Homélie dimanche 05/08/2018: Apprendre la confiance, c’est grandir dans la foi ; manquer de confiance, c’est manquer de foi.

Les amateurs de bon vin comprendront plus facilement !

Bon dimanche … homélie envoyée dans la fraicheur du matin, qui, hélas, ne durera pas !

Bonne semaine !

Roger

 

Tous les amateurs de bon vin le savent, il ne faut jamais boire trop vite son verre quand il contient du bon vin. Vous avez sans doute assisté au rituel : avant de le porter aux lèvres, il convient de le faire tourner délicatement dans son verre pour libérer les arômes et, rien n’interdit de le regarder un moment pour renforcer encore le désir de le goûter … mais pas tout de suite encore ! Il faudra auparavant le sentir et c’est seulement là qu’on peut le porter à ses lèvres. Mais surtout, n’avalez pas immédiatement cette 1° gorgée, laissez-la rouler un moment dans votre bouche. Si le vin est bon, c’est merveilleux ! Je ne dis pas que tout le monde sera capable de déceler des arômes de fruits rouges et de noisettes, mais, c’est sûr que vous serez récompensé de votre patience ! Ceux qui boivent trop vite passeront toujours à côté de l’essentiel.

 

Eh bien mes amis, il arrive aux lecteurs trop pressés de la Bible ou aux auditeurs distraits ce qui arrive à ceux qui ne prennent pas le temps de déguster un bon vin : ils passent à côté de l’essentiel, ils ne goûteront jamais la saveur de la Parole. J’ai souvent dit que, bien souvent, ce qui rend un texte savoureux, ce qui fait que la Parole devient vraiment parlante, ce sont les détails. Seulement voilà, les auditeurs distraits, les lecteurs pressés ne s’arrêtent pas aux détails. Je dois confesser qu’il m’arrive, à moi aussi, d’être parfois un auditeur distrait, un lecteur trop pressé de la Parole. Mais j’ai un avantage sur vous, c’est que chaque semaine et même plusieurs fois par semaine, je dois préparer une homélie. Et, là, pour essayer de faire un commentaire le plus savoureux possible, il me faut lire les textes avec attention en demandant au St Esprit de m’éclairer et, quand je le fais vraiment bien, il arrive souvent que ce sont des détails qui vont m’inspirer.

 

Ainsi, dans les lectures d’aujourd’hui, j’ai été arrêté par une petite mention assez étonnante qu’on trouve dans la 1° lecture. Mais, pour que vous puissiez tous la goûter, y compris ceux qui auraient été des auditeurs distraits de cette 1° lecture, je fais un rapide résumé ! Moïse a libéré le peuple de la servitude d’Egypte et, pour échapper aux armées de pharaon, ils s’enfoncent dans le désert. C’est vrai que bien des chars égyptiens avaient été engloutis par la mer qui s’était refermée sur eux, mais les survivants n’ont pas été cherchés du renfort en voyant que Moïse les poussait à avancer dans ce désert si inhospitalier. Les égyptiens ont dû penser qu’ils auraient la punition qu’ils méritaient : puisque les hébreux s’étaient évadés en grugeant leurs maîtres, ils allaient mourir de faim et de soif dans ce désert et bien fait pour eux. Le peuple se rend compte de la situation dramatique qui les attend, alors ils vont voir Moïse et lui disent : « Il aurait mieux valu nous laisser mourir de fatigue au pays d’Égypte, au moins, là-bas, on mangeait à notre faim ! Mais, toi, tu nous as fait sortir dans ce désert pour nous faire mourir de faim ! » Et ces paroles acerbes, ils n’ont pas dû les dire qu’une seule fois et quand ils les disaient, ils devaient les crier de colère. A tel point que Dieu entend et décide d’intervenir.

 

Et c’est là que se situe le détail si intéressant ! Le texte nous faisait entendre ce que Dieu disait à Moïse en promettant de donner la manne : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve. » Vous avez entendu, il y a quelque chose qui cloche !

 

Dieu va donner du pain, il va empêcher le peuple de mourir de faim et il dit : « ainsi je vais les mettre à l’épreuve. » On se demande s’il n’y a pas eu une erreur de transcription ! On n’aurait pas été surpris d’entendre : je leur donnerai à manger et c’est ainsi que je les ferai sortir de l’épreuve. Mais comment Dieu peut-il dire : « je vais faire pleuvoir du pain pour vous et ainsi je vais vous mettre à l’épreuve ? » En fait, dans la reformulation que je viens de faire, j’ai sauté quelques mots qui permettent de tout comprendre : Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne. Et c’est là que se situe l’épreuve : il va falloir accepter de faire une confiance aveugle à Dieu. Et ça ne sera pas évident. La suite de l’histoire que nous n’avons pas lue montre que Moïse avait expliqué les consignes de Dieu au peuple : le matin, vous irez recueillir la manne, mais chacun ne prendra que ce dont il a besoin. D’abord ça évite que les lèves-tôt prennent tout et qu’il ne reste plus rien pour les lèves-tard. Avec cette consigne, Dieu demandait à Moïse d’apprendre à son peuple le partage. Mais surtout il lui demandait de leur apprendre la confiance qui consiste à croire que Dieu va tenir Parole, il a promis de donner chaque jour, il donnera chaque jour, donc pas besoin de faire des réserves, ce qui serait précisément un manque de confiance. Et je vous rappelle que confiance et foi, c’est le même mot. Apprendre la confiance, c’est grandir dans la foi ; manquer de confiance, c’est manquer de foi.

 

Evidemment, ce qui devait arriver est arrivé ! Des petits malins se sont dits : on ne sait jamais, si un matin Dieu oubliait de livrer la manne en temps voulu, il serait quand même bon d’avoir un petit stock. Seulement voilà, Dieu avait tout prévu ! Quelle surprise pour ceux qui avaient fait du stock, ils ont vu leurs provisions pourrir dans la nuit ! Il n’y a que le vendredi matin qu’ils pouvaient ramasser double ration de manne, en effet, le lendemain, c’était le sabbat et le sabbat, on ne doit pas travailler, Dieu avait donc prévu que la double ration du vendredi ne pourrisse pas. C’est ainsi que le peuple va découvrir, émerveillé, la fidélité de Dieu : pendant les 40 années de la traversée du désert, Dieu a toujours été au rendez-vous, il avait promis, il a tenu Parole : livraison gratuite et ponctuelle du pain de la manne chaque matin pendant 40 ans !

 

En introduction, je disais que ce sont les détails qui rendent la Parole parlante. C’est à dire qu’elle devient parlante pour nous aujourd’hui. On peut dire que les conditions de la foi n’ont pas changé depuis le temps du désert. La fidélité de Dieu ne pourra jamais être prise en défaut. Il continue de donner, mais, comme au désert, il donne au fur et à mesure ce dont nous avons besoin. Certaines fois, on entend des personnes dire : si une grave maladie me tombait dessus ou une très lourde épreuve, me connaissant, je ne sais pas si j’aurais la force de faire face. Quand on est chrétien, mais vraiment chrétien, inutile de se poser la question en ces termes. Quand viendront les épreuves, Dieu me donnera au quotidien la force dont j’aurais besoin pour faire face. Pendant 40 ans, chaque matin, il a donné la manne, sa fidélité n’a jamais été prise en défaut ; eh bien, aussi longtemps qu’il le faudra, chaque matin, il me donnera l’énergie pour me lever, pour me battre, pour tenir. Le problème, c’est que nous nous aimerions que Dieu donne avant qu’on ait besoin … comme ça on serait rassuré. Autrement dit, nous, nous aimerions faire du stock, stocker de l’énergie, du courage, de l’amour pour être sûrs de ne pas en manquer quand il nous en faudra.

 

C’est ainsi que nous disons régulièrement à Dieu : donne et ensuite, quand je serai sûr d’avoir ce dont j’ai besoin, c’est promis,  je me lance dans la confiance ! Mais Dieu nous répond invariablement la même chose : vas-y et quand tu te seras lancé, je te donnerai ce dont tu as besoin ! C’est exactement le sens de la Parole de Jésus qui se trouvait en plein cœur de l’évangile : la plus grande œuvre que Dieu puisse accomplir, c’est de nous faire grandir dans la foi, la confiance. Alors, attention, confiance ne veut pas dire insouciance ! Si vous n’allez pas faire les courses, le frigo ne va pas se remplir tout seul ! Si vous ne préparez pas le repas, il ne vous tombera pas tout cuit du ciel ! C’est bien évident que ce n’est pas de cela dont parlent ces textes. Je le précisais déjà la semaine dernière en parlant de la boulangerie du Bon Dieu : le pain qu’il nous livre chaque jour, c’est le pain de l’amour, le pain de la force. C’est ce pain de l’amour que nous sommes venus chercher en participant à cette messe et nous savons bien que ce pain-là, il n’est ni possible, ni utile de le stocker puisque, jamais il ne nous manquera.

 

Père Roger Hébert