Vous ne croyez pas qu’on l’a aussi cette potion magique ?

A part Obélix qui était tombé dedans tout petit, tous nous avons besoin de la potion magique pour relever les défis qui se présentent à nous !

Bon dimanche

Roger

 

On voit de temps en temps sur internet des petites vidéos satiriques qui montrent un homme politique en train de faire un discours et il y a un petit carré incrusté sur lequel une personne fait comme si elle traduisait en langage des signes pour les mal-entendants ce que l’homme politique est en train de dire. Quand on regarde bien, on se rend compte qu’en fait, la personne fait toujours le même geste : elle imite un joueur de flute pour suggérer que ce que l’homme politique est en train de promettre, c’est tout du pipo !

 

Eh bien, si on réalisait une vidéo sur la 1° lecture, au moment où Moïse présente les tables de la Loi, le livre de l’Alliance avec les 10 paroles de vie, le peuple dit : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons. » A cet endroit-là, on aurait pu insérer une personne faisant le même geste pour indiquer que ce qu’est en train de dire le peuple, c’est tout du pipo ! En effet, tellement, ils sont nombreux, on ne peut pas compter le nombre de coups de couteaux que ce peuple plantera dans le contrat de l’Alliance ! Il suffit de relire les prophètes pour entendre la plainte constante de Dieu vis à vis de ce peuple infidèle.

 

Et le scénario ne cesse de se rejouer, mais le drame, c’est que c’est nous qui en sommes les acteurs aujourd’hui ! Si on faisait une petite vidéo pour rendre compte des réunions de parents pour les préparations aux baptêmes, au moment où ils s’engagent à envoyer leurs enfants au caté, on pourrait insérer la personne qui montre que c’est du pipo : 10 à 15% seulement enverront leurs enfants au caté ! De même pour les réunions de parents quand on prépare la 1° communion et qu’ils s’engagent à ce que leurs enfants continuent le caté l’année suivante, on pourrait encore insérer la personne qui montre que c’est du pipo : la plupart arrêteront après la 1° communion. Je ne veux pas nous faire déprimer, mais on pourrait continuer en parlant des mariages et du moment où les jeunes s’engagent pour la vie … quand on connaît la fragilité des couples aujourd’hui, on peut se demander, en bien des circonstances, ce que vaut cet engagement. Et puis, il faudrait encore parler du noyau des pratiquants dont un certain nombre font sauter la messe pour des tas de raisons : invitations à manger, besoin de dormir ou de faire du sport ou du bricolage ou du jardinage, messe trop tôt, trop tard, trop loin ! C’est ce même scénario qui se rejoue encore à chaque fois que nous ne répondons pas à l’appel du Seigneur le dimanche. Et puis, il y a toutes les fois où, chacun de nous, nous mettons, par nos péchés répétés, des coups de couteau dans l’Alliance conclue avec le Seigneur en ne respectant pas telle ou telle des 10 Paroles de vie complétées par les nombreux appels de Jésus.

 

Confrontés à cette situation, on voit deux types de réaction.

 

  • 1° manière de réagir, certains disent : si on ne tient pas les exigences, c’est le signe que le niveau de ces exigences est trop élevé, il faudrait rabaisser la barre.

 

  • 2° manière de réagir, et elle est fréquente aujourd’hui chez certains jeunes prêtres un peu rigides : c’est parce qu’on a déjà trop rabaisser les exigences que tout fout le camp, alors on va donner un tour de vis supplémentaire et, au contraire, relever le niveau des exigences et il n’y aura aucun passe droit.

 

Vous imaginez bien, du moins je l’espère, que je ne soutiens aucune de ces deux manières de réagir. En cautionnant la première, on finit par bénir la médiocrité et se contenter de tellement peu qu’il ne restera bientôt plus rien. En cautionnant la deuxième, on risque de réintroduire une religion de pharisiens qui ne passe sur aucun détail et décourage tout le monde. On sait, en plus, ce que Jésus disait des pharisiens : il les accusait de lier de pesants fardeaux sur le dos des autres et de ne pas les toucher eux-mêmes du petit doigt ! Il rajoutait même cette remarque cinglante : ne les imitez pas car ils disent mais ne font pas !

 

Mais alors, comment s’en sortir ? Parce qu’on ne peut pas se contenter de la situation présente et continuer à accepter que tant de promesses faites par ceux que nous rencontrons ou par nous-mêmes soient du pipo ! Comment ne pas baisser les bras ? C’est une question qui devient vraiment essentielle, j’oserais dire que c’est l’avenir de l’Église qui est en train de se jouer. Et vendredi soir, j’étais invité, comme chaque année, à un repas de rupture de jeune au milieu du ramadan, j’y étais avec Maryse, la responsable de la communauté protestante, nous avons eu l’occasion d’échanger au cours de ce repas et à la fin et je me suis rendu compte que nous nous posions sur ce sujet les mêmes questions et que nous avions conscience, l’un comme l’autre, du défi que ça représentait pour l’avenir … j’ai vu aussi que si nous partagions le même diagnostic, nous étions aussi accordés sur le seul traitement qui nous semblait efficace … même si évidemment, nous ne l’exprimions pas tout à fait dans les mêmes termes en fonction de la théologie de nos Églises.

 

Quand on est face à des défis redoutables, le mieux est de chercher des modèles : comment d’autres s’en sont sortis quand ils ont été confrontés à de tels défis ? Et ce ne sont pas forcément les lectures les plus compliquées, les modèles les plus élaborés qui sont les plus performants ! C’est pourquoi, je vous suggère que nous nous référions à Astérix. Ce pauvre village gaulois est sans cesse menacer de disparition ou d’assimilation, c’est bien ce même risque qui nous guette si nous continuons sur cette voie de  déclin et, vous l’aurez compris, ce ne sont pas les appels à ériger la médiocrité en règle ou à renforcer les exigences qui vont enrayer le processus. Dans le village d’Astérix, en tout cas, on a choisi aucune de ces deux solutions ! Mais je vous vois venir, vous allez me dire : oui, mais pour eux, c’était plus facile parce qu’ils avaient la potion magique !

 

Et nous, vous ne croyez pas qu’on l’a aussi cette potion magique ? Si je vous fais ce long développement en cette fête du Corps et du Sang du Christ, ce n’est pas tout à fait un hasard ! Nous ne sortirons du marasme dans lequel nous sommes, ni en érigeant la médiocrité comme loi générale, ni par des tours de vis supplémentaires, il faut permettre à chaque croyant d’avoir un cœur de feu, un cœur brûlant d’amour pour Jésus. Seul l’amour pour Jésus donnera, à la fois, l’enthousiasme et la force de vivre en fidélité à l’Alliance. Là-dessus, nous étions parfaitement d’accord avec Maryse. C’est sur les moyens pour retrouver un cœur de feu que nous pouvons diverger. Pour nous catholiques, c’est sûr, le moyen des moyens, c’est l’Eucharistie. Regardez, avant de mourir, Jésus ne réunit pas ses apôtres pour une séance de coaching et de motivation, il les réunit pour célébrer avec eux l’Eucharistie.

 

Il invente l’Eucharistie  parce qu’il sait que c’est la potion magique, la seule qui permettra aux chrétiens de garder un cœur brûlant d’amour. Et cette potion magique, elle ne manquera jamais à l’Église. Oh certes, avec la diminution du nombre des prêtres, il faut souvent faire plus de kilomètres pour la recevoir cette potion magique. Mais, du temps d’Astérix, dans certains albums, on voit les kilomètres parcourus par les deux héros pour que la potion magique réalise ses merveilles, par exemple, dans la construction du palais promis par César à Cléopâtre. Nous n’aurons jamais à faire autant de kilomètres, la seule question, c’est est-ce que nous croyons que participer à la messe, c’est recevoir la potion magique ?

 

Oui, je l’affirme avec toute la profondeur de ma foi : l’Eucharistie est cette potion magique qui a le pouvoir de nous redonner sans cesse un cœur brûlant. Je ne me fatigue pas de citer cette phrase de St Ephrem, un père de l’Église en Syrie qui disait : « Jésus appela le pain son corps vivant, il le remplit de lui-même et de son Esprit. […] Et celui qui le mange avec foi mange le Feu et l’Esprit […]. Prenez-en, mangez-en tous, et mangez avec lui l’Esprit Saint. » Voilà pourquoi communier donne le feu, donne la pêche, utilisez les mots que vous voulez, voilà pourquoi c’est une véritable potion magique : celui qui mange ce pain avec foi mange le Feu et l’Esprit. Ce ne sont pas des réformes de structure qui sauveront l’Église, l’Église, elle se portera mieux, beaucoup mieux quand tous les chrétiens se nourriront de cette potion magique ! Et au village d’Astérix, on avait bien compris que le plus important n’était pas le goût de la potion magique ni les conditions dans lesquelles on allait la prendre, le plus essentiel, c’était son efficacité ! Et je vous rappelle que vous ne pouvez vous en passer qu’à une condition : vous appeler Obélix, si ce n’est pas le cas, vous n’êtes pas tombés dedans quand vous étiez petits et donc vous en avez besoin régulièrement !

 

Père Roger Hébert