Y a-t-il une vie avant la mort ?

Depuis cet événement tragique du 14 juillet au soir à Nice, sur les réseaux sociaux, mais aussi, hélas, par l’intermédiaire des grands médias, on entend et on lit tout et n’importe quoi. Avec ce petit billet, j’espère, même si c’est un peu prétentieux, ne pas en rajouter.

J’étais à proximité de St Jacques de Compostelle quand j’ai appris la nouvelle, ma prière est tout de suite montée vers le Seigneur pour ces victimes et pour toutes leurs familles.

La télévision espagnole a largement couvert l’événement organisant, elle aussi, sur ses chaines d’info, un non-stop.

C’est trop évident, un tel événement nous laisse tous K.O. Mais habituellement, quand on est K.O. on ne parle plus, là c’est le contraire ! Tout le monde y va de son analyse, profitant de l’aubaine pour distiller des pensées souvent haineuses … comme si rajouter de la haine à la haine allait nous sauver ! C’est d’autant plus déplorable quand ces paroles viennent de chrétiens, voire parfois de prêtres.

Je ne veux pas faire de la psychologie « à deux balles » mais je me permets quand même de proposer cette courte réflexion. Il y a chez tous, je veux le croire, une douleur bien réelle venant d’une compassion non feinte pour les victimes et leurs familles. Mais il me semble aussi que s’exprime une grande peur parce que nous réalisons que ça pourrait nous arriver à tous. Les témoignages affluent de personnes ayant quitté la promenade quelques minutes avant le drame ou n’ayant pas pu s’y rendre pour diverses raisons. Oui, j’aurais pu y être, vous aussi et nous aurions pu faire partie des victimes. Je pourrais faire partie des prochaines victimes, vous aussi ! Car, il est bien évident que ce n’est pas le dernier drame que nous vivons. Des personnes déséquilibrées ou haineuses, il y en aura encore et aucun bombardement massif en Syrie ou ailleurs ne les éliminera pas plus que des mesures sécuritaires renforcées. En plus, l’idée de camion-tueur pourrait donner des idées pour réussir des massacres à moindre coup. S’il y a une certitude, c’est que nous sommes loin de retrouver la tranquillité.

Alors certains cherchent des explications : intervention en Irak, frontières ouvertes aux réfugiés, marginalisation des immigrés … D’autres y vont de leurs conseils : armement plus fort pour les forces de l’ordre, expulsion des étrangers … Et puis on entend de plus en plus souvent ces remarques : puisque tout peut s’arrêter à tout moment, profitons de la vie !

Moi, je n’ai pas la prétention de connaitre les raisons qui pourraient expliquer tous ces drames et j’ai encore moins la prétention de savoir quelles bonnes solutions pourraient nous sortir de cette situation. Je prie pour ceux dont c’est la responsabilité et je ne voudrais pas leur place. Mais je m’interroge sur tous ces appels à prendre comme devise le fameux « carpe diem ! » (profite du jour) Il me semble que la célèbre question de Coluche devient de plus en plus d’actualité : Y a-t-il une vie avant la mort ?

Puisque tout peut s’arrêter si vite, c’est sûr, il faut en profiter, mais en profiter pour faire quoi ?

Je suis toujours frappé en entendant les jeunes dire qu’ils vont s’éclater en allant en boîte. Vous entendez l’antinomie des mots ? S’éclater dans une boîte qui est l’image même de l’enfermement ! Cette image me semble assez représentative de ce qui est proposé, à la suite de ces douloureux événements, par tous les promoteurs du « carpe diem. »

Si je devais partir brutalement -et ça pourrait aussi être un accident, une maladie foudroyante- j’aimerais pouvoir répondre positivement à la question de Coluche : Y a-t-il une vie avant la mort ? Comme chrétien, je ne doute pas un seul instant qu’il y a une vie après la mort, et comme prêtre, je fais tout ce que je peux pour que tous les hommes puissent avoir une vie avant la mort, c’est le sens de ma vie donnée. Je suis le disciple de celui qui a dit : « je suis venu pour que vous ayez la vie et que vous l’ayez en abondance » Jn 10,10. (Evidemment, j’en parle mieux que je ne le vis au quotidien !)

Cette vie en abondance, il veut que nous l’expérimentions avant et après la mort. Après la mort, il n’y aura plus de problème, nous serons avec Dieu, donc nous ne serons plus tentés par les mauvais choix. Mais avant la mort, c’est là qu’il y a le plus de risques de passer à côté de la vie. J’aime bien citer cette phrase que mère Térésa a fait inscrire sur le fronton de la porte de sa maison d’accueil à Calcutta : TOUT CE QUI N’EST PAS DONNÉ EST PERDU ! Voilà le chemin pour répondre à la question de Coluche : Y a-t-il une vie avant la mort ? Et je dis bien LE chemin car je suis persuadé qu’il n’y en a pas des milliers. Par contre, je suis intimement convaincu qu’il y a bien des manières de prendre cet unique chemin, qu’il y a bien des manières de donner, de se donner.

Si nous voulons vraiment qu’il y ait pour tous, une vie avant la mort, il n’y a plus de temps à perdre, inscrivons, nous aussi, au fronton de la porte de notre cœur : TOUT CE QUI N’EST PAS DONNÉ EST PERDU !

Père Roger Hébert