Je suis donc parti, il y a une semaine, le lundi 18 septembre vers 4h du matin … merci Père René d’avoir accepté cette heure matinale pour me conduire à l’aéroport de Genève.
Les formalités ont été assez rapides. Vous savez que j’emmenais avec moi la relique du cœur du curé d’Ars, mais ça ne les pas beaucoup intéressés, j’ai juste dû expliquer ce qu’était cet étui que je transportais, quand j’ai voulu sortir les autorisations, on m’a dit : c’est bon, vous pouvez y aller !
Avion à l’heure, 2h pour la correspondance à Bruxelles, donc pas de problème, quand je pensais à la galère d’il y a deux ans, je me disais : Seigneur, tu déroules le tapis rouge devant moi, merci de faire en sorte que tout aille aussi bien ! Oui, lui il déroulait le tapis rouge, mais un Autre était en train de manœuvrer pour que je me prenne les pieds dans le tapis !
Arrivé à Kigali, au Rwanda, où je devais passer une nuit au Foyer de Charité avant de prendre l’avion pour le Burundi le mardi matin. En fait, ça ne va pas se passer comme ça ! Je passe bien la nuit au Foyer de Charité, heureux de m’accueillir, le lendemain, nous parons tôt pour que je puisse prendre l’avion et les problèmes vont commencer et s’enchainer !
Avant l’aéroport, on est arrêté, il faut descendre les valises et un chien vient les renifler pour détecter drogue et explosifs. Pas de problème, bien sûr, à l’arrivée fouille des valises. Tout le monde est fouillé, ils contrôlent tout, ça m’a rappelé les pèlerinages en Israël … avec peut-être encore plus de soin à tout fouiller.
J’avais demandé aux paroissiens d’acheter des médicaments (vitamines, anti-douleurs, fièvre … et des lunettes usagées) pour que je puisse les donner au Burundi. Ils accueillent beaucoup de personnes qui sont malades et qui n’ont pas les moyens de payer docteur et médicaments et eux, ils ont une infirmière.
J’avais donc une valise remplie par ces différents produits. Ils n’ont pas du tout aimé ! Je pense qu’ils m’ont considéré comme un trafiquant ! Et quand, en regardant soigneusement, ils ont vu que certains étaient périmés, alors ça a été le bouquet ! Certaines personnes en avaient profité pour vider leur pharmacie et me donner les restes de leurs traitements dont certains étaient périmés !
J’ai vu défiler pas mal de monde vers cette valise, ça a commencé par les policiers, puis leurs chefs. On m’a demandé si j’avais une autorisation pour transporter ces médicaments et si j’avais la liste complète des produits. Evidemment, je n’avais rien de cela !
Alors ils m’ont conduit à un bureau de la police et m’ont très vite dit que je ne pourrai pas partir aujourd’hui qu’ils allaient être obligés de contrôler un certain nombre de choses à mon sujet.
J’ai été interrogé par je ne sais combien de personnes qui me posaient toujours les mêmes questions, en gros : si vous n’êtes pas docteur, pourquoi vous faites ça ? Et, pourquoi des médicaments périmés ? Je dois reconnaître qu’ils sont restés courtois.
J’ai vite compris que ça allait durer. Comme ils ne m’avaient pas retiré mon téléphone portable, j’ai demandé à téléphoner au prêtre du Burundi pour lui dire que j’avais raté l’avion et que j’avais des problèmes. Il a promis de m’appeler régulièrement pour voir comment ça évoluait.
Vers 11h (j’y étais depuis 5h45 du matin !) quelqu’un s’est présenté comme faisant partie de la police criminelle chargé des investigations criminelles à l’aéroport … là, j’ai compris que ça devenait sérieux ! On a tout repris depuis le début !
J’ai prévenu le père du Burundi que ça se compliquait et qu’il allait devoir trouver des personnes influentes pour me sortir de là ! A ce moment, j’étais persuadé qu’ils allaient me mettre en prison pour quelques jours ! J’ai profité d’un moment où j’étais seul pour chercher les coordonnées de l’ambassade de France au cas où …
Vers 13h un policier, manifestement chrétien, est venu seconder celui qui m’interrogeait. Tout de suite j’ai vu qu’il était bon … mais il faisait son travail. Il m’a proposé à manger, j’ai refusé ! Il m’a dit : il faut manger … je lui ai demandé si, à ma place, il aurait faim ! Il m’a dit : je vois que vous êtres très inquiet. Je lui ai demandé s’il croyait à ma sincérité quand je disais que j’avais amené tout ça pour faire du bien et que je regrettais de ne pas avoir eu le temps de trier les médicaments pour éliminer les périmés. Il a fait une réponse évasive en me disant que lorsqu’on veut faire du bien, il faut prendre des précautions pour respecter la loi ! Au cours de l’après-midi, nous aurons de beaux échanges.
Pendant ce temps, je pense que beaucoup de personnes sont intervenues en ma faveur. Vers 14h30, j’ai été rassuré, j’ai compris que ça devrait se débloquer. Celui qui menait l’interrogatoire m’a dit : j’ai compris qu’il fallait que vous puissiez poursuivre votre voyage, on va tout faire pour vous le permettre, mais on ne peut encore pas vous dire quand vous allez le poursuivre.
A nouveau des questions … et vers 16h30, ils m’annoncent que je serai libéré aujourd’hui, mais qu’il reste quelques problèmes à régler concernant la valise.
Vers 18h, ils m’ont dit qu’il ne manquait plus qu’une autorisation, vers 19h30, ils m’ont autorisé à partir. Ils gardaient cette valise et je la reprendrai au retour pour tout ramener chez nous !
Ouf ! Je crois que le Rwanda a beaucoup, beaucoup souffert et que, aujourd’hui, ils se méfient de tout et de tous … on peut se mettre à leur place … mais quand on est au cœur du problème, on ne brille pas !
Je suis donc allé passer une nouvelle nuit au Foyer de Charité de Kigali … ils étaient heureux d’avoir le cœur du curé d’Ars une nuit de plus ! Le père du Foyer m’a dit : tout ça, c’est le signe que le curé d’Ars voulait rester un jour de plus chez nous !
Avant de m’endormir, je réalise qu’hier les policiers, quand ils m’ont rendu mon passeport ont oublié de me rendre mon carnet de vaccination contre la fièvre jaune, indispensable pour monter dans l’avion vers le Burundi et à présenter à l’arrivée … autrement on peut être refoulé ! Je me dis que, comme je ne peux rien faire pour le moment, le mieux est de dormir … et je dors !
Lendemain matin, départ encore très matinal pour l’aéroport. En 3 nuits, j’ai dormi 9h ! Avant d’arriver à l’aéroport, toujours le point de contrôle avec un chien qui renifle les valises … pas de problème !
Mais avant de prendre l’avion pour le Burundi, dans l’aéroport, il faut, au Rwanda, passer par plusieurs postes de contrôle où ils fouillent attentivement les bagages.
Au point de contrôle j’explique le problème pour le certificat de vaccination. Heureusement, j’avais eu la bonne idée de prendre le nom de l’officier de police qui m’interrogeait et je l’ai supplié de me donner son numéro de téléphone en lui expliquant que, s’il y avait à nouveau des problèmes, il pourrait intervenir, il a accepté. Je l’explique à un policier qui va dans les bureaux et revient avec mon certificat : ouf !
Mais il faut encore passer les contrôles ! 1° contrôle, ils sont très intrigués par des croix en plastique que j’ai amenées, ils pensent que c’est de l’ivoire … je suis encore pris pour un trafiquant ! Je leur explique comme je peux, ils prennent les croix pour les passer à un détecteur et conviennent que c’est du plastique. La relique commence à les intriguer ! J’explique encore comme je peux !
Il faut dire aussi que le Rwanda devient de plus en plus anglophone et qu’il est difficile de trouver des gens qui parlent français. Je montre les autorisations, j’explique que j’ai un laisser-passer de l’ambassadeur du Pape en France (le nonce apostolique) pour cette relique, ils étudient tout ça attentivement. La lettre de notre évêque en latin les impressionne beaucoup !
Sur l’autorisation du nonce, je ne sais pas ce qui s’est passé, mais la veille quand je voulais en parler aux policiers qui m’interrogeaient, je me suis rendu compte que je ne l’avais plus avec moi ! J’ai vite envoyé un message à la secrétaire de notre évêque qui m’en a envoyé une copie par mail … ouf ! C’est donc cette copie sur mon téléphone que je leur montre … ils me laissent passer.
Encore un point de contrôle, juste avec le bagage de cabine dans lequel il y a la relique. A nouveau, il faut tout réexpliquer, ils font venir un chef qui me demande : vous êtes cardiologue pour transporter un cœur ?!!! Après un certain temps, je peux passer, heureusement que j’étais parti de bonne heure !
Je suis dans la salle d’embarquement, les gens commencent à monter dans le car qui conduit à l’avion et là, on me fait signe de sortir du rang pour venir encore montrer la relique et les autorisations. J’avais vraiment peur de rater encore une fois l’avion. Quand ils ont fini, je me dépêche, en espérant que le car n’est pas parti et je me dépêche tellement que je me tords la cheville !!! En boitant je monte dans le car, il faut que tout cela s’arrête ! Quand l’avion décolle, je peux vous dire que j’étais content. A l’arrivée, pas de problème, tout se passe très bien. Le père du Foyer n’est pas là mais je ne me fais pas de souci, je suis tellement heureux d’être arrivé. Le père Amand arrivé, il m’explique qu’il y a des gros embouteillages à cause d’inondations, ils ont eu, la veille, des pluies torrentielles. De fait, en ville, il y a comme un lac !
Tous les membres du Foyer sont dans la cour pour me souhaiter la bienvenue. Retrouvailles émues ! Ils sont, eux aussi, tellement contents que je sois là, hier, ils ont tellement prié pour moi. Il manque Diane, la responsable qui a perdu son beau-frère. Elle était aux funérailles au Rwanda … ce qui fait que je l’ai rencontrée dans mon épopée, c’est elle qui est venue me chercher après ma journée d’interrogatoire. Elle rejoindra le Foyer pour la 3° semaine de retraite car, chez eux, le deuil, c’est 15 jours de cérémonies, visites …
Je suis arrivé au cours d’une semaine de formation pour les groupes du Renouveau. Chaque soir de 18h à 20h, ils viennent pour un temps de formation. Il était prévu que je leur donne un enseignement le mardi soir, mais comme j’ai été retenu au Rwanda, je l’ai fait le mercredi soir. Ils étaient environ 2500 ! Le thème était le curé d’Ars et l’Esprit-Saint.
Je suis émerveillé par le nombre, la qualité d’écoute et de prière : c’était en semaine, les moyens de communication ne sont pas toujours simples et ils viennent ! Voilà un peuple qui a la foi, c’est sûr ! La veille, ils ont tous prié pour moi. La veille, il pleuvait des trombes d’eau, le père Amand pensait qu’ils viendraient beaucoup moins nombreux … ils étaient moins nombreux, ils n’étaient que 2000 !!! Des petits chapiteaux ont été rajoutés dans la prairie pour que tout le monde puisse être à l’abri du soleil ou de la pluie.
Tous viennent avec leur Bible, de quoi prendre des notes, beaucoup enregistrent pour réécouter les enseignements. Je crois vraiment que ces groupes du Renouveau sont le trésor de cette Église du Burundi. Comme souvent, les prêtres ne sont pas très chauds, mais, au Burundi, ils ont eu une idée de génie pour mieux se faire accepter. Sur proposition du père Amand, les gens des groupes de prière du Renouveau ont décidé de donner la dîme pour l’Église : 1/3 de la sommes pour financer des opérations d’évangélisation, 1/3 de la somme pour les pauvres et 1/3 pour les prêtres. Avant, les prêtres ne recevaient aucun traitement, le diocèse était trop pauvre. Grâce au Renouveau, ils touchent quelque chose, du coup, les prêtres les acceptent mieux !
Samedi, c’était la fête pour célébrer les 50 ans du Renouveau charismatique catholique. Ils étaient 4500 ! D’autres chapiteaux, bancs et chaises avaient été rajoutés. La messe était présidée par l’archevêque que j’ai retrouvé avec plaisir et qui m’a prévenu qu’il ne pourrait être à la 1° semaine de retraite puisqu’il participait à la retraite pour les évêques du Burundi, mais qu’il serait là ensuite. Il est arrivé à l’âge de la retraite, il a offert sa démission au Pape qui ne l’a toujours pas remplacé. Il faut dire que dans la situation du pays, il tient une place importante et sa sagesse est très appréciée. La messe a duré 3h30 dont une heure de discours à la fin où les responsables viennent tous dire quelque chose. Et aucun signe d’impatience, personne ne part avant la fin !
Dimanche matin, c’était une messe de consécration pour tous les couples qui avaient l’effusion de l’Esprit. Il y avait 250 couples plus leurs amis, familles … Encore un temps fort.
a relique du cœur du curé d’Ars est exposée tous les jours … et tous les jours, il y a beaucoup de monde. Mercredi soir, à la fin de l’enseignement je leur ai expliqué pourquoi j’avais tenu à venir avec cette relique. Au Burundi, ils ne sont pas très habitués. Mais peut-être que vous qui me lisez n’êtes pas bien habitués non plus, alors voilà ce que je leur ai dit !
En 1905, quand St Jean-Marie Vianney a été béatifié, il a été sorti de sa tombe qui était dans l’église. Son corps était en parfait été de conservation. On l’a exposé dans une chasse.
C’est là qu’on a prélevé son cœur et qu’on en a fait une relique qui pourrait voyager. On peut constater que, son cœur, plus de 150 ans après, est dans un état de conservation extraordinaire. Il a été oxydé au contact de l’air devenant un peu noir, s’est rétracté, mais aucune trace de décomposition. Voilà la parabole extraordinaire : un cœur qui a aimé, c’est un cœur qui devient éternel ! Vous savez que lorsqu’on s’approche de quelqu’un qui a le rhume, on risque de prendre ses virus et d’être malade. Quand on s’approche d’un saint, on prend son virus, le virus de la sainteté ! Et alors, c’est formidable parce que, comme le disait le Saint curé d’Ars : là où les saints passent, Dieu passe avec eux.
Tout au long de ces jours, je finissais de préparer mes enseignements … et à l’heure où j’écris, il me reste encore un enseignement à préparer. Les deux autres retraites seront plus cool puisque tout sera prêt. Il n’y aura plus que les homélies quotidiennes à préparer et à rajouter telle ou telle chose aux enseignements.
Dimanche en fin d’après-midi, les prêtres sont arrivés, ils sont une cinquantaine. Je reconnais un certain nombre parmi eux qui étaient déjà venus il y a deux ans. Notamment, je parle avec un jeune prêtre, lui rappelant des souvenirs d’il y a deux ans. Il est très touché en me disant : je croyais que vous m’aviez oublié !
Hier, lundi, je me suis levé pas très en forme, sensation de fièvre, maux de ventre, dérangement intestinal … Je pensais que ça allait s’arranger dans la journée, mais pas du tout, ça s’aggravait. Le père Amand a proposé de me conduire à l’hôpital, il avait peur de la typhoïde. J’appréhendais car ce que j’avais vu en passant des cabinets médicaux, cliniques ne m’inspirait pas très confiance. Il m’a rassuré en me disant qu’il me conduisait au meilleur hôpital, construit par des suisses.
J’ai été très étonné, c’était vraiment très bien, en tout cas, bien mieux que chez nous. Dès notre arrivée aux urgences, ils me prennent en charge. Il faut dire qu’il y a des chrétiens du Renouveau partout, donc le père Amand qui en est l’aumônier national est connu comme le loup blanc ! Tout le monde le connaît, même si lui, ne les connaît pas. Tout le monde lui dit merci pour ses enseignements … Mais même sans lui, j’aurais été pris tout de suite, il n’y avait pas grand monde. Il faut dire que cet hôpital est très cher pour les Burundais, même si la consultation ne coûte que l’équivalent de 5 € ! Seuls les plus fortunés peuvent venir ici, ce qui explique le peu de monde.
On me prend ma température, il n’y en a pas, alors que j’étais persuadé d’avoir au moins 39 ! Tension impeccable également. Je passe dans le bureau du médecin, une femme charmante qui répond volontiers aux questions que je lui pose. Elle me dit qu’elle va demander une analyse de sang et de selles.
Je pensais que je devrais faire ça le lendemain, pas du tout ! On me prend du sang et un échantillon de selles qui sont analysées immédiatement au labo de l’hôpital. On nous dit qu’il faut attendre 45 minutes. Nous en profitons avec le père Amand pour prier le bréviaire et le chapelet.
Quand nous retrouvons la médecin, elle était en train de chanter : Mon Dieu tu es grand, tu es beau ! Elle dit au père Amand qu’en nous attendant, elle écoutait un de ses enseignements sur son smartphone ! Je lui demande si je vais mourir, elle me dit : oui, mais pas tout de suite ! Elle m’explique très bien ce qui se passe en me disant qu’elle avait même demandé des analyses complémentaires parce qu’elle voulait que je retrouve au plus vite la santé pour accomplir ma mission au Burundi. Merci Seigneur ! Elle me fait une ordonnance. Nous passons payer à la caisse les analyses, c’est l’équivalent de 15 €
La pharmacie de l’hôpital n’est pas très bien achalandée, nous allons en face, une petite officine avec une dizaine d’étagères, mais ils ont tout ce qu’il me faut ! Il y en a pour l’équivalent de 12 €.
Nous rentrons au Foyer. Au total, achat des médicaments compris, ça aura duré 2 heures avec les prélèvements, analyses, deux visites chez le médecin. Avouez qu’on serait content chez nous si, aux urgences, ça se passait comme ça !
J’ai commencé le traitement et je me sens déjà mieux !
Un petit mot sur l’argent. L’archevêque m’a expliqué samedi que, à cause de la situation du pays, la monnaie ne cessait de perdre de sa valeur. Il y a deux ans quand je suis venu, il fallait 2000 francs Burundais pour un euro, aujourd’hui c’est 3500 ! Un prof gagne en moyenne l’équivalent de 80 €.
Un petit mot sur la température. Il fait souvent une chaleur étouffante. C’est le début de la saison des pluies, mais depuis que je suis là, il n’a plu qu’une seule fois, ce qui avait rendu l’air plus respirable. Souvent le ciel se couvre, on entend tonner et rien !
Voilà donc quelques nouvelles pour ceux qui auront eu le courage d’aller jusqu’au bout ! En tout cas, n’ayez aucune crainte, je suis en de bonne main et parfaitement heureux !