, le cantique de l’amour. Quiconque se sépare de l’assemblée des saints, ne chante pas le cantique nouveau. Il s’attache en effet à la haine qui est antique, et non à l’amour qui est nouveau. Que trouvons-nous dans l’amour nouveau, sinon la paix, le lien d’une société sainte, une union spirituelle, un édifice de pierres vivantes? Où rencontrer cela ? Non point dans un seul endroit, mais dans l’univers entier. Ecoute à ce sujet un autre psaume : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau; toute la terre, chantez au Seigneur 2 ». De là nous pouvons comprendre que celui qui ne chante pas avec toute la terre, ne chante point un cantique nouveau, quelles que soient les paroles qui sortent de sa bouche. A quoi bon écouter le son de la voix, quand je connais la pensée ? Mais vous, dira-t-on, connaissez-vous la pensée ? Les actes me l’apprennent. Qu’un homme soit surpris en flagrant délit de vol, d’homicide, d’adultère, sans voir ses pensées dans son cœur, on les connaît par ses actes. Il est beaucoup de pensées qui demeurent dans notre intérieur; mais il en est beaucoup qui passent dans nos œuvres, et qui deviennent évidentes pour les hommes. Pour ces hommes qui ont brisé avec le Christ les liens de la charité, quand ils n’étaient corrompus qu’à l’intérieur, Dieu seul les connaissait. Mais l’épreuve est survenue, les a séparés et a montré aux hommes ce qui n’était connu que de Dieu. Ou ne juge du fruit que par les œuvres. De là cette parole de l’Evangile «Vous les connaîtrez à leurs fruits 3». Ainsi disait le Seigneur, à propos de ceux qui revêtent la peau des brebis, et qui ne sont à l’intérieur que des loups ravissants; et de peur que l’humaine fragilité ne nous empêche de reconnaître le loup sous la peau d’une brebis, le Sauveur ajoute : « Vous les « connaîtrez à leurs fruits ». Nous cherchons le fruit de la charité, et nous trouvons les épines de la division. « Vous les connaîtrez à leurs fruits ». Leur cantique est donc l’ancien, chantons le cantique nouveau. Nous vous l’avons dit déjà, mes frères, toute la terre chante le nouveau cantique. Quiconque ne chante point le nouveau cantique avec toute la terre, pourra chanter ce qu’il voudra, sa langue pourra proférer l’Alleluia; qu’il le chante, et le jour et la nuit, mes oreilles ne s’arrêteront point au bruit de ses chants, je m’arrêterai à ses œuvres. Que j’interroge l’un d’eux, que je lui dise : Quel est ton chant ? Alleluia, me répond-il. Que signifie Alleluia ? Louez le Seigneur. Viens, louons le Seigneur ensemble. Si tu loues le Seigneur, moi aussi je loue le Seigneur; pourquoi serions-nous en désaccord ? La charité loue le Seigneur, la discorde lui jette le blasphème.
par Mgr Follo